Une nouvelle gifle que viennent de recevoir les autorités et l'Union générale des commerçants et artisans avec l'image de villes mortes qu'offraient durant les deux jours de l'Aïd El Fitr jusqu'à hier samedi nos agglomérations, y compris la capitale où il était problématique de trouver ouvert une boulangerie ou un magasin d'alimentation générale. En dépit des assurances officielles données par les pouvoirs publics aux consommateurs à la veille de l'Aïd avec chiffres à l'appui sur les effectifs des boulangeries et autres commerces de large consommation qui assureront le service minimum, rien n'y fait. L'autorité de l'Etat et la réglementation ont été une nouvelle fois bafouées par les commerçants qui ont imposé leur diktat en s'offrant des vacances prolongées qui ont commencé, pour nombre d'entre eux, deux jours avant l'Aïd, soit dès mardi ou mercredi pour ne reprendre, dans le meilleur des cas, qu'aujourd'hui, dimanche. Inutile de décrire l'angoisse des citoyens qui ont passé les deux jours de la fête à la recherche d'une hypothétique baguette de pain ou d'un sachet de lait, gâchant ainsi l'ambiance et ce qui fait l'essence même de l'événement voué aux prières, au recueillement dans les cimetières, aux visites familiales et aux rituelles sorties des enfants aux manèges. La fermeture des commerces n'est que la partie visible de l'iceberg de l'anarchie totale dans laquelle baigne le pays. Le service public dans les structures hospitalières, au niveau des cabinets privés, des officines de pharmacie, des transports pour ne citer que ces activités de proximité, fût comme à l'accoutumée tout autant défaillant. Comment les autorités vont-elles réagir face à cet énième acte de défiance de la part des commerçants que rien ne semble pouvoir ramener à la raison et au respect de leur fonction sociale, de leur mission de service public ? Si des sanctions devaient être prises, c'est tout le pays qui serait paralysé quand on voit cette grève du zèle qui ne dit pas son nom des commerçants qui sont convaincus qu'ils seront d'autant plus forts pour défier l'autorité qu'ils seront nombreux à fermer leurs commerces. Dans cette affaire, c'est l'Etat qui est le pot de terre. Jusqu'à quand les citoyens vont-ils continuer à boire ainsi le calice face à une administration qui peine à faire respecter la loi ? Faudrait-il que les citoyens se prennent eux-mêmes en charge en décrétant une grève des couffins ? Faut-il réquisitionner l'armée pour obliger les commerçants à ouvrir ? Une chose est sûre, c'est que la stratégie et les règlements adoptés par le ministère du Commerce jusqu'ici pour réguler le marché en période de fêtes ainsi que l'encadrement organique des commerçants à travers leur union professionnelle ont montré toutes leurs limites. Ce secteur a besoin plus que jamais d'un grand coup de balai pour séparer le bon grain de l'ivraie, revaloriser et mieux encadrer l'activité commerciale devenue une activité de bazar qui n'obéit à aucune loi ni réglementation. Une réflexion profonde s'impose pour mieux structurer le secteur du petit commerce de proximité. Est-il normal qu'une capitale comme Alger soit contrainte «d'importer» ses boulangers et autres corps de métier d'autres wilayas et que l'on n'ait pas songé à former localement des artisans boulangers ? C'est une solution parmi tant d'autres pour combattre l'absentéisme durant les fêtes. En attendant des jours meilleurs, le citoyen continue de manger son pain noir.