Il y a vingt ans, aucun de ceux qui ont été témoins de cette nuit du 9 novembre 1989 à Berlin ou ailleurs en Allemagne ne l'oubliera – la nuit où le Mur est tombé. Quand elle s'écrit, l'histoire est souvent tragique. Il est rare qu'elle fasse un clin d'œil aux hommes. Le 9 novembre 1989 fut l'un de ces moments exceptionnels, car ce jour-là, le socialisme bureaucratique d'Allemagne de l'Est est mort comme il a vécu – dans la plus grande pagaille bureaucratique. Le porte-parole du Politburo, Günter Schabowski, avait tout simplement mal compris la décision qui avait été prise. Donnant alors une information incorrecte quant à la levée des restrictions aux voyages, il a déclenché la chute du Mur - Groucho Marx n'aurait pas mieux fait que lui. Ce fut le plus grand moment de bonheur de l'Allemagne. Vingt ans plus tard, beaucoup des bouleversements amorcés par cette nuit sont derrière nous. A titre d'héritier victorieux de l'effondrement de l'ordre issu de la guerre froide, les USA se sont retrouvés à l'apogée de leur pouvoir - seule superpuissance incontestée. Mais en une vingtaine d'années, conséquence de la guerre en Irak et de la crise économique et financière, ils ont de leur fait perdu ce statut. L'arrogance du pouvoir et l'aveuglement quant à la réalité ont été les deux principales causes du déclin de la seule superpuissance restante. Même si la responsabilité essentielle en incombe à George W. Bush, bien des tendances négatives étaient apparues avant lui. Il les a simplement poussées à l'extrême. Après le 11 septembre, les USA ont eu la deuxième grande occasion d'utiliser leur pouvoir exceptionnel pour réorganiser le monde. Après ce terrible crime, de nombreux pays (dont des pays arabes) étaient prêts à accomplir des pas importants. A ce moment-là, la paix entre Palestiniens et Israéliens aurait pu être réalisée et ouvrir une ère nouvelle au Moyen-Orient. Mais les USA ont aussi laissé passer cette occasion. En Allemagne, qui doit en grande partie sa réunification à son enracinement dans l'UE et dans l'OTAN, la lassitude à l'égard de l'Europe est palpable. La génération au pouvoir à Berlin pense de plus en plus en termes nationaux plutôt qu'européens. Cela n'a jamais été aussi évident que dans les jours et les semaines décisives de la crise financière mondiale. La Russie est devenue exportatrice de matières premières, devenant ainsi dépendante des impondérables du marché mondial de l'énergie, tout en imaginant pouvoir utiliser l'énergie comme un outil pour revenir sur l'ordre post-soviétique à sa périphérie. L'histoire considère le G8 uniquement comme le club des pays occidentaux industrialisés. De ce fait discrédité, il a été remplacé par le G20 qui masque la distribution sous-jacente du pouvoir au sein du nouvel ordre mondial : le G2, autrement dit la Chine et les USA. Tous ces changements reflètent un transfert spectaculaire du pouvoir de l'Occident vers l'Orient, de l'Europe et de l'Amérique vers l'Asie - ce qui va probablement mettre fin dans les vingt ans à venir à quatre siècles d'eurocentrisme. Au cours des deux dernières décennies, le monde s'est dangereusement approché de ses limites sur le plan écologique. Depuis le 9 novembre 1989, la majorité de l'humanité veut atteindre à tout prix le niveau de vie occidental, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur le climat et l'écosystème de la planète. Depuis la chute du Mur de Berlin, le monde a été riche de changements spectaculaires, mais des bouleversements sont encore à venir. Le réchauffement climatique n'est que le sommet de l'iceberg vers lequel nous nous dirigeons en toute connaissance de cause, les yeux grands ouverts. Il faut que tous les pays de la planète agissent à un niveau mondial et de concert. Vingt ans après Berlin, Copenhague nous appelle. Lire l'article dans son intégralité sur www.project-syndicate.org