Les principaux partis, qui ont voulu s'exprimer sur le sujet, estiment nécessaire d'informer les Algériens sur l'état de santé du président et partagent l'avis du président d'honneur de la LADDH. L'état physique, pour le moins affecté, dans lequel s'est présenté le président Bouteflika lors de sa prestation télévisée du 15 avril dernier, a replacé la question de sa santé au cœur du débat public. Prenant le taureau par les cornes, Ali Yahia Abdennour, avocat et président d'honneur de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH), a carrément appelé à l'application de l'article 88 de la constitution, prévoyant l'éviction du chef de l'Etat en cas d'incapacité physique à assumer ses fonctions. Que pensent les partis politiques de cette proposition ? Sans détours, Mohcine Belabbas, secrétaire national à la communication du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) assure : “oui, il faut appliquer l'article 88 de la constitution. C'est une disposition prévue partout dans le monde quand un chef de l'Etat est incapable d'assumer ses fonctions.” Aux yeux de M. Belabbas, la prestation télévisée de Bouteflika est une confirmation pour les opinions nationale et internationale que “depuis 2006, il se trouve dans une situation d'incapacité physique à jouer son rôle dans l'arbitrage et la gestion des affaires du pays”. Poussant plus loin son analyse, le responsable de la communication du parti de Saïd Sadi ne s'est pas privé de se poser la question sur la responsabilité de “ceux qui l'ont suivi en 2008 dans sa révision de la Constitution pour briguer un troisième mandat, alors qu'ils le savaient gravement malade” et de “ceux qui, chaque jour, adressent justement des lettres à ce chef de l'Etat qu'ils savent dans l'incapacité de gérer les affaires du pays”. S'il n'est pas contre le recours à l'article 88 de la constitution, Yacine Teguia, membre de la direction du Mouvement démocratique et social (MDS), déplore l'opacité entretenue autour de la santé de Bouteflika. “La première des responsabilités est de fournir un état réel de la santé du président. Malheureusement, on est dans un pays où le pouvoir refuse obstinément de livrer la vérité. C'est en fonction de cet état de santé qu'il y a lieu ou non d'envisager le recours aux dispositifs légaux.” De son point de vue, la maladie du président “paraît quelque part instrumentalisée par le pouvoir”. Son explication : “Il y a une grande ambiguïté : d'une part, on nous présente un président extrêmement malade qui éprouve la plus grande difficulté à lire son discours. D'autre part, on affiche une volonté acharnée à se projeter dans un processus qui ira au minimum jusqu'à 2012.” Ceci dit, M. Teguia estime que ce n'est pas seulement l'article 88 qu'il faut appliquer à l'encontre du chef de l'Etat. “Sa responsabilité est pleinement engagée dans nombre de choses et d'actes”, assène-t-il. Moulay Chentouf du du Parti pour la laïcité et la démocratie (PLD) n'a aucune objection quant à l'application de l'article 88. “Pour nous, le président est malade et n'a plus sa place”, assure-t-il non sans conditionner : “mais il ne faut pas écarter Bouteflika pour le remplacer par Ouyahia ou quelqu'un d'autre. Il faut arrêter le processus actuel et s'engager dans une transition pour en finir avec le système.” Le parti Ahd 54, lui, veut juger sur pièce. “On ne peut anticiper sur rien, même si on a vu à la télévision que le président est vraiment malade. Il faut publier d'abord un bulletin de santé du président”, affirme M. Benallou, chargé de communication du parti de Faouzi Rebaïne. “Le débat n'est pas tant dans la question de la santé de Bouteflika que dans celle de l'installation de véritables institutions à même de répondre aux attentes des Algériens.” La solution ? “Engager une transition démocratique et pacifique qui débouchera sur l'organisation d'une élection présidentielle anticipée”, explique-t-il. Quid de la mise en demeure de l'armée par Me Ali Yahia Abdennour lui demandant de prendre ses responsabilités ? “L'armée a intérêt à prendre ses responsabilités parce que si elle ne le fait pas aujourd'hui, le pays va à l'implosion. Comme elle l'a fait en 1992, elle doit arrêter le processus actuel pour engager le pays sur la voie de la transition si on veut vraiment sauver le pays”, assure M. Chentouf. “Nous sommes dans un pays démocratique, Me Ali Yahia est responsable de ses propos”, soutient M. Benallou. “C'est le général Toufik qui a ramené Bouteflika. Aujourd'hui, il ne s'agit pas de chercher qui va le remplacer mais d'appliquer un article de la constitution qui est clair dans son énoncé”, assène M. Belabbas.