Quarante ans plus tard, Sonatrach va revenir sur le marché britannique avec la première livraison de GNL qui sera effectuée à partir d'Arzew au début du mois d'avril, a déclaré le PDG de Sonatrach, Mohamed Meziane. Dans un entretien accordé à notre journal, le premier responsable de la compagnie nationale des hydrocarbures aborde les objectifs de production et ceux de l'exportation en matière de pétrole et de gaz. Il explique la stratégie de Sonatrach à l'international. Avec les changements qui vont s'opérer, la compagnie devra s'affirmer davantage. Pour M. Meziane, Sonatrach poursuivra sa croissance et elle continuera à être dynamique dans le domaine minier national qu'elle contrôle à hauteur de 40%. L'accès à certains marchés est difficile. Ils ne sont pas aussi ouverts qu'on le laisse entendre, selon M. Meziane. L'objectif de 1,5 mb/j a été fixé pour 2005. Peut-on savoir où on en est ? Et quels sont les gisements qui vont permettre de l'atteindre ? On est actuellement à fin 2004 - début 2005 à une capacité de 1400 000 b/j. L'objectif de 1,5 mb/j reste à l'ordre du jour. Comme vous le savez, nous venons de démarrer le gisement de Rhourde Ouled Djemaâ (ROD) dont la capacité prévue est de 80 000 b/ j. Mais il n'a pas encore atteint sa capacité. Déjà, il va venir pour supporter cet objectif. Il y a aussi le gisement de Hassi Messaoud qui va venir en 2005 augmenter sensiblement sa capacité. Ainsi que les gisements qui sont en exploitation à Berkine. A Berkine, des gisements qui sont développés par Sonatrach seule vont permettre d'atteindre cette capacité de 1,5 mb/j. On espère l'atteindre d'ici la fin de l'année 2005. Concernant les capacités d'exportation de gaz qui doivent atteindre 85 milliards de mètres cubes d'ici 2010, est-ce que les projets programmés pour atteindre cet objectif vont être au rendez-vous ? In Salah, In Amenas, Gassi Touil, l'Ahnet... Actuellement, on est à 60-62 milliards de mètres cubes d'exportation de gaz (gaz naturel et GNL). En plus du démarrage au cours de 2004 de In Salah qui est actuellement à près de 4 milliards de m3/an en moyenne et dont la capacité va augmenter pour atteindre les 9 milliards de mètres cubes, le gisement d'In Amenas est en cours de développement et le démarrage est programmé pour 2006. On a eu un petit glissement de quelques mois. Probablement, on va avoir un retard de quelques mois pour la simple raison que les installations de surface, dont l'implantation a été programmée sur un lieu, ont connu un transfert d'endroit. Il s'est avéré que le sol de l'implantation avait quelques problèmes de stabilité. Donc, il y a eu transfert. Nos partenaires, BP et Statoil, et nous-mêmes Sonatrach, nous faisons tous les efforts avec KBR-JGC pour réduire le délai et rattraper le retard. Je pense que le retard sera rattrapé. Il sera de quelques mois seulement. Donc, en 2006, le gisement va démarrer. Comme vous le savez, il y a le gisement de gaz humide de l'Ohanet avec BHP et JNOX qui a démarré aussi. Donc, il vient en back up à cet objectif de 85 milliards de mètres cubes d'ici à 2010. L'Ahnet est en pleine exploration avec les différentes sociétés partenaires. Il y avait Petronas, qui malheureusement n'a pas décidé, n'a pas opté pour la deuxième période très rapidement. Donc, on était obligé de stopper cet accord ou ce programme. Il y a Repsol et différents partenaires qui sont dans l'exploration. Nous pensons que les réserves qui seront mises en évidence pourraient venir après l'échéance de 2009-2010. Le temps de développer. Donc, ils rentreront très probablement dans notre objectif 2015 qui est d'exporter 100 milliards de mètres cubes. L'autre gisement qui vient en soutien ou en back up à cet objectif de 85 milliards de mètres cubes, c'est le projet intégré de Gassi Touil qui a été octroyé au consortium Repsol-Gas Natural et dont le contrat vient d'être approuvé par le Conseil des ministres. On revient à une question d'actualité. Sonatrach va être débarrassée de son rôle de puissance publique qu'elle exerçait pour le compte de l'Etat. Que peut-on dire de ce nouveau rôle et de la compagnie qui a maintenant plus de 40 ans d'existence ? Sonatrach a fêté