Une production qui tranche avec les penchants du réalisateur pour la comédie. Sujet oblige, affirme-t-il. Par notre Bureau de Paris Aujourd'hui même Harragas est projeté au Festival international du film d'Amiens et à Rabat, au nouveau festival « Cinéma et droits de l'homme ». Sélectionné à Venise, Namur, Montpellier, il a remporté récemment le grand Prix du Festival de Valence en Espagne (Le Palmier d'or) ainsi que le Prix de la meilleure musique. Harragas se présente comme un film noir, sombre, dur, un film sans concessions dont la facture cinématographique s'adapte parfaitement à la nature violente du sujet. La séquence d'ouverture donne le ton : la caméra filme en « panoramique montant » un corps qui se balance dans le vide. Ce corps, sans vie, c'est celui de Omar, l'ami de Rachid, lequel, à l'instar du personnage de Omar Gatlato, raconte en voix off, la mésaventure d'un groupe d'amis qui a choisi de « brûler » vers l'Espagne à partir de la côte mostaganémoise. Les profils des dix personnages qui vont embarquer sur un esquif aussi léger que le vent, dont celui du passeur (Hassan mal-de-mer, incarné par Okacha Touita), composent une mosaïque diversifiée de la société algérienne. La narration du film et les rapports entre les personnages se développent selon une dramaturgie qui évite les effets gratuits et les scories du « mélo », optant pour une grande sobriété. L'humour, cher à Allouache, a déserté le récit pour nous signifier que le sujet ne se prête qu'au drame, sinon à la tragédie. Une fois de plus, Merzak Allouache a visé juste quant au choix des comédiens. Comme il l'a souvent fait par le passé, il a déniché de nouveaux visages non dénués de talent, pour la plupart issus du théâtre amateur de Mostaganem. Qu'il s'agisse de la structure du récit, des dialogues ou de leur phrasé, Harragas respire la crédibilité des situations que ces tristes héros des temps modernes ne vont cesser de traverser. A l'instar de cette étendue d'eau infinie, belle mais pourtant si peu amicale et combien traîtresse. En conclusion, tirons un grand coup de chapeau à une mise en scène épurée et à une direction d'acteurs qui mettent en valeur notamment Nabil Asli (Rachid), Lamia Boussekine (Imène), très émouvante, ou Samir El Hakim (Mustapha le flic). A la sortie du film, les visages des spectateurs offrent les stigmates d'une émotion qui étreint de la première à la dernière image …