Dans cet entretien, le président de l'Unop revient sur les conditions du retrait du marché algérien du dextropropoxyphène, un antidouleur, sans au préalable s'assurer des solutions de substitution. Le ministère de la Santé a décidé de retirer du marché le Di-antalvic, quelle est votre réaction à cette décision ? Nos adhérents ont été effectivement surpris par la décision hâtive et unilatérale de retirer tous les produits à base de dextropropoxyphène à partir du 31 décembre prochain. Quatre sociétés savantes algériennes, et non des moindres, ont été, autant que nous, prises au dépourvu. La Société algérienne d'évaluation et de traitement de la douleur, la Société algérienne d'oncologie, la Société algérienne d'oncologie pédiatrique et la Société algérienne d'oncologie thoracique ont d'ailleurs rédigé un communiqué destiné à la direction de la pharmacie, dans lequel elles déplorent cette décision prise à la hâte, et non justifiée. Cette molécule, qui bénéficie d'un recul d'un demi-siècle d'utilisation, n'est pas dangereuse pour la santé, la décision de l'EMEA a été motivée par des cas d'utilisation abusive à des fins de suicide. Si nous devions interdire tous les produits susceptibles d'être utilisés dans ce contexte, je peux vous garantir que tous les produits seront retirés. De plus, nos adhérents fabricant ce produit n'ont jamais été saisis par le Centre national de pharmacovigilance qui a la charge de répertorier tous les effets indésirables ou les incidents rapportés au produit pharmaceutique. Le dextropropoxyphène n'a d'ailleurs pas fait l'objet de retrait dans des pays comme les Etats-Unis, connus pour la sévérité de leur administration pharmaceutique (FDA). Plusieurs autorités scientifiques, dont l'Académie française de médecine, ont dénoncé ce retrait abusif et ont procédé à des recours qui sont en cours d'examen. Si l'argument du principe de précaution était justifié, le retrait aurait été immédiat. Le retrait différé prouve bien que le produit n'est pas nocif dans le cadre d'une prescription médicale. Le principe de précaution voudrait que les alternatives thérapeutiques soient préparées pour garantir la continuité de la prise en charge de la douleur. Quel est l'impact de ce retrait sur les entreprises algériennes de production et d'importation ? Il faut savoir que les producteurs locaux fabriquent 7 millions de boîtes/an, et qu'ils ont adhéré à la décision du gouvernement d'interdire l'importation des produits fabriqués localement en signant un engagement de disponibilité et de détention de stocks. Nos adhérents ont fabriqué ce produit en quantité suffisante pour couvrir un stock pour plusieurs mois, et se trouvent aujourd'hui piégés par une décision injustifiée sur le plan santé publique et gravement préjudiciable à leur équilibre financier. Si cette décision n'est pas revue, les fabricants nationaux, donc l'Algérie, enregistreront une perte nette de plus de 700 millions de dinars. Nous ne pourrions que nous associer à cette décision si le dextropropoxyphène souffrait dans son utilisation quotidienne d'effets néfastes pour la santé. Ce que nous ne comprenons pas est la précipitation avec laquelle le ministère de la Santé a pris cette décision, ne laissant aux producteurs nationaux que 6 mois pour écouler leurs stocks. Le retrait définitif de cette molécule du marché algérien est prévu pour la fin du mois de décembre. Existe-t-il d'autres produits de substitution ? Le corps médical algérien, représenté par les 4 sociétés savantes citées précédemment, a qualifié cette décision de scandaleuse et de vrai souci pour la santé publique. En effet, contrairement aux pays européens, la pauvreté de l'arsenal thérapeutique dans le traitement de la douleur, notamment le palier 2, ne laisse aucune alternative au médecin dans la prise en charge de ses patients. Le délai fixé au 31 décembre ne donne pas le temps aux fabricants ni pour développer ni pour fabriquer en quantités suffisantes des produits similaires. Il faut savoir également que les autres alternatives thérapeutiques au dextropropoxyphène vont être chèrement payées par les caisses de Sécurité sociale. Nous avons proposé au ministère de la Santé de différer cette décision et d'utiliser cette période pour réaliser une étude épidémiologique, d'une part, et pour permettre aux fabricants de mettre sur le marché des nouveaux produits représentant des alternatives thérapeutiques, d'autre part. (*) Union nationale des opérateurs de la pharmacie