-D'aucuns parlent d'affinités d'écriture entre vous et Kateb Yacine, notamment dans votre premier roman Le vieux de la montagne ; pensez-vous avoir subi une influence dans ce sens ? Je ne pourrais pas dire que j'ai subi l'influence de Kateb. quand j'ai écrit mon premier roman, je n'avais pas encore lu Nedjma. Je connaissais surtout son théâtre, mais il y a sûrement un univers commun lié à la similarité de l'éducation dans la tradition orale… Comme lui, j'ai vécu une relation aux ancêtres, j'ai grandi aussi dans la geste tribale. Mais, peut-être ai-je été plus influencé par Mohamed Dib, j'étais très jeune quand j'ai lu son roman Qui se souvient de la mer, et il m'avait subjugué…L'influence de Kateb a été peut-être tardive. Je l'ai connu grâce à Jacqueline Arnaud, on discutait beaucoup et on n'était pas toujours d'accord, mais il y avait une grande amitié entre nous. -Etes-vous ce qu'on appelle un auteur prolifique ? J'écris tout le temps, je n'arrête jamais, c'est certain, mais je ne produis pas un livre par an (rires) ; je publie régulièrement des textes dans des revues internationales, d'ailleurs il existe une anthologie de mes textes de 300 pages traduits aux Etats-Unis, parus en 2012 et 2013 en Amérique et aussi en Allemagne. J'écris beaucoup de textes pour le théâtre et j'ai plusieurs recueils de poésie, j'espère qu'ils seront publiés en Algérie… -Estimez-vous être lu en Algérie ? Je ne sais pas, mais en tout cas beaucoup plus dans les années 1980, quand je vivais ici. Pour les livres publiés en France, il est difficile de les acquérir en Algérie, surtout hors d'Alger. Beaucoup sont introuvables dans les librairies, il n'y a pas une grande diffusion… -Quels sont vos projets, récents ou en cours ? Les éditions APIC (Algérie) ont fait une réédition des livres Le vieux de la montagne, Le maître de l'heure… et il y a Soulèvement, Algérie et retours, paru aux éditions La Différence en 2012. Il y a également la pièce Captive sans éclats, parue en septembre 2013 aux éditions APIC, elle sera montée et jouée au printemps prochain par la troupe El Moudja de Mostaganem. J'ai aussi une autre pièce chez APIC, sur Salah Bey, elle est prévue pour la manifestation de 2015 à Constantine, j'espère qu'elle sera montée… Je participe également au festival de poésie de Rotterdam en juin prochain…je traduis quelquefois des poètes contemporains, comme Saâd Youcef, Adonis… j'ai des travaux sur Mohamed Dib, cela m'a permis de comprendre ma propre démarche poétique et je voudrais le faire pour Kateb Yacine, comprendre la genèse poétique de Soliloques… -Quelles sont vos lectures ? En poésie, les poètes arabes, les mystiques El Halladj, Rabaâ El Adaouia…, Rimbaud, Baudelaire, Mallarmé, Emily Brontë, Elisabeth Browning, Holderlin, Jean Senac… En ce moment, je relis les classiques, Cervantès ; pour le théâtre, je lis Eugène O'Neil, Becket… il y a de grands livres dans la littérature algérienne, La répudiation, L'escargot entêté, Timimoun, de Boudjedra, Journal de guerre de Feraoun et bien d'autres… -C'est quoi pour vous un grand écrivain ? On a besoin d'être, c'est tout… grand, ça ne veut rien dire. Il faut travailler beaucoup, constituer une œuvre… dans ce sens, moi je veux être à côté des plus grands. Il y avait une génération d'écrivains où il y avait moins d'agressivité, pas trop de rivalités. Djaout était modeste et il y avait beaucoup de complicité entre nous. Les jeunes écrivains d'aujourd'hui ne cherchent pas à contacter les anciens… le monde de la littérature c'est comme une famille, il a besoin de tous ses écrivains. -Ressentez-vous de la culpabilité, comme Kateb et Malek Haddad avant vous, à écrire en français ? Avec Mimouni et Djaout, on refusait ce débat, on se disait chaque écrivain invente sa langue, il est libre, et le français n'appartient pas qu'aux Français… -Quelle est votre appréciation de la littérature actuelle d'expression française en Algérie ? Il y a de nouvelles voix intéressantes. Mais le problème n'est pas tant le manque d'écrivains que le manque de revues, de vraies notes de lecture, d'articles de fond, d'orientation… -Comment voyez-vous la situation actuelle de l'Algérie ? Elle est catastrophique ! Nous sommes dans le marasme, c'est une situation difficile qui risque d'exploser dans quelques années… nous vivons de la rente pétrolière, l'école est encore plus sinistrée qu'avant… notre jeunesse ne demande qu'à vivre pourtant ! -Aimeriez-vous faire de la politique ? Oh, non ! (rire)… mais je fais de la politique en étant poète… le monde m'appartient…