Oui, comme un hommage à Mohamed Benguettaf, à Mustapha Toumi, à Habib Réda, à Yamina Mechakra et tant d'autres… En réponse à une attente légitime de nos artistes pendant plus de 50 ans et en aboutissement d'un combat mené par le ministère de la Culture depuis 9 ans, Monsieur le Premier ministre et le gouvernement viennent d'adopter, enfin, le décret relatif à la couverture des artistes et auteurs par la sécurité sociale, lors de la réunion du gouvernement de ce jeudi 9 janvier 2014. De quoi s'agit-il ? La couverture par la sécurité sociale est un droit fondamental. Le droit à la sécurité sociale et au travail est garanti par la Constitution, couvert par les conventions internationales ratifiées par l'Algérie, sans aucune discrimination pour les catégories de travailleurs. Quelle est la problématique posée ? La question à régler a trait à la couverture sociale des artistes et auteurs qui en sont dépourvus, à savoir ceux qui ne sont pas régis par un contrat de travail classique. Or, les artistes et auteurs indépendants, ceux qui ne sont ni commerçants inscrits au registre du commerce, ni travailleurs avec une relation de travail les liant à un employeur, et qui ne vivent que de leur art, constituent l'écrasante majorité de nos artistes : peintres, créateurs d'œuvres, interprètes (acteurs, chanteurs, musiciens), etc. Les artistes et auteurs qui sont dans une relation de travail ordinaire avec un employeur identifié sont régis par le droit commun et la couverture par la sécurité sociale leur est acquise (par exemple, un membre du ballet de l'ONCI ou un artiste employé par l'ENTV). Donc, il s'agit de mettre en place des mécanismes qui permettent à la catégorie particulière des artistes et des auteurs qui réalisent des prestations ou un travail artistique ou littéraire au profit de tiers rémunérant, d'être déclarés à la sécurité sociale, de cotiser auprès d'une caisse et d'obtenir le remboursement des frais médicaux, des prestations en cas d'accident de travail, un congé de maternité le cas échéant, une retraite (si Dieu leur prête longue vie), un capital-décès pour leur famille… Quelle est la situation antérieure au présent décret ? Cette catégorie particulière de travailleurs n'était pas couverte par la sécurité sociale. Il y avait un vide juridique les concernant. Le dispositif existant ne les couvrait pas à travers les deux situations qu'il prévoit. La première est le droit commun qui couvre les travailleurs sous contrat de travail classique et en relation avec un employeur donné. La deuxième est le décret n°85-34 du 9 février 1985 fixant les cotisations de sécurité sociale pour les catégories particulières. Ce texte, qui inclut les «artistes comédiens et figurants», prévoit, pour eux, deux formes de cotisations, celle versée sous forme de salaire par l'employeur et celle versée sous forme de cachets toujours par l'employeur. Ce texte concerne donc encore une fois les artistes et comédiens qui sont en contrat de travail classique avec un employeur donné qui les rémunère soit sous forme de salaire soit à la pièce (le cachet). En conséquence, il ne règle pas le problème des artistes et auteurs non régis par un contrat de travail classique et qui sont l'écrasante majorité. Quels sont les apports du projet ? Le projet met un terme à une situation de non-prise en charge des artistes et auteurs indépendants, au titre de la couverture par la sécurité sociale, qui dure depuis pas moins de 50 ans ! Il met en place un dispositif adapté aux particularités de l'activité artistique. Permettez-moi d'insister sur le fait que si les artistes et auteurs ne cotisent pas à la sécurité sociale, ce n'est pas parce qu'ils ne le veulent pas, mais c'est l'absence d'un dispositif qui a fait que les artistes et auteurs indépendants ne pouvaient pas cotiser à la sécurité sociale. Dorénavant, et grâce à ce nouveau décret, ils pourront le faire. Ainsi, ce texte prévoit des taux et des mécanismes de déclaration, d'affiliation et de cotisation et comporte des formulaires de déclarations avec toutes les mentions devant y figurer (trois formulaires conçus à cet effet sont annexés au projet de décret). Le ministère de la Culture ne sera plus obligé de pallier l'absence d'un dispositif juridique en recherchant des solutions d'urgence pour secourir des artistes malades ou en fin de vie. De leur côté, les artistes et auteurs indépendants en difficulté auront un statut en tant que malades ou retraités ; ils seront des ayants droit et ne seront plus acculés à solliciter de l'aide, pour ne pas dire la charité. Le dispositif mis en place règle donc la problématique de la couverture par la sécurité sociale pour l'avenir. S'agissant de la situation antérieure et des droits des artistes et auteurs qui activent depuis plusieurs années déjà, à l'exemple de Hadj Fergani, Blaoui El Houari, Chaou Abdelkader, Amar Ezzahi, Lounis Aït Menguellat, Dib El Ayachi, Rachid Djemaï, Safia Zoulid et leur fille, ou encore Farida Saboundji et Nadia Benyoucef, pour ne citer que ceux qui me viennent à l'esprit en ce moment, le projet prévoit que cette situation fera l'objet de dispositions particulières (article 11 du projet ). Ma gratitude à Monsieur le Premier ministre, Monsieur le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, ainsi qu'à mes collègues du Gouvernement est aussi immense que sincère. En effet, ce décret vient mettre fin à une injustice subie depuis trop longtemps et consacrer un droit fondamental d'une catégorie de travailleurs, à savoir les artistes et auteurs indépendants, en leur conférant ainsi un statut. C'est là un acte noble et civilisationnel de l'Etat algérien en direction d'une catégorie qui cristallise l'âme et le cœur de l'Algérie et des Algériens, puisque les artistes et auteurs sont, parmi les nôtres, ceux qui portent et produisent le sens, le beau, la paix et la magie. Merci pour toutes celles et ceux qui sont encore là et pour toutes celles et ceux qui nous ont quittés.