Le siège de la direction générale de l'entreprise Djezzy ressemblait hier à un vaste champ de bataille. Dans les bureaux d'Orascom Telecom, des employés consternés tenaient à nous montrer les machines à café qui ont été retournées, les portes saccagées à l'aide d'extincteurs et les dizaines d'ordinateurs à écran plat éparpillés sur le sol jonché d'éclats de verre et de graines de café. Les pilleurs ont visiblement tenté de mettre le feu aux documents de l'entreprise. Les traces laissées sur les coffres forts montrent qu'ils ont fait l'objet d'un invraisemblable acharnement. Des lampes jusqu'aux tringles, aux lettres qui composent le logo de Djezzy, les pilleurs ont emporté tout ce qu'ils pouvaient de l'annexe jouxtant la direction générale de l'entreprise. Les bras chargés de barres d'aluminium, des enfants poursuivaient calmement leur pillage hier de l'annexe Djezzy de Dar El Beïda ou ce qu'il en reste. Au total, les pertes subies par l'opérateur mobile sont de l'ordre de plusieurs millions de dollars, selon les responsables de Djezzy. Rien qu'à l'agence Ring, filiale d'Orascom, à Hydra, les supporters ont volé près de 70 000 téléphones portables d'une valeur globale estimée à 5 millions de dollars. Dans un tel climat, les nerfs étaient à vif hier lors de la conférence de presse organisée au siège dévasté de l'entreprise. « Nous sommes en situation de crise », dit le responsable de la communication à l'adresse des journalistes qui montraient des signes d'impatience pour la tenue de la conférence. Le directeur de la communication, Hamid Grine, a accusé, sans les nommer, les concurrents de Djezzy d'avoir « manipulé » les jeunes supporters pour saccager les agences de l'entreprise à capitaux égyptiens. « Certaines parties, dans notre domaine d'activité, ont intérêt à ce que Djezzy soit atteinte. Les conclusions de nos enquêtes laissent penser à une manipulation », souligne M. Grine. Il appuie ses dires par le fait que « les émeutiers étaient trop bien organisés pour que ce soit un acte spontanée ». « Ce ne sont pas des attaques anarchiques. Il y avait plusieurs groupes très bien organisés. Ce n'est pas du pur vandalisme. Il y a notamment eu une campagne de dénigrement volontairement entretenue par un jeu d'amalgame autour de l'appartenance statutaire de notre entreprise », croit savoir M. Grine. Près de 5000 émeutiers se sont ainsi rués sur les locaux de Djezzy et pas moins de 15 agences ont été mises à sac à travers le territoire national. Devant les agents des forces de sécurité dépêchés sur les lieux, les supporters étaient incontrôlables. Selon l'un des membres de la sécurité, les pilleurs utilisaient les chaises à roues pour transporter le matériel volé. Et même si le secrétaire général délégué à la communication, Azzedine Mihoubi, suivait de près cette affaire, l'Etat n'a pas pu empêcher le pillage. « J'ai bon espoir que les émeutiers soient arrêtés. La police poursuit son enquête », souligne M. Grine. « Ils ont pratiquement pris tout le patrimoine mobilier de la direction générale. Ils ont volé les climatiseurs, les ordinateurs et même les portemanteaux. Nous avons prévu des actes de sabotage mais l'ampleur des attaques n'a pas été évaluée à sa juste valeur », dit le conférencier. Les supporters en colère contre les agissements des Egyptiens au match du Caire n'ont pas épargné les véhicules des employés de Djezzy. Certaines voitures saccagées appartenaient à de modestes agents de sécurité. Voulant calmer les esprits, Hamid Grine a tenu à rappeler qu'Orascom Telecom est une entreprise de « droit algérien » qui emploie plus de 4500 travailleurs algériens et compte à peine une trentaine de cadres expatriés issus de différents pays arabes et occidentaux. « Djezzy a été le sponsor de l'Equipe nationale algérienne pendant sept ans. Nous avons participé, avec la plus grande part à l'opération de déplacements des supporters algériens à Khartoum. Djezzy a alloué une enveloppe de 2 milliards de centimes pour l'acheminement des supporters au Soudan », clame-t-il. Le représentant d'Orascom Algérie a tenu à démentir les rumeurs selon lesquels le patron d'Orascom, Naguib Sawiris, aurait affrété des avions pour transporter les supporters égyptiens vers Khartoum. Aujourd'hui, la tension est telle que les cadres expatriés de Djezzy qui étaient en déplacement professionnel à l'étranger ont préféré ne pas retourner en Algérie et ce, jusqu'à la fin des hostilités entre l'Algérie et l'Egypte.