Le pouvoir a procédé, hier, à un important remaniement du gouvernement de Abdelmalek Sellal à six mois de l'élection présidentielle. Un plan de bataille pour 2014. Douze ministres quittent définitivement l'Exécutif et les postes de souveraineté changent de main. Le ministère de l'Intérieur est confié à Tayeb Belaïz avec le grade de ministre d'Etat, quittant ainsi la présidence du Conseil constitutionnel. Daho Ould Kablia rentre chez lui. Tayeb Louh, succédant à l'éphémère Mohamed Charfi, hérite du puissant ministère de la Justice. Il en rêvait depuis longtemps. Le département du Travail et de la Protection sociale revient à Mohamed Benmeradi. Le chef d'état-major de l'armée, Ahmed Gaïd Salah, un proche du Président, tout en gardant son poste, est promu vice-ministre de la Défense nationale à la place du général Abdelmalek Guenaïzia. Belaïz, Louh et Gaïd Salah, proches du cercle présidentiel, sont connus pour leur proximité avec le frère du président, Saïd Bouteflika. Les deux premiers plancheront sur la préparation et l'organisation de la future élection présidentielle. Un gage pour le clan présidentiel. Cependant, le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, lui aussi homme du Président, est limogé. Il a dirigé la diplomatie algérienne durant sept ans où il a brillé par des ratages diplomatiques, notamment depuis l'éclatement des révoltes arabes. Il a également fait face à une grogne des cadres du ministère, notamment des femmes qui, dans une lettre au Président, s'estimaient lésées au sein de cet auguste département. Medelci est remplacé par Ramtane Lamamra. Un pur produit des Affaires étrangères qui semble «échapper» au contrôle du clan présidentiel. Guerre larvée Mourad Medelci, originaire de Tlemcen, entré au gouvernement la première fois en 1988 dans l'équipe de Kasdi Merbah où il a occupé le portefeuille du Commerce, est le vétéran de l'Exécutif au côté de Cherif Rahmani, qui cède son poste à Amara Benyounès. Cette réorganisation de l'Exécutif, qui était déjà dans l'air depuis quelques semaines, ne manque pas de susciter moult interrogations tant elle intervient à la veille d'une élection présidentielle qui s'annonce aussi difficile que décisive. Mais surtout et aussi, c'est un remaniement qui fait écho à un autre qui s'est opéré au sein de l'armée. D'où la question de savoir si ce mouvement au sein du pouvoir ne cache pas une «guerre larvée» entre les deux blocs du régime – la Présidence et le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) – ou bien s'il s'agit d'un plan laborieusement négocié pavant le terrain de la succession ? Il est utile de rappeler que le patron du DRS, le général Toufik, a composé avec Bouteflika depuis son intronisation, en avril 1999. Lors de l'épineuse élection présidentielle de 2004 causant des fractures au sein même de l'institution militaire en raison du soutien apporté par de hauts gradés de l'armée au candidat Ali Benflis, le chef des «services», lui, a pesé lourdement dans la balance au profit de Bouteflika. Ce qui fait dire à nombre d'observateurs que le processus de succession à Abdelaziz Bouteflika, dont le remaniement d'hier n'est qu'une étape, se déroulera en «harmonie» entre les deux pôles au pouvoir. Dispositif de «campagne» Cependant, d'autres analystes n'excluent pas l'existence d'un conflit dont l'étalage des scandales de corruption mettant en cause les hommes du clan présidentiel est la révélation. Serait-ce la fin d'un deal ? Les voies du sérail sont impénétrables. Pour l'ancien ministre Abdelaziz Rahabi, le remaniement gouvernemental est «loin d'être technique, il répond à des motivations politiques». «Il s'inscrit dans le prolongement direct du coup de force contre le FLN», commente-t-il. Fin connaisseur des moeurs du régime, Rahabi note au passage que ce remaniement intervient au moment où «les outils de prévention et de lutte contre la corruption (pouvoir de la police judiciaire du DRS) ont été transférés à l'état-major alors que ces structures ont enregistré de gros succès. On peut comprendre que dès que la lutte contre la corruption a touché le niveau politique, le clan présidentiel a réagi. Je parle du clan. Je suis persuadé qu'en raison de la maladie du Président, il y a eu un transfert des prérogatives présidentielles au profit de son entourage direct. Tout ça participe d'un plan dans la perspective de peser dans la succession. A défaut d'avoir un candidat, le clan contracte une assurance d'impunité auprès des potentiels présidentiables». Le message est clair : «En nommant deux inconditionnels du Président – Tayeb Louh et Tayeb Belaïz – à la tête des deux ministères directement impliqués dans l'organisation des élections, le remaniement s'apparente à la mise en place d'un dispositif de campagne», explique encore Abdelaziz Rahabi.