Après l'épisode sulfureux avec la compagnie Saipem-ENI et qui n'a pas tout dit sur les pratiques de la nomenklatura algérienne, voici que la firme canadienne SNC Lavalin revient une nouvelle fois au registre des contrats frauduleux avec l'Algérie. Comme il s'agit d'un feuilleton, les personnages principaux, ceux qui font et défont les liens de corruption, ne changent pas. Farid Noureddine Bedjaoui, neveu de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, fait partie des personnages-clés. Il est même l'intermédiaire et maître exécutant des transactions douteuses. Qui est donc ce personnage qui semble faire aujourd'hui de l'ombre au nom moins trouble Réda Hamch ? On le dit neveu préféré de l'ex-ministre, qui a mené une vie dorée entre Paris, Majorque, Dubaï et Montréal. Agé de 44 ans, le nom de Farid Bedjaoui revient souvent dans les affaires de corruption et différents contrats douteux. Il y a une vingtaine d'années, il s'était établi à Montréal avec sa famille, ses parents et ses deux frères Ryad et Réda. «La famille arrivait de Paris, où elle avait longtemps vécu. Les Bedjaoui y avaient acquis un appartement de près de 300 m2 dans un hôtel particulier de l'avenue Foch, à Paris, secteur où le prix moyen au mètre carré est de 15 000 dollars. Le patrimoine familial comprend aussi un yacht d'une valeur de 25 millions d'euros et une immense villa espagnole à Palma de Majorque, refuge de milliardaires», souligne le quotidien montréalais la Presse. Farid Bedjaoui est diplômé de HEC en 1992, et avec ses frères il a lancé Bédex Agrofood International et Mexicafé, «deux firmes spécialisées dans l'import-export de produits alimentaires, en particulier du café». Ces deux entreprises ne sont plus actives, mais Farid Bedjaoui a réussi à créer, en 2000, à Dubaï, Ryan Asset Management FZ, qui, au bout de trois ans seulement, en 2003, a reçu de Sonatrach pas moins de 2 milliards de dollars. Son oncle à l'époque était président du Conseil constitutionnel. A partir de Dubaï, et de son palais de 3000 m2, Farid Bedjaoui se place comme un interlocuteur principal entre la compagnie pétrolière algérienne et les multinationales. Les affaires au Canada continuent de marcher, avec à leur tête, ses frères Ryad et Réda. Ryad devient propriétaire de Bami Capital, situé dans le quartier huppé de Westmount Square à Montréal, et dont l'objet est de permettre à des investisseurs européens de s'établir au Canada. Farid Bedjaoui serait aussi propriétaire d'une société de courtage à Hong Kong. Cité mais non inquiété par la justice algérienne, notamment dans le scandale de l'autoroute Est-Ouest, le nom de Farid Bedjaoui ressurgit de nouveau grâce aux enquêtes menées par les justices italienne, canadienne et suisse. Bedjaoui est au centre de toutes les rencontres entre les dirigeants d'ENI et SNC Lavalin avec Sonatrach et l'ex-ministre Chakib Khelil en contrepartie de commissions juteuses versées dans des banques à Dubaï, en Suisse et en France. «Avoir Bedjaoui comme ami est essentiel et fondamental pour travailler en Algérie», avance un journal italien pour montrer à quel point l'implication de ce personnage était principale dans l'octroi frauduleux des grands contrats. Les enquêteurs européens (italiens, suisses et français) et canadiens, qui soupçonnent SNC Lavalin et Saipem SPA de compter sur les services de Bedjaoui pour obtenir des contrats avec Sonatrach, ont ordonné, il y a deux semaines, d'éplucher les comptes en banque de Bedjaoui et de perquisitionner sa demeure à Paris ainsi que son bureau en Suisse. Dans un communiqué de SNC Lavalin, il a été reconnu l'implication de Farid Bedjaoui comme agent intermédiaire avec plusieurs sociétés en Algérie. «Bedjaoui se présentait comme un conseiller en placement, un mécène et un consultant offrant des conseils stratégiques dans le secteur du pétrole et du gaz».