Le débat sur la réforme du système éducatif national tourne depuis des mois autour de la question du poids du cartable. Les instances chargées de remettre à niveau l'école algérienne apparaissent de plus en plus comme un collège d'experts en orthopédie pédiatrique. La colonne vertébrale de l'élève est propulsée au centre des préoccupations des instances gouvernementales qui devaient, initialement, mener la réforme scolaire. Lorsque le poids du cartable sera drastiquement réduit, les maux du système éducatif national auront disparu, à entendre les responsables en charge du secteur. Puisque l'on insiste tant sur le «surpoids» du cartable, il faudrait peut-être aussi aborder la question de l'obésité infantile, autre préoccupation d'ordre médical. Des solutions sont d'ores et déjà préconisées pour en finir avec ce problème national d'hypertrophie du cartable, comme la mise en place dans les salles de classe de «casiers individuels», où les élèves pourront ranger leurs manuels scolaires. Mais là, un problème peut surgir : que faire lorsque l'élève a besoin de ses livres pour ses révisions à la maison ? D'autres propositions sur cet épineux problème de la consistance physique des fournitures scolaires sont proprement atterrantes, comme l'obligation envisagée en direction des éditeurs d'inscrire au verso le poids du livre. Ainsi, un livre à l'usage des élèves pourra être diffusé, si le poids est mentionné sur la couverture, même si l'auteur de l'ouvrage s'avère être un prédicateur qui a profusément appelé au djihad. Il faudra peut-être arrêter de produire ces propositions décousues dans cette espèce de guerre livrée aux cahiers d'écolier. Et passer à l'essentiel. Lorsque les programmes, c'est-à-dire le fond du problème, seront revus, le poids du cartable va fondre comme neige au soleil. Un programme réaménagé est un programme plus léger. Inutile d'adresser des mises en demeure aux éditeurs, aux libraires ou d'équiper les écoles de casiers ou de rayonnages. A la base, le programme de l'école est simple, s'agissant notamment de l'école primaire : apprendre à lire, écrire et compter. Mais à la question de savoir ce qui constitue la plus grande part des révisions des élèves, les parents répondent que c'est l'apprentissage «par cœur» des cours d'éducation religieuse. A dix ans, l'écolier collectionne déjà les traumatismes, comme les détails du châtiment de la tombe ou la haine forcée contre d'autres peuples. Pour l'apprentissage des langues et des rudiments des mathématiques, les parents d'élèves ont recours, en masse, aux cours particuliers ou, solution radicale qui nécessite des moyens, inscrivent leurs enfants dans des écoles privées. Ils ne sont pas particulièrement séduits par le projet ministériel qui vise, toujours, à alléger et même supprimer le cartable : «L'introduction de la tablette numérique comme support pédagogique.» Par ces temps de scandales dans les examens, les nouvelles technologies ne feront que multiplier à l'infini les possibilités de triche…