Le rappel de son ambassadeur à Alger pour « consultation » après la qualification de l'équipe nationale au dépens de l'équipe d'Egypte était le minimum que le président Hosni Moubarak pouvait et devait faire pour amortir les contrecoups sociaux et politiques de cette élimination. Depuis le début de la crise, c'est-à-dire depuis les lâches agressions dont furent victimes les joueurs de l'équipe nationale et les supporters algériens au Caire, le président et le gouvernement égyptien, jusqu'au match de Khartoum qui s'est terminé à l'avantage de l'équipe nationale, se sont imposé un silence bien embarrassé. Pris entre l'enclume de la pression de la rue gonflée à bloc par les médias égyptiens qui ont transformé l'équipe d'Egypte en divinité – on a vu des supporters en costumes pharaoniques dans les tribunes du stade du Caire, lors de la rencontre avec l'Algérie – et la préservation des relations politiques et économiques avec l'Algérie qui ont connu une amélioration depuis l'arrivée de Bouteflika aux affaires, lequel entretient des relations cordiales avec le président Moubarak. Le wait and see du régime égyptien avait continué même avec les quelques incidents enregistrés en Algérie où des jeunes s'en sont pris à des entreprises égyptiennes, se contentant d'un communiqué du ministère égyptien des Affaires étrangères appelant l'Algérie à protéger les biens et les ressortissants égyptiens établis en Algérie. Tant que l'équipe d'Egypte n'était pas éjectée de la course à la qualification au Mondial et que ses chances pour se qualifier après la victoire sans gloire arrachée au Caire étaient, croyait-on dur comme fer en Egypte, très grandes, il n'y avait pas lieu de mêler officiellement la politique au sport. Bien que tous les observateurs aient compris que derrière le décor et les planches de l'opérette qui se jouait entre l'équipe égyptienne et notre équipe nationale sur trame de fond du match de qualification, il y avait des mains maléfiques qui actionnaient les marionnettes non pas seulement à partir du poste avancé – la Fédération égyptienne de football – mais de bien plus haut. Puis vint la « naqba » égyptienne au Soudan après l'élimination, dans les règles de l'art, sur un terrain neutre, par les poulains de Saâdane. Le pouvoir égyptien fut déstabilisé par cette berezina que l'on n'attendait pas car on avait l'intime conviction que l'Egypte avait tous les atouts maîtres de son côté pour remporter ce match d'appui. Il y avait, croyait-on, l'avantage psychologique de la victoire du Caire qui avait permis à l'équipe de sortir la tête de l'eau et de croire désormais, comme jamais auparavant, à la possibilité de voir son étoile briller dans le ciel de l'Afrique du Sud, mais aussi et surtout l'avantage du terrain : le stade El Merrikh de Khartoum, qui relève de leur propre choix et qui se trouve à un vol d'oiseau de la terre égyptienne. La donne a donc complètement changé et il fallait au régime égyptien trouver un coupable et un exutoire à la rue égyptienne en pointant du doigt l'Algérie et en prenant prétexte sur de supposés « graves incidents » qui se seraient produits à Khartoum. Depuis l'annonce du pont aérien des supporters algériens acheminés en grand nombre à Khartoum pour soutenir les Verts à travers une mobilisation exceptionnelle qui a mis à contribution les moyens de transport d'Air Algérie et de l'armée – un élément que les responsables égyptiens, à tous les niveaux, n'ont pas pris en compte dans leurs tablettes – les médias égyptiens, qui n'ont fait dans cette confrontation sportive que de la sous-traitance politique pour le compte du système mettant à mal les règles les plus élémentaires de l'éthique professionnelle, se sont mis à traquer et à scanner le comportement des supporters algériens à Khartoum comme pour se préparer et préparer l'opinion publique égyptienne à une défaite qui se dessinait à grands traits avec le retournement inattendu de la bataille des gradins et du nombre nettement à l'avantage des supporters des Verts. On a tout vu et entendu dans la presse égyptienne, notamment sur les chaînes satellitaires Nile Sport et Dream. Le recours aux moyens de transport de l'ANP pour pallier le manque de moyens d'Air Algérie en vue de faire face à la situation d'urgence a été ressenti de l'autre côté du Nil, en Egypte, par les officiels égyptiens comme une déclaration de guerre. C'est ce qui transparaît en tout cas dans les commentaires de ces chaînes de télévision et de la presse égyptienne qui se sont focalisées sur ce détail, technique pour l'Algérie mais considéré comme politique et belliqueux par l'Egypte. Les règlements de la Fifa interdisent-ils aux pays membres de transporter des joueurs ou des supporters comme cela se fait partout pour les civils, en temps de paix comme dans les situations d'urgence, et cela même dans les pays démocratiques ? Que ne vont-ils pas encore chercher, ces Egyptiens, mauvais perdants qui ne reculent plus devant le ridicule le plus invraisemblable ?