Un consortium d'entreprises publiques sera créé pour prendre en charge le plus important investissement public jamais réalisé depuis l'indépendance. C'est ce que nous avons appris de sources proches du dossier au ministère de l'Energie et des Mines. Sur les tablettes des experts, trois grosses cylindrées de l'industrie algérienne. Il s'agit de la compagnie pétrolière Sonatrach, du groupe public Sider et de Ferphos ; la première sera majoritaire dans ce projet qui sera lancé en 2014. «Une fois l'exploitation entamée, on table sur l'extraction de 20 millions de tonnes par an de minerai pour produire 10 millions de tonnes de fer, dont la moitié sera consacrée au marché local, sachant que le gisement présente 3,5 milliards de tonnes de réserves dont 1,7 milliard sont exploitables», explique un haut cadre de l'entreprise Ferphos. Ce mégaprojet permettra la création de 15 000 postes de travail. En avril dernier, le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, avait révélé, en marge de sa visite de travail et d'inspection dans la wilaya de Tindouf, que «le gouvernement algérien examine actuellement la possibilité d'exploiter l'important gisement minier de Gara Djebilet, car les moyens techniques et humains existent». Le choix des trois entreprises qui devraient partager le capital de la future compagnie minière n'est pas fortuit. De par le lourd investissement, Sonatrach, la plus riche entreprise algérienne, participera pour détenir la majorité du capital, d'autant plus qu'elle est depuis 2009 propriétaire du titre minier du gisement de Gara Djebilet par adjudication. En ce qui concerne le groupe Sider qui est actionnaire majoritaire dans le mégaprojet de Bellara (Jijel) et prochainement dans ArcelorMittal Annaba, l'exploitation du minerai de fer dans son industrie sidérurgique lui impose un pareil investissement. Quant à Ferphos, elle est l'une des plus importantes entreprises minières en Algérie. Son savoir-faire en matière d'exploitation des mines de phosphate, de fer et de pouzzolane, en utilisant les technologies et procédés les plus récents, a valu ce choix. Les experts qui s'attellent à ce mégaprojet envisagent la création d'une usine d'enrichissement du minerai, déjà riche à 57%. Son acheminement s'effectuera par rail qui partagera pratiquement l'Algérie en deux sur 1500 km. Même si le choix n'est pas définitif, le port de Ghazaouet a été retenu en tant que point de collecte à partir duquel les entreprises sidérurgiques seront approvisionnées. Néanmoins, ce port devrait subir une extension pour cette nouvelle activité. Parallèlement, la réalisation d'une centrale électrique, des forages pour l'eau et aussi pour le gaz sera nécessaire pour la mise en service de ce gros investissement. Contacté, le député PT, Smaïn Kouadria, qui a travaillé sur le dossier, a confirmé l'information en affirmant même que «la mouture d'un projet de loi sur les mines est fin prête. Elle sera présentée au prochain Conseil des ministres. Ce projet de loi prévoit des assouplissements dans l'exploitation des mines assortis de mesures incitatives». Abondant dans le même sens, l'ex-secrétaire général du syndicat d'ArcelorMittal Annaba ajoute : «Si l'on n'exploite pas le gisement de Gara Djebilet, il faudra importer des quantités énormes de matières premières (minerai, pellet, ferraille…) avec les aléas du marché international. Cependant, l'intérêt du projet n'est pas financier, il est technologique, économique et social. C'est un vrai projet industriel intégré, de la mine à l'acier, porteur de progrès pour le pays. Techniquement, le minerai de Gara Djebilet est difficile à traiter. Le ministre a évoqué le problème du phosphore. De plus, nous voulons traiter le minerai par le gaz naturel pour éviter l'importation de coke. Il faut travailler pour élaborer le procédé optimum adapté à ce type de minerai. Il n'y a pas de solution parfaite, il y aura seulement des compromis acceptables dans la mesure où ils maximiseront l'utilisation de ressources nationales.» Sur le plan social, cet investissement créera 15 000 postes de travail. Une aubaine pour le gouvernement algérien confronté au chômage dans le sud du pays, qui est actuellement une zone de turbulences. Sur le plan économique, l'exploitation de Gara Djebilet est rentable. C'est du moins l'avis du ministre de l'Energie et des Mines qui avait annoncé, en avril, que «les prix du fer ont connu récemment une augmentation importante». Par ailleurs, l'ouverture de plusieurs aciéries en Algérie appuie cette décision de lancer ce gros investissement : l'inauguration la semaine dernière de l'aciérie algéro-turque Toysali d'une capacité de production de 900 000 tonnes de rond à béton/an, des aciéries du Centre et de l'Ouest de 400 000 tonnes/an, les laminoirs de Berrahal (Annaba) de 200 000 tonnes/an et le mégacomplexe de Bellara avec un débit de 1,5 million de tonnes/an plaident pour la concrétisation de ce projet.