On découvre ainsi par cette exposition, des portraits, des scènes de combat, mais aussi des scènes de la vie quotidienne du côté des moudjahidine et des images montrant la vie terrible des civils sous les coups de l'armée française. Certaines de ces images sont bien sûr connues, par les tirages ou les reproductions de l'époque, mais d'autres, le plus grand nombre, sont totalement inédites. Elles ont été réalisées soit par des photographes très peu connus à l'époque, soit par des anonymes auxquels cette exposition veut également rendre hommage. Leur regard est celui d'humanistes, témoins du bonheur et de la douleur de femmes et d'hommes. L'exposition de ces photographies de guerre est remarquable et passionnante. Elle montre une vraie humilité des photographes, professionnels et amateurs, devant la primauté du sujet et l'envie, voire le besoin, de témoigner, documenter, de laisser une trace indélébile, historique, prégnante. Toutes les photographies sont prises au plus près de l'homme et de l'action, s'arrêtant sur des instants fragiles d'une existence vouée au combat. Leur temps n'est pas celui de l'éphémère, mais celui de la mémoire en construction, des bonheurs et des malheurs, des échecs et des réussites pour l'après-victoire. Les photographes de guerre, nonobstant ceux que la postérité a retenus, méritent le titre de créateurs visuels, dans la mesure où leur création du réel est aussi l'invention d'une façon particulière de cadrer et de donner un style à ce qu'ils ont vu. Toutes les photographies ont été prises au cours d'instants où l'homme fait face au danger et parfois à la mort, à la vérité. Pour cela, il faut que le photographe soit le plus près possible du danger. C'est pour cette raison que quelques photographies sont mal cadrées et bien souvent floues. Elles ont été prises, la plupart du temps, debout ou allongé, la stabilisation de la prise étant souvent impossible. La photographie comme la guerre supposent un investissement corporel et la mise en œuvre d'une technologie. Prises au front, ces photos donnent un aperçu de la vie quotidienne des camps : les corvées quotidiennes, la lessive, le raccommodage des uniformes, et la participation active de la femme à la Révolution. Mais par-dessus tout cela, elles révèlent les visages beaux, fiers et énergiques des combattants… Les regards de tous les personnages sont très intenses. Ils sont porteurs d'un espoir rêveur qui rejoint la mystique. Cette dimension a été captée particulièrement dans les portraits. La puissante capacité du portrait de proposer une confrontation ou une identification délègue au photographe toutes les libertés possibles d'une rhétorique. Revoir ces photographies à plus de 50 ans de distance des événements qu'elles ont fixés, suppose un exercice de relecture obéissant à d'autres enjeux. Même si leur valeur informative et de témoignage se voit dépassée, elle est enrichie par leur facture esthétique. La frontière entre photographie documentaire et photographie d'art est toujours illusoire. La photographie documentaire, si elle veut atteindre son objectif, ne peut pas renoncer à une mise en forme de ce qu'elle veut montrer. Si l'image dite artistique est intimement liée à la démarche de son auteur et les dimensions esthétiques, l'image documentaire est fondamentalement liée à sa communication en société. Elle dépend donc foncièrement des moyens de sa diffusion, autrement dit des médias. La photographie réduit la distance qui existe entre le sujet et le photographe. Ce dernier devient témoin, apportant ainsi, grâce à l'esthétisme, la part mythique indispensable au contenu documentaire. D'une certaine façon, «l'Histoire a besoin du Mythe pour pouvoir être elle-même ».