Il connaît bien l'Algérie pour avoir joué, à la fin des années 1950, avec de grands joueurs comme Mekhloufi, Zitouni ou Chabri et pour suivre aujourd'hui les parcours des jeunes comme Bougherra, Ziani ou Saïfi. Et si Michel Hidalgo, ancien sélectionneur de l'équipe de France, devait miser, samedi, sur une équipe… il miserait sur l'Algérie ! A la veille du match décisif Egypte-Algérie, quels sont vos pronostics ? Je ne fais généralement pas de pronostics, mais si j'en avais un à faire, je crois en la qualification de l'Algérie pour la coupe du Monde. L'équipe algérienne a les moyens de résister aux Egyptiens qui avaient tendance à dominer le football africain. L'Algérie dispose d'un matelas épais : il faut deux buts d'écarts pour la battre, ce qui n'est pas évident. Je pense que ce sera une bonne récompense pour l'équipe algérienne et son pays qui aiment le football. Vous disiez que l'Egypte dominait le football africain, est-ce toujours le cas ? L'Egypte a dominé longtemps le football africain. La preuve, les meilleurs joueurs égyptiens sont toujours restés au pays. C'est moins vrai maintenant, comme au Brésil, les bons joueurs ne se renouvellent pas. L'équipe égyptienne n'est plus ce qu'elle était mais l'Algérie ne doit pas se reposer sur ses lauriers. Il peut y avoir des surprises, croyez-en mon expérience. Regardez, il y a quelques jours, le match Lyon-Marseille avec un score de 5 buts à 5 ! Des matchs comme celui-ci, on en voit tous les cinquante ans. Mais je pense tout de même que l'équipe algérienne a assez d'expérience pour revenir avec la qualification . Sur qui peut compter l'Algérie pour gagner ? L'entraîneur national algérien est un grand technicien. Il a dû bien préparer son plan de jeu et tout ce que je peux vous dire est que l'Algérie doit jouer son jeu sans trop se préoccuper de ce qui se passe autour du match. Je reste convaincu que vous avez le potentiel humain et technique pour revenir avec la qualification du Caire. L'équipe d'Algérie peut compter sur des joueurs d'expérience. Je pense à Ziani que je connais bien, puisqu'il a joué à l'Olympique de Marseille, je pense aussi à Bougherra qui est un défenseur de choix. Il y a aussi Yahia que je suivais aussi à Nice ainsi que Saïfi. Tout cela forge l'ossature d'une bonne équipe algérienne. La majorité de ces joueurs ont été formés en France. Qu'est-ce que cela vous inspire ? De la fierté. La France est un pays de formation en matière de football. Avec ses centres de formation, le pays a pu former toute une génération de footballeurs français et si les Algériens ont pu bénéficier de cela c'est très bien. Mais j'ai remarqué que les Algériens ont le football dans la peau, ils sont techniques. Je me souviens de joueurs, comme Mekhloufi, qui ont été jusqu'au niveau mondial. Lui avait des qualités techniques remarquables qui l'ont hissé au top. Je pense que c'était inné. L'Algérie a connu des années creuses en football mais maintenant, le pays revient en force. Le pays vous a-t-il manqué sur la scène internationale du football ? Oui, on avait l'habitude de voir jouer l'équipe algérienne dans les années 1980 et ce, dans les grandes compétitions mondiales, et puis plus rien.., c'est pour cela que l'Algérie ne doit pas rater cette occasion d'aller au Mondial. Cela ne va pas être évident. Même si l'Egypte part avec des buts en moins, ça va être un combat. La France est placée dans les même conditions mais elle a une situation plus confortable. Elle joue contre l'Irlande, samedi, en même temps que l'Algérie, mais quatre jours plus tard, elle reçoit les Irlandais à Paris pour le match retour. L'Algérie, elle, joue au Caire pour son dernier match, mais je suis confiant. Je suis aussi confiant pour la France, si elle ne se qualifie pas face à l'Irlande, il faut arrêter les sélections, et ça, je ne l'imagine même pas. L'Algérie joue au Caire. En tant qu'observateur du monde du football ne craignez- vous pas des débordements ? Il y a des fous partout ! Dans le football, on ne sanctionne pas assez les supporters violents. En Angleterre, on a trouvé la solution, on a été franc : chaque supporter violent est interdit de stade pendant trois à cinq ans, et il doit pointer à telle heure dans un commissariat pour s'assurer qu'il ne soit pas au stade le jour du match. Mais ces mesures plutôt strictes ont aussi des inconvénients. Les places au stade, notamment, sont plus chères. Vous avez un penchant historique pour l'Algérie du football. D'où vient il ? J'ai surtout de grands souvenirs, à l'époque où je jouais à Monaco. En 1958, j'avais cinq co-équipiers algériens : Boubekeur aux buts, Mekhloufi, Zitouni, Chabri et Bekhloufi : les cinq nous ont quitté à la dernière minute pour aller rejoindre l'équipe de football du FLN. Ce fut une grande perte pour nous, surtout que Mustapha Zitouni était sélectionné pour jouer la coupe du Monde en Suède. Il a renoncé à cela pour rejoindre l'équipe de la Révolution. Finalement, la France a terminé troisième au classement lors de cette coupe du Monde. Zitouni nous a gravement manqué, mais il a fait un choix que je respecte. Aujourd'hui, j'ai beaucoup de contacts avec l'Algérie, notamment avec l'ancien joueur Nacer Bouiche connu pour ses 44 buts en une seule saison. Je pense que cet homme peut apporter beaucoup au football algérien. Justement, vous avez aussi des contacts « haut placés » : le président Bouteflika vous avait reçu pour discuter refonte et structuration du football en Algérie. Où en sont ces projets aujourd'hui ? Oui, à l'époque, on devait se revoir avec le président Abdelaziz Bouteflika, mais l'agenda avait changé. Le président algérien se faisait soigner au Val de Grace à Paris au moment où je devais le revoir, depuis les contacts ont été rompus. Concernant la Fédération algérienne, nous avons des contacts amicaux, mais pas de projets concrets. Je pense qu'ils sont assez grands, ils l'ont prouvé tous seuls quand on voit leur classement aujourd'hui et ils vont le prouver face à l'Egypte samedi. Vous allez voir le match ? Je vais tout faire pour. Pour gagner un match important comme celui-ci, il faut être confiant. L'Algérie connaît l'Egypte : elle l'a battue 3 à 1, elle doit faire du football tout simplement, jouer avec de la technique, du physique et du mental. Je suis confiant, si j'avais un pari à faire -certes je ne parierais pas de grosse sommes- mais pour ce match je parie sur l'Algérie. Voilà je vous le dis, c'est l'Algérie qui va être qualifiée ! Bio express Michel Hidalgo est né le 22 mars 1933 à Leffrinckoucke (nord de la France). Ancien joueur international français de football, il évoluait au poste de milieu récupérateur, avant de se reconvertir comme entraîneur, notamment en tant que sélectionneur de l'équipe de France de football de 1976 à 1985. Ami de l'Algérie, Michel Hidalgo a évolué à Monaco en 1958 aux côtés de cinq co-équipiers algériens : Zitouni, Mekhloufi, Boubekeur, Bekhloufi et Chabri, qui avaient décidé de tout quitter à l'époque pour rejoindre l'équipe du FLN.