son 40e anniversaire au cours de l'année 2004. Créée au mois de décembre 1963, elle s'est développée à partir d'une canalisation et d'une petite activité commerciale pour devenir une société intégrée d'amont en aval. Comme on l'avait dit, avec une capacité de production de brut de 1,4 mb/j et des exportations de gaz de 60-62 milliards de mètres cubes et avec des projets ambitieux en Algérie et à l'étranger. Sonatrach continuera cette croissance et ce développement que cela soit dans le domaine minier national ou à l'étranger d'une manière, disons, graduelle et réfléchie. En fonction de l'intérêt et en fonction des rentabilités des projets ou des opportunités d'investissements qui peuvent nous être offertes ou qu'on trouvera. Sonatrach, société économique et commerciale, je pense, ne sera qu'un opérateur plus dynamique dans le domaine minier algérien où elle a déjà, où elle couvre près de 40 % de ce domaine-là qu'elle continuera à explorer, à développer en plus des possibilités qui nous seront offerts dans les différents appels d'offres qui seront lancés à l'avenir. Voilà un peu Sonatrach... Donc, elle s'est déjà préparée depuis quelques années à être une entreprise économique et commerciale, opérant dans un marché ouvert ou qui est en train de s'ouvrir en Algérie ou à l'étranger. A l'international, où elle a participé à des appels d'offres où elle intervient dans une dizaine de pays. On a remarqué que Sonatrach était devenue plus agressive ces dernières années à l'international. Quels sont les résultats qu'elle a obtenus déjà concrètement ? Et sur quels projets travaille-t-elle à moyen terme ? Sonatrach est agressive à l'échelle nationale avec tous les appels d'offres qu'elle a lancés aussi, et à l'international. A l'international, on pense être plus agressifs. Nous sommes au Pérou. Nous avons donc pu acquérir 10 % du gisement de Camisea, le bloc 88. Nous sommes dans le bloc 56, le 2e, toujours dans Camisea. Nous sommes dans le transport du gaz et du condensat, dans l'unité de séparation du condensat de Pisco. Nous suivons aussi des projets de développement de GNL. Possibilité donc de participer, si le GNL est réalisé. Nous sommes en Espagne à travers le projet d'unité pétrochimique de Tarragone. Nous sommes partenaires de l'unité de réception, de stockage et de regazéification et de distribution de GNL de Reganosa. Nous sommes partenaires de Cepsa dans la cogénération avec un approvisionnement de GNL. Nous venons de gagner un bloc en Libye. Sur deux propositions qu'on a faites, il y'en a une qui a réussi. Donc, nous allons être en Libye. Nous sommes en train d'étudier d'autres possibilités d'investissement, s'il y a des opportunités intéressantes dans l'Afrique de l'Ouest. Que cela soit en Angola, au Nigeria ou en Guinée Bissau. Mais nous sommes aussi présents à travers des conventions d'études au Mali, avec le Niger, au Caméroun... et nous essayons de voir d'autres pays africains tels que le Tchad et le Soudan. Cela ne nous empêche pas aussi de regarder vers le Middle Est, au Moyen-Orient et voir s'il y a des possibilités qui peuvent nous intéresser, soit à travers une intervention directe, soit à travers des partenaires qui sont nos partenaires actuellement dans le domaine minier national, ou de nouveaux partenaires que nous pourrons avoir dans le futur. La compagnie s'est fixé aussi l'objectif en Europe, son marché naturel, d'aller vers le consommateur ou le « end-user » (utilisateur final). Est ce qu'il y a quelque chose de concret ou des perspectives ? Je crois qu'il y a des choses concrètes qui sont faites. Un, Reganosa en Espagne, deux, en Angleterre à Isle of Grain où nous sommes partenaires avec BP, où nous avons donc accès à ce terminal de réception et de regazéification mais aussi plus loin vers la commercialisation du gaz où nous sommes en train d'étudier la possibilité d'être opérateur, d'être présent sur le marché. Cela bien sûr s'applique aux autres pays où nous recherchons, en plus de fournir du gaz, cette possibilité d'être opérateur. Mais comme vous le savez, cela nécessite l'accueil, ou l'ouverture du marché. On parle d'ouverture de marché et il faut qu'elle soit