Cette rencontre continue admirablement son œuvre de promotion des cinémas de qualité et des échanges humains. Partager la culture, l'ouvrir à tous les publics, tel semble être le leitmotiv des organisateurs du Festival international du film d'Amiens, qui, dès l'inauguration, annonce les couleurs, en inscrivant six courts-métrages (fictions, documentaires, animation, créations artistiques, musicales ou chorégraphiques, produits par Sophie Goupil, en partenariat avec SOS Racisme), regroupant les visions de dix réalisateurs : Sandrine Bonnaire, Rachid Bouchareb, Romain Goupil, Axelle Laffont, Les Lascars, Radu Mihaileanu, Orlan, Kamel Ouali, Abderrahmane Sissako et Sylvain White. Une sélection de films, venus du monde entier, dénonçant les drames et les humiliations, le pillage des ressources, les conflits, les migrations, est inscrite au programme et sera présentée au public, durant les dix jours que dure le festival. En ouverture, après la présentation du jury du festival, présidé cette année par Mahmoud Zemmouri (qui présentera De Hollywood à Tamanrasset et Prends dix mille balles et casse-toi), trois grandes œuvres au programme : Loin de la terre brulée, 2009, de Guillermo Arriaga, Le Retour de et avec Turkan Soray et le fameux Taxi Driver de Martin Scorsese. Depuis sa création, le FIFA s'est fait une réputation d'éclectisme et de diversité dans sa programmation. Jean Pierre Garcia, la cheville ouvrière de cette manifestation, ne le nie pas : « L'éclectisme s'applique à notre démarche esthétique, la diversité culturelle s'entend à nos choix éthiques. » Ces voyages vers les territoires du cinéma et les rencontres avec ses acteurs marquants ont fini par réussir à réconcilier les publics avec les salles de cinéma qui ont trop longtemps été désertées. En lice cette année pour la dizaine de prix, 12 longs-métrages venus des Etats Unis, d'Argentine, du Liban, du Chili, de Suisse, de Belgique, de France, de Tunisie, d'Afrique du Sud, d'Iran et de Palestine. Une autre sélection regroupe sept courts-métrages sur le thème de la diversité culturelle. Le Maghreb sera représenté cette année par Raja Amouri qui présente Les Secrets, véritable thriller psychologique, mettant en scène, trois femmes tunisiennes ; Merzak Allouache, avec son dernier, Harragas, ou l'odyssée d'un groupe de jeunes qui traverse clandestinement la Méditerranée et Khaled Benaïssa, avec son court-métrage Sektou (ils se sont tus !) histoire d'un jeune Algérois qui, après une longue nuit de travail, ne pense qu'à une seule chose, rejoindre son lit, avant que les choses ne se compliquent. Un festival de grande ampleur, de belles escales en perspective, une compétition de jeunes talents avec le meilleur de la production récente dans le domaine du court-métrage, des films hors compétitions remarqués dans les grands festivals internationaux et/ou soutenus par le Fonds Sud Cinéma, un panorama des meilleurs films d'animation européens et enfin, un hommage particulier au 40e anniversaire des Archives françaises du film (CNC). Les Picards auront tout le loisir d'apprécier des films de qualité quasi invisibles en Europe, venus des continents du Sud. Cette année, le festival propose trois rétrospectives sur les traces de Pancho Villa et d'Emilio Zapata, une représentation de la Révolution mexicaine et de grandes figures de l'Actors Studio, qui ont donné naissance au Nouvel Hollywood. A cela s'ajoutera une visite guidée des studios Yesilçam (Istanbul) qui ont permis à des stars comme Yilmaz Güney et Turkan Soray d'émerger. Cette dernière, tout comme l'écrivain, scénariste et réalisateur, Jeon Soo-il (Sud-Coréen) et les talentueux cinéastes, Guillermo Arriaga (Mexique) et Flora Gomes (Guinée Bissau), aura droit à une reconnaissance avec la remise de Licornes d'or. D'autres activités professionnelles sont inscrites au programme de cette 29e édition. Parmi ces dernières, Cinéma en Mouvement, droits d'auteur et financements des cinémas du Sud, Fonds d'Aide au Développement du Scénario (14e édition) et des expos-photos. Des rencontres sont prévues avec Robert Hussein, Sarah Maldoror, Patrice Leconte, Christophe Damour, les apprentis cinéastes de la FEMIS de Paris et les journalistes en herbe qui vont profiter du festival pour faire leurs premières armes. Le Festival d'Amiens, qui ouvre très largement ses portes aux scolaires et aux étudiants, propose des ateliers de découvertes et d'initiation aux techniques cinématographiques d'animation avec, en finale, la réalisation et la projection d'un court-métrage en présence des stagiaires. La maison d'arrêt d'Amiens participe, avec ses détenus, pour la13e année consécutive au festival en décernant des prix aux CM. Parallèlement à l'activité du festival, est menée l'édition d'un bulletin de liaison des professionnels du Nord et du Sud « Le film africain & le film du Sud ». Ce bulletin, qui rassemble l'actualité de la production cinématographique et vidéo africaine et des pays du Sud, unique en son genre, propose des dossiers techniques et juridiques, l'actualité des festivals, les aides à la production, des articles de fond sur le cinéma, des informations sur les publications ou les organismes se rapportant au cinéma du Sud. On y trouve également des entretiens avec des réalisateurs, des comédiens, des producteurs, des techniciens et des avocats. A Amiens, ville métissée de populations d'origines diverses, le temps d'un festival, les rêves deviennent réalité. La population fait des rencontres, participe aux débats et partage des émotions. Cet importante manifestation, qui rayonne à travers toute la région et qui a réuni l'an dernier, pas moins de 70 000 spectateurs, des centaines de professionnels et de cinéastes issus d'une cinquantaine de pays, s'achèvera samedi 21 novembre par la remise des prix dont le plus prestigieux, la Licorne d'Or d'une valeur de 7 500 euros pour la distribution, 25 000 euros pour la promotion et 2 500 euros pour le sous-titrage. Le festival, qui met la Picardie au centre du monde, n'oublie pas les grands noms de la culture. Chaque année, des hommages particuliers leur sont rendus. Après Martin Luther King, Aimé Césaire, Sembene Ousmane et Ahmed Attia, le FIFA devait rendre un hommage particulier à Adama Drabo, mais voilà que cette semaine l'Afrique perd à nouveau un cinéaste talentueux. Le 6 novembre à Dakar, Samba Félix Ndiaye, 64 ans, nous a quittés ! Heureusement, ce prolifique documentariste, toujours indigné par toutes les formes d'oppression et d'injustice, a laissé une œuvre inestimable. JP Garcia, son ami, compte rendre à ce « créateur sensible et d'une rare exigence intellectuelle », un hommage appuyé.