Des milliards de dinars ont été affectés au secteur de l'eau en Algérie. Les pouvoirs publics n'ont pas lésiné sur les moyens et sont allés jusqu'à confier à des entreprises étrangères, outre la réhabilitation du réseau d'AEP, la gestion déléguée de l'eau Mais force est de constater que cette expérience « audacieuse » du gouvernement n'est pas une totale réussite, notamment à Alger et Constantine, deux villes totalement « connectées » à l'ingénierie française en matière de gestion de ce précieux liquide. Sur le terrain, peu de changements sont actuellement visibles. C'est le cas à Constantine. Enquête. Une année après sa création, la société des eaux et de l'assainissement de Constantine (Seaco), a fait naître autour d'elle une somme d'incertitudes et d'insatisfactions, induites, il est vrai, par une réalité du terrain qui a réussi à semer le doute quant à l'efficience de son programme d'action. Ces incertitudes ont fait, en effet, réagir les autorités locales, le wali et le maire de Constantine en l'occurrence, lesquelles n'ont pas manqué, à maintes reprises, d'égratigner la Seaco, et en filigrane la société des eaux de Marseille (SEM). Créée en octobre 2008, d'un triple montage entre l'ADE, l'Office national de l'assainissement (ONA) et la SEM, la Seaco, n'a, non seulement pas convaincu quant à la justesse de ses actions menées jusque-là, mais elle s'est surtout attirée les foudres des pouvoirs publics qui rappellent, d'ailleurs, les difficultés rencontrées par la Société des eaux et d'assainissement d'Alger (Seaal). De son côté, cette dernière se trouve, semble-t-il, dans le collimateur du ministre des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal, qui ne rate aucune occasion pour tancer cette société, gérée également par des Français, et ce notamment en matière d'assainissement. Au demeurant, les reproches semblent prendre une dimension nationale, étant donné les critiques qui fusent, comme de concert, sur la Suez des eaux et la société des eaux de Marseille. Contacté au sujet de la gestion de l'eau à Constantine, Abdelhamid Chibane, maire de la ville du Vieux-Rocher soutient que « la Seaco tarde à intervenir pour réparer les fuites et quand ses équipes interviennent, elles ne rétablissent pas, par la suite, la chaussée correctement. Ils mettent un peu de tout-venant c'est tout ». Même constat concernant l'ONA qui ne fait pas, selon notre interlocuteur, d'assainissement pour le moment. « Sur ce plan, nous ne verrons pas le bout du tunnel avant 5 à 6 mois, le temps que l'appel d'offres lancé par l'ONA pour l'acquisition de matériel aboutisse ». Sur le plan de l'assainissement, il faudra donc, encore, prendre son mal en patience. Et côté fuites ? Depuis janvier 2009, environ 3 000 fuites d'eau ont été, d'après des chiffres avancés par la Seaco, réparées au niveau de la wilaya de Constantine, et pourtant la réalité reste accablante puisque les dispersions d'eau perdurent. Excédés par la lenteur de l'intervention des équipes de cette entreprise, « les citoyens continuent de solliciter l'APC, contrainte d'intervenir souvent, et ce même après la création de Seaco », affirme le premier responsable de la commune de Constantine. Les responsables doivent « revoir leur copie » Partant, la municipalité continue à payer « la facture morale et financière » d'une jeune entité, déjà dépassée sur le terrain par les innombrables fuites existantes, en attendant que les responsables de la Seaco, invités par l'APC et la wilaya à « revoir leur copie », mettent à profit le nouveau sursis qui leur a été accordé pour améliorer leurs prestations. « On verra s'il y aura une amélioration d'ici 2 ou 3 mois », conclut Abdelhamid Chibane. Et c'est dans ce malaise grandissant qu'interviendra Loïc Fauchon, P-D.G. de la Société des eaux de Marseille et président du Conseil mondial de l'eau, pour tenter de revivifier la confiance des autorités vis-à-vis de la SEM qui n'a toujours pas fait ses preuves. En effet, eu égard à l'insatisfaction ouvertement affichée par les officiels de la ville du Vieux-Rocher, qui ont exprimé, publiquement, leur désappointement en pointant du doigt la Seaco, et à sa tête la société des eaux de Marseille, Loïc Fauchon, s'est déplacé dernièrement à Constantine et s'est entretenu, à ce sujet, avec le premier responsable de la wilaya et le secrétaire général du ministère des Ressources en eau au siège du cabinet du wali. Il a également animé un point de presse au cours duquel il imputera l'aggravation des fuites à la pression de l'eau et à la vétusté du réseau notamment, un problème nécessitant du temps, selon lui, pour être « dompté », et que les équipes d'intervention de Seaco devraient pouvoir venir à bout grâce à l'acquisition de matériel adéquat. Or, il est utile de rappeler que c'est bien la société de Fauchon, la Société des eaux de Marseille, qui était en charge de la réhabilitation du réseau d'AEP du groupement urbain de Constantine. Une opération qui, faut-il aussi le rappeler, est intervenue juste avant la mise en service du barrage de Beni Haroun, destiné à alimenter la capitale de l'Est, entre autres. Le P-D.G. de la SEM savait pertinemment que la plage horaire et la pression de l'eau allaient être plus importantes, et par voie de conséquence, il serait plus juste d'affirmer que l'opération de réhabilitation du réseau d'AEP de la wilaya de Constantine n'est pas exempte de tout reproche. Cela étant, Loïc Fauchon annoncera, par ailleurs, la mise à la disposition des citoyens d'un numéro vert qui leur permettra de signaler