Un artisanat qui se meurt, voilà ce que pensent les anciens du métier, plus particulièrement les dinandiers. Ils étaient tous unanimes à dire que cet art traditionnel, et prisé dans le temps, est réduit à quelques petites distinctions symboliques lors de manifestations, appelées pompeusement salon national de l'artisanat. Présentement, chez nous, l'artisanat c'est surtout la pâtisserie et l'art culinaire. Cela est bien en soi, et du reste très représentatif pour une nation, mais pas au point où il inonde tout un salon, au détriment d'autres arts. Les gâteaux étaient omniprésents, à telle enseigne que les visiteurs pensaient que c'était le salon national de la confiserie. Nous avons rencontré un jeune artisan dinandier, le plus jeune de Constantine, Athmane Maâzouzi, qui adore son métier, mais qui, tout de même, était découragé par tous les obstacles auxquels doivent aujourd'hui faire face ces spécialistes chevronnés du cuivre. Pour lui, si les choses ne sont pas prises en main par les autorités concernées, ce beau et noble métier disparaîtra très rapidement. Ils travaillent, lui et son père, de qui il tient le métier, dans un tout petit local sis à la cité Améziane. Ils tentent de survivre, tant bien que mal, en l'absence d'un contrôle sérieux du marché, livré aux spéculateurs du cuivre, lesquels sont organisés en véritables gangs. Et ce n'est un secret pour personne, ce trafic de câbles et autres pièces de cuivre, subtilisés sur la voie publique. Un autre artisan, Saoudi Boudchicha, exerçant à Bardo, dira dans ce sens : « J'aime ce métier, et je refuse de le brader comme font tant d'autres ; ceci dit, je ne les en blâme nullement, car il faut bien qu'ils vivent ! Pour ma part, j'aurais voulu continuer à sculpter des formes de mon invention sur le cuivre jusqu'à ma mort, et surtout prendre tout mon temps pour finir l'objet. Je pourrais faire dans la rapidité et au rabais en travaillant sur des feuilles de cuivre de très mauvaise qualité, du 5/10, par exemple, mais je ne veux pas le faire par respect pour mon art. » Tous invoquent l'absence, ou l'exiguïté du local, la cherté de la matière première, acquise en deuxième ou en troisième main, alors qu'avant, tout passait par l'Etat, qui aujourd'hui semble avoir abandonné les dinandiers à leur triste sort. Actuellement, le cuivre coûte très cher, à titre d'exemple, la feuille rouge de 5/10 d'épaisseur est cédée à 6 000 DA, celle jaune à 5 800, alors que celle de 12/10 vaut dans les 15 000 DA. La feuille supérieure est pratiquement inabordable. Un artisan dinandier, El Hadj Saâd Dahane, relèvera simplement qu'il se sent complètement en marge de la profession du fait que son local soit situé à Békira, à environ 6 km de Constantine, et que peu de personnes le connaissent à cause de son isolement. Il avouera avoir, à maintes reprises, soulevé le problème devant le wali, lui ayant même adressé des correspondances à ce sujet, depuis 2006, sans résultat. « Le wali m'a fait la promesse solennelle de prendre mon cas en considération et de m'octroyer un local plus adapté à cette activité ; j'attends toujours, je vis dans l'espoir qu'il se souvienne de moi », devait-il ajouter. Le message est lancé à tous ceux qui refusent la déperdition de ce patrimoine, et pourquoi pas, à ceux ayant l'art traditionnel à cœur !