Pour cerner ces problématiques, les diplomates de l'ambassade des Etats-Unis ont sollicité, entre autres, l'avis des responsables de l'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC). Ces derniers ont été conviés, il y a quelques jours, à une rencontre entrant dans le cadre de la finalisation du rapport annuel du département d'Etat américain, informe un communiqué de l'association. «Nous avons été sollicités pour nos analyses sur la corruption en Algérie», explique Djilali Hadjadj, porte-parole de l'AACC. Néanmoins, ce dernier a saisi cette opportunité pour exposer un certain nombre de questions, dont les instruments de lutte contre la corruption et les contraintes liées à leur application. Le communiqué relate des échanges où fut évoqué le cas de l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil, lequel aurait la nationalité américaine. L'association algérienne a ainsi demandé à ses hôtes si la justice américaine était prête à agir dans le cas où les soupçons se vérifieraient. «Chakib Khelil a la nationalité américaine et possède d'importants biens immobiliers, aux USA notamment. Cet ex-ministre a été cité dans plusieurs grands scandales de corruption, tant au niveau de la justice algérienne que par ses homologues italienne et canadienne ; pour le moment, si ces accusations s'avèrent fondées, est-ce que les cours américaines jugeront ce ressortissant américain ?», note l'association. En guise de réponse, les diplomates de l'ambassade ont été catégoriques : cette loi s'appliquera «de manière ferme», selon le compte-rendu de l'AACC. Les diplomates américains se seraient également interrogés si les hauts fonctionnaires accusés ou soupçonnés de corruption sont traités de la même façon par la justice. L'AACC a soutenu qu'il y a une justice à plusieurs vitesses. «Ceci a été confirmé notamment lors de l'instruction judiciaire et le procès de l'affaire Khalifa, accablant les uns et protégeant les autres (des ministres toujours en exercice). Ou la gestion judiciaire des affaires des ex-walis de Blida et d'El Tarf : le premier toujours ‘protégé' par la Cour suprême, le second condamné à de la prison dans plusieurs procès», note Djilali Hadjadj. Les Américains ne comprennent pas en outre le rôle l'Organe de prévention et de lutte contre la corruption (ONPLCC). Pour l'AACC, cette structure, créée en 2006 (loi anticorruption) installée quatre années plus tard, brille par son absence, démontrant encore une fois l'inexistence de volonté politique à lutter contre la corruption. Par ailleurs, le cas Amar Ghoul intrigue les Américains. «Et Amar Ghoul ?» demande une diplomate américaine à Djilali Hadjadj, sous-entendant s'il est impliqué ou non dans des affaires de corruption, dont l'énorme scandale de l'autoroute Est-Ouest d'une part, et si oui, comment et pourquoi échappe-t-il à la justice algérienne ? La réponse de l'AACC a été sans équivoque : «L'AACC avait publié une enquête sur la corruption dans la gestion de la pêche au thon, intitulée ‘Un Ghoul en cache un autre', demandant que la justice ouvre une enquête. Une demande restée sans suite alors que les faits étaient accablants. Plus grave, Amar Ghoul, au lieu d'être démis de ses fonctions, fut promu ministre des Travaux publics. Puis éclata en 2010 l'affaire de l'autoroute Est-Ouest, toujours pendante devant la justice», observe M. Hadjadj dans le communiqué, qui pense que Amar Ghoul aurait dû de lui-même quitter le gouvernement au vu des faits qui l'accablent, lui et son département.