Le retour du président Bouteflika sur une chaise roulante accentue, encore une fois, le débat autour de la nécessité ou pas d'appliquer l'article 88 de la Constitution. Le communiqué de la Présidence annonçant une période additive de repos et de rééducation pour le Président n'est pas fait pour apaiser les inquiétudes. Bien au contraire. Plusieurs personnalités et partis politiques montent au créneau pour revendiquer toute la transparence sur l'Etat de santé de Bouteflika. Certaines formations exigent même la convocation du corps électoral et l'organisation d'une élection anticipée. Le RCD est aujourd'hui persuadé que Bouteflika est dans l'incapacité de continuer à gouverner le pays. «Si le pays s'est libéré aujourd'hui de cette cacophonie de rumeurs mensongères distillées par les courtisans du chef de l'Etat, il demeure que les images qui nous sont livrées confirment que Bouteflika est totalement affaibli et sérieusement malade», explique Atmane Mazouz, responsable de la communication. Laisser Bouteflika continuer son règne dans ces conditions en violation de la légalité constitutionnelle, estime notre interlocuteur, est une grave atteinte à la crédibilité de toutes les institutions. Les Algériens, selon ce parti, savent que le chef de l'Etat est dans l'incapacité d'assumer ses prérogatives et que l'intendance de l'Etat est assurée illégitimement par ceux-là mêmes qui l'ont porté frauduleusement au pouvoir. «Nous sommes face à des violations récurrentes de la loi et la République est livrée honteusement aux pires des spectacles par ses sous-traitants.» Ce parti continuera à revendiquer la destitution de Bouteflika en vertu de l'article 88 de la Constitution, d'autant plus qu'il est maintenant, selon M. Mazouz, admis que depuis son hospitalisation en France, il est incapable d'assumer sa fonction et qu'une expertise médicale indépendante doit être engagée pour constater une infirmité préjudiciable au bon fonctionnement de l'Etat. Pour sa part, Abderezak Makri, du MSP, exige de la transparence et des détails sur l'état de santé du Président pour qu'il y ait plus de visibilité. «La Constitution prévoit une telle situation, mais en l'absence d'un dossier médical détaillé, nous ne pouvons exiger la destitution du Président. Les images montrant Bouteflika sur une chaise roulante ne sont pas rassurantes», note Makri, Pour lui, le black-out officiel sur l'évolution de la maladie du chef de l'Etat aggrave la crise de confiance existant entre le citoyen et ses institutions. La rue, explique Makri, s'interroge sur le sort et le devenir de l'Algérie. Faillite des institutions Qui gouverne dans notre pays ?, se demande-t-il. Et de répliquer : «Nous savons tous que le Parlement et l'Exécutif ne sont que des façades. Les décisions politiques sont prises en toute opacité.» Plus virulent, le président de Ahd 54 s'insurge contre ce mépris qu'ont nos dirigeants envers leur peuple : «Si Bouteflika peut signer des décrets et peut écrire des messages de félicitations, pourquoi il ne s'adresse pas aux Algériens pour les rassurer sur son état de santé et sur les affaires du pays ?», s'interroge Rebaïne, déplorant l'absence d'une culture politique en Algérie. Le président de Ahd 54 s'interroge si le Président a toutes ses facultés pour assumer ses activités, mais il est convaincu que les institutions de l'Etat ne jouent pas leur rôle. Moussa Touati, responsable du FNA, ne se fait pas d'illusions, il sait que l'article 88 de la Constitution ne sera jamais activé, d'autant que la Constitution a été modifiée dans cette optique. Seulement M. Touati fait appel au bon sens du chef de l'Etat : «Nous demandons à Bouteflika de se retirer de la vie politique et d'organiser des élections anticipées.» Par ailleurs, Ali Rachedi affirme que le pouvoir est dans l'expectative. Le problème en Algérie, selon lui, ce n'est pas Bouteflika, mais le système qui n'arrive pas à trouver de solution pour se maintenir. «La maladie de Bouteflika a faussé les calculs de ceux qui tablaient sur un 4e mandat, d'autant que les hommes qui sont au sein du sérail ne sont pas crédibles», note-t-il.