L'information a pris à contre-pied bon nombre d'observateurs. Alors qu'il donne le feu vert pour l'augmentation des prix des produits de première nécessité, le gouvernement marocain va augmenter le budget de la défense du Royaume, le faisant ainsi passer de 3,8 milliards de dollars en 2014 à 4,5 milliards de dollars en 2018, soit une augmentation de près de 18,5% en quatre ans. Nouvelle course à l'armement avec l'Algérie ou l'Espagne ? Modernisation ? Amélioration des conditions sociales des soldats ? Aucun des trois. Contrairement à l'Algérie, où l'augmentation du budget de la Défense en 2012 correspondait à une hausse des salaires des soldats et à un rappel de primes, les milliards supplémentaires marocains sont destinés aux nouvelles acquisitions et au renforcement de l'arsenal déjà acquis. Car le Maroc paye aujourd'hui le prix de sa politique d'achat d'équipements militaires, avantageuse à court terme, mais très coûteuse à moyen terme. L'augmentation du budget de défense serait donc en partie la résultante d'un retour de manivelle suite à une politique d'achats mal ficelée et qui va engendrer de gros besoins en termes de maintenance. Explications. Le pays récupère du matériel d'occasion Sur le plan stratégique, le Maroc a opté pour une solution particulière, celle d'acheter à très bas prix ou de se servir dans les surplus des armées américaines et celles de quelques pays de l'OTAN à la moindre occasion. Plus encore, le royaume alaouite est devenu l'allié principal des Etats-Unis hors OTAN, une place occupée avant 1979 par l'Iran du Shah. Si le Maroc est loin de disposer des mêmes ressources financières que Téhéran, il n'empêche qu'il a su s'imposer. Les Forces armées royales (FAR) ont, par exemple, récupéré en 2011 200 chars lourds Abrams M1A1 datant de l'époque de la guerre du Golfe. Idem pour des canons automoteurs M109 et M110, puisés sur les réserves américaines par le biais d'un EDA (Excess Defense Articles). Ces appareils étaient utilisés par Washington dans les années 1990. Avant cela, le Maroc a pu, par ce biais, obtenir des chasseurs F5 et d'autres équipements. Il se fait financer du matériel neuf par d'autres pays Une autre manière d'acquérir des armes pour la défense marocaine a été de conclure des accords avec des tiers, souvent avec les monarchies du Golfe, afin que ces dernières offrent tout simplement des armes au Maroc, qui leur sert de relais dans la région de l'Afrique du Nord et du Sahel. En 1997, les chars Dassault T-72 ont en effet été achetés par l'Arabie Saoudite. Si cette méthode semble faire ses preuves, puisque le Maroc a réussi pour l'instant à maintenir l'équilibre des forces dans la région, elle présente quelques limites. Tout d'abord, il est souvent impossible de prévoir ce qui sera disponible dans les surplus ou ce que les émirs du Golfe seront capables de payer. Parfois, il arrive que ces équipements nécessitent des mises à jour ou des réparations connues sous le nom de Mise en condition opérationnelle (MCO), dans le jargon militaire. Le cas des 200 chars Abrams est éloquent. En effet, les FAR seront dans l'obligation de débourser plus d'un milliard de dollars pour les remettre à niveau. Le pays MUltiplie les achats de matériel de haute technologie A vouloir suivre à tout prix ses voisins, le Maroc a multiplié les achats d'équipements neufs, très chers et difficilement utilisables. Effectivement, «avec 4,4% d'augmentation annuelle dans les 4 prochaines années, le marché de l'armement au Maroc va être très attractif (pour les vendeurs d'armes internationaux, ndlr)», affirme le site internet basé à Londres, Strategic Defence Intelligence, auteur d'un rapport sur le devenir des FAR. Si pour étoffer son armée de terre, le pays s'est contenté d'équipements chinois (chars MBT 2000, lance-roquettes AR2), mais il a opté pour des équipements de pointe pour renouveler une marine et une aviation devenues totalement dépassées. Pourtant, outre le prix que représentent ces armes, leur utilisation en elle-même explose la facture des réparations nécessaires. Les deux escadrilles de F16 acquises l'année dernière ne décollent que rarement de la base de Ben Guerir (Marrakech), les équipages étant cantonnés à quelques heures de vol sur simulateur. Idem pour les trois corvettes Sigma ou pour la frégate Mohammed VI, qui n'a pu être réceptionnée suite à des «problèmes d'agenda princiers» masquant difficilement les problèmes de paiement que rencontrent les Marocains pour la maintenance et la pièce détachée de ce navire ultra-performant, mais si insuffisant pour un pays qui prétend à l'administration du détroit de Gibraltar et à la protection d'une façade océanique.