C'est là qu'ont été trouvés les premiers restes humains du Tassili. Témoin des tout premiers agriculteurs et éleveurs de la région, il y a 7000 ans, le site de Tin Hanakaten est un des plus vieux sites néolithiques du monde et un des plus importants en Afrique. Un avant-projet a été déposé sur le bureau du ministère de la Culture pour qu'il soit protégé et aménagé. Le soleil commence sa descente sur la savane. En cette fin de journée, quelques hommes, à la peau ni noire ni blanche, posent leurs outils. Ils ont transpiré toute la journée pour tailler puis planter dans le sol les piquets qui porteront une hutte, installée à l'abri des fauves. A quelques mètres, des femmes tissent des paniers. Plus loin encore, un troupeau de mouflons broute en scrutant l'horizon. Il y a 7000 ans, à quoi ressemblait la vie dans le Tassili ? A peu près à ça… C'est en tout cas ce que laissent penser les incroyables vestiges découverts en 1971 sur le site de Tin Hanakaten, site pour lequel les préhistoriens algériens ont déposé un avant-projet sur le bureau du ministère de la Culture pour qu'il soit aménagé, valorisé et intégré dans les circuits touristiques. Si des sites similaires ont été découverts en Libye, « celui-ci est un des plus importants qui existent en Afrique », atteste Ginette Aumassip, une des chercheuses qui, dans les années 1970, a dirigé les fouilles. Il y a 7000 ans donc, l'homme moderne (Homo sapiens) s'était installé dans cette région du Sahara, composée de petits arbustes typiques de la savane arborée, comme on en trouve aujourd'hui au Sahel méridional (nord du Sénégal). « On sait qu'il y avait beaucoup d'eau parce qu'on a retrouvé des tortues et des poissons sur les peintures rupestres…, précise Ginette Aumassip. Mais au cours du 7e millénaire, on sait aussi que la région a connu 500 ans de grande aridité qui l'a complètement redessinée. La savane n'a jamais pu repousser et s'est dégradée à partir du 4e millénaire. » Plus impressionnant, c'est ici que les chercheurs ont trouvé les premiers restes humains du Tassili. Des restes de sépultures humaines. « Les caractéristiques osseuses nous ont révélé que cette population possédait des traits négroïdes et méditerranoïdes, explique la préhistorienne. On peut supposer qu'ils n'avaient la peau ni blanche ni noire, probablement brune. On a même trouvé des restes de peau sur un enfant inhumé sur un lit d'herbes. » Impensable ? « Non, si le corps a fait l'objet d'une préparation ou s'il se trouvait dans des conditions de sécheresse particulières. On est peut-être là face à un début de momification et à un lien de plus en plus probable entre ces régions et l'Egypte (ajouter si vous voulez d'avant-les pharaons)… La tête de l'enfant était déformée, anormalement allongée et rétrécie, comme si elle avait été ligaturée par un bandeau. Probablement un rituel qui donnait à l'enfant un statut social… » Au total, les restes de sept individus ont été retrouvés, enduits de peinture blanche et enroulés dans de la vannerie. « On ignore ce que cela signifie, ajoute la préhistorienne. On sait juste que ce style d'inhumation est représenté sur une peinture rupestre en Libye. Mais on pense que ces hommes vivaient là de façon continue, puis que leurs descendants leur auraient succédé. » Là encore, des peintures, mais aussi des restes d'animaux et de végétaux en attesteraient. « Nous avons trouvé le sol de l'abri –la roche première – sous six mètres de vestiges déposés par l'homme. D'après les datations effectuées au carbone 14, les plus anciens ont 10 000 ans – néolithique – les plus récents datent du XXe siècle. Ce qui signifie que l'occupation a été continue, du moins de 100 jusqu'à 10 000 ans. » Le site est donc le témoin des premiers agriculteurs et des premiers éleveurs de la région (c'est entre 8000 et 12 000 ans que l'homme moderne a inventé l'élevage). « En plus des pierres taillées, des vanneries, tout exceptionnellement bien conservées, nous avons trouvé des graines encore non identifiées, des coques semblables à des coquilles de noix et des épis… S'il s'agissait de blé, ce serait une révolution, s'enthousiasme Ginette Aumassip, car on pense qu'il n'est arrivé qu'aux IIIe et IVe millénaire ! » Les matériaux trop détériorés des vanneries n'ont pas permis d'identifier les végétaux qui ont servi à leur fabrication mais des fragments associés à des graines montrent qu'ils étaient utilisés comme récipients. « Ces vanneries, qui font partie des plus vieilles au monde, ont chamboulé nos connaissances, souligne la chercheuse, car on ne pensait pas qu'à l'époque, l'homme était capable de fabriquer des choses aussi sophistiquées. Il faut voir les liens que nous avons mis au jour et qui leur servaient probablement de ficelle, ils étaient très au point ! » De même, l'homme moderne savait aussi construire des habitations. Pour preuve, des piquets – trouvés avec des morceaux de bois et des pierres, comme on les planterait aujourd'hui – laissent suggérer que des huttes, de 3 à 5 mètres de diamètre, étaient aménagées à l'intérieur des grottes qui leur servaient d'abri. La hutte, pavée de pierres plates, renfermait aussi des branches fines qui évoquent une litière. Ainsi à l'abri des fauves et des intempéries vivait l'homme moderne du Sahara. « Probablement en petits groupes, précise la chercheuse. Du moins, jusqu'à la grande sécheresse qui les poussa à s'organiser en groupes plus complexes pour mieux affronter les difficultés. Vu la surface occupée, le groupe devait peut-être réunir plus de vingt personnes. » La journée, il vivait donc de ses cultures – des crucifères que l'on n'utilise plus de nos jours –, de chasse, de cueillette et d'élevage. « Beaucoup de représentations le confirment : ils essayaient d'élever des mouflons et probablement des antilopes. En Libye aussi, du crottin et des restes de foin montrent une station de mouflons. Les hommes capturaient les femelles pleines, les gardaient auprès d'eux et élevaient les petits. Aujourd'hui, cela nous semble banal, mais à l'époque, ça ne l'était pas ! »