à l'entreprise les fuites, dès leur apparition, et indiquera, enfin, que la stratégie mise en place par la Seaco finira par donner ses fruits d'autant qu'il reste encore 4 années à cette entreprise pour aboutir à une bonne maîtrise de la gestion de l'eau à Constantine. L'illusoire taux de 75 % d'efficacité Il y a plus d'un an, alors que sa société s'apprêtait à signer, en juin 2008, avec la partie algérienne un contrat relatif à la gestion de l'eau et à l'assainissement, Loïc Fauchon était conscient de la lourdeur de la mission qui incomberait désormais à la SEM, surtout qu'il avait reconnu, à l'époque, que « Constantine n'est pas une ville facile en matière d'eau et d'assainissement ». Un aveu qui en dit long, il est vrai sur la complexité et la vétusté du réseau d'alimentation en eau potable et celui d'assainissement de cette ville millénaire, et partant, renseigne sur le travail titanesque qui attendait les experts mobilisés, à cet effet, par la Société des eaux de Marseille. En signant ce « pacte de l'eau », d'un montant de plus de 3 milliards de dinars, la partie française avait, partant de là, cinq ans et demi pour améliorer la gestion de l'eau dans le but d'en assurer la disponibilité au citoyen, et d'améliorer l'efficacité des réseaux de transfert et de distribution. Mais la persistance des déperditions en eau potable, associée à une réhabilitation « expéditive » du réseau d'AEP, ont signifié, cette fois, la fin de la « période de grâce » dont a bénéficié jusque-là, la SEM. Le contrat signé par la partie française prévoyait, pour rappel, une période d'observation qui devait prendre fin le 4 avril 2009, soit il y a déjà 7 mois. Les dernières réactions des autorités locales et centrales se seraient-elles imposées d'elles mêmes, après l'expiration d'un « sursis » qui semble se prolonger dans le temps ? L'Etat algérien avait montré des signes forts, ces dernières années, quant à la mise en place d'une nouvelle politique de l'eau, pour laquelle des milliards en monnaie forte ont été consentis, et dont l'aboutissement restait tributaire de la réhabilitation du réseau d'AEP à l'échelle nationale, mais il semblerait que cette réhabilitation n'ait pas été à la hauteur des attentes des autorités qui ne s'en cachent pas. Ayant englouti environ 60 millions d'euros, le programme de réhabilitation du réseau d'alimentation en eau potable du groupement urbain de Constantine, n'a pas atteint, en fin de compte, ses objectifs, à savoir relever le taux d'efficacité du réseau à 75 %, et réduire au maximum les fuites d'eau. Aujourd'hui, bien que cette opération soit achevée depuis plusieurs mois, les déperditions en eau subsistent et les fuites restent très « généreuses ». Un constat accablant pour la SEM, mise à l'index par la wilaya et la municipalité de Constantine, d'autant que le projet de réhabilitation du réseau était piloté par les eaux de Marseille qui présidait un groupement d'entreprises composé de Sogerah, une société d'ingénierie et de conseil, et de China Geo-Engineering coopération (CGC), une entreprise de travaux. Une réhabilitation à vau-l'eau Cette opération qui devait, préalablement, durer 36 mois s'est finalement étalée dans le temps, à cause de certains facteurs, dont l'étendue de la vétusté des canalisations, la densité de la circulation automobile et un sous-sol souvent saturé. Pendant plusieurs mois, les habitants de Constantine, ont été privés d'eau, consécutivement aux travaux de rénovation et de remplacement des canalisations d'eau potable. Les chaussées ont également été défoncées et « labourées » par les équipes chargées du projet pour un résultat non convaincant, puisque les fuites ont refait leur apparition. De plus belle. En s'engageant dans la gestion déléguée de l'eau à Constantine, en collaboration avec l'ADE et l'ONA, la SEM était censée consolider les « acquis » obtenus par la réfection du réseau, mais il n'en est vraisemblablement rien. En juin 2008, juste avant que la SEM ne signe le contrat de gestion déléguée de l'eau, le chef du projet avait affirmé à El Watan que les objectifs initiaux avaient été atteints, tout en estimant que les deux volets de ce projet, études et réalisation, avaient été menés à bon port. Le volet « études » qui donne une idée précise sur l'état général du réseau d'alimentation en eau potable, avait atteint, selon lui, ses objectifs en matière d'élaboration d'une cartographie numérique, de modernisation et était arrivé en phase finale de l'achèvement du schéma directeur du réseau d'AEP pour la réhabilitation et le recalibrage du réseau d'alimentation d'eau potable du groupement urbain de Constantine à l'horizon 2020. Aujourd'hui pourtant, force est de constater que les objectifs assignés à la Seaco n'ont toujours pas abouti, puisque ses responsables sont carrément appelés à « revoir leur façon de travailler », d'où, peut-être, leur intention de procéder à une nouvelle réhabilitation du réseau laquelle ciblera une centaine de kilomètres de conduites. Cela suffira t-il à atténuer les déperditions en eau potable, sachant qu'entre 2005 et 2008 près de120 kilomètres de conduites avaient, déjà, été remplacées au niveau des deux principales communes de la wilaya, à savoir Constantine et le Khroub. A ce titre, d'aucuns incriminent le travail, jugé « bâclé », de l'entreprise chinoise chargée des travaux de réfection du réseau d'AEP, surtout qu'au niveau de tous les quartiers ciblés par cette opération, les déperditions sont toujours aussi …prospères. Comme, par exemple, la « fontaine »Boussouf !