une réalité. En réalité, l'Europe n'est pas ouverte ? Pas encore, ce sont des bribes d'ouverture sur lesquelles nous essayons de forcer, de renforcer... Mais nous accueillerons avec plaisir une ouverture qui nous permettra d'être acteur, opérateur sur le marché. Et cela ne sera que dans l'intérêt des différentes parties. Mis à part le terminal d'Isle of Grain en Angleterre, est-ce qu'il y a des projets précis en Europe pour les terminaux ? Est-ce qu'il y a des négociations ou des objectifs précis ? Concrètement, il y a des idées... des discussions avancées, il y a des possibilités vers l'Europe du Nord, dans le terminal de Zeebruges...Bon ! on négocie, on étudie. Il faudrait que le partenaire de l'autre côté soit réceptif. Je vais passer à l'autre continent. Justement, je crois que Sonatrach est plus avancée sur le marché américain... Le ministre avait parlé d'une option pour quatre terminaux. Mis à part les ventes classiques ou en partenariat qui ont été faites jusqu'à présent, est-ce que Sonatrach va s'implanter aux USA ? Nous visons le marché américain. Vous savez, c'est un marché qui se développe. Les besoins sont importants. Ils vont se développer parce que pour la disponibilité du gaz localement, que ce soit aux USA ou au Canada avec des fournitures ou à partir du Mexique, les capacités sont limitées. Donc il y a un besoin d'importation de gaz, mais qui reste confronté à ce problème de sécurité qui est soulevé. Nous sommes intéressés par ce marché de GNL. Nous discutons avec différents partenaires. En plus de Statoil avec lesquels nous avons eu un accord de vente pour le terminal de Cove Point où il a acquis des capacités, nous discutons avec d'autres propriétaires ou des développeurs de terminaux avec lesquels nous voulons être et réserver des capacités d'entrée ou d'être plus en aval. Cela nous intéresse d'être commerçants de gaz ou de génération électrique. Nous sommes intéressés par toutes les opportunités qui peuvent valoriser encore plus le gaz. Y compris sur le marché américain ? Y compris sur le marché américain ! Lors de la dernière visite du président mexicain en Algérie, il y a eu la signature d'une lettre d'intention en ce qui concerne tant la commercialisation du GPL, augmentation puisqu'on vend du GPL au Mexique et au Brésil. Mais aussi la partie du GNL qui peut nous intéresser à travers notre participation au gisement de Camisea. Cela pour le marché américain. Mais cela peut être valable pour d'autres pays du continent américain, tels que le Chili qui se lance dans un projet de terminal de réception et de regazéification de GNL qui pourrait être intéressant. Donc, toutes les opportunités sont prises en compte. Même au Canada, il y a des projets, des études qui sont menées afin de répondre à ce besoin de gaz qui va grandissant. Est-ce que vous sentez dans les négociations que Sonatrach est traitée au même titre que les autres compagnies ? Reconnaît-on à Sonatrach les capacités d'être partenaire dans un terminal, mis à part le fait d'être fournisseur ? Est-ce que Sonatrach est traitée sur un même pied d'égalité que les grands groupes pétroliers ? Avec certains oui, avec d'autres il faut enfoncer le clou ! Nous avons eu une discussion avec des partenaires et nous avons explicitement fait remarquer que nous étions un partenaire à part entière et non plus fournisseur-fournisseur. Fournisseur, oui, nous le sommes, mais nous voulons être partenaires jusqu'au bout. C'est cela la démarche. Nous cherchons autant la plus-value, valoriser notre gaz, si c'est du gaz dans toute la chaîne. C'est pour cela que nous parlons de l'aval. En plus de la vente, de la réception, donc être dans le terminal mais aussi plus que le terminal, vers le consommateur, peut-être de gros... Cela rentre dans la stratégie et l'approche de Sonatrach qu'on a développée depuis quelques années déjà. C'est aller plus loin dans la valorisation, vers le « end-user ». Pour revenir à un autre continent... le marché asiatique est devenu très important. Quelle est la place que Sonatrach compte prendre ? Le marché asiatique, comme le marché américain, nous intéresse. La demande va augmentant. Cela explique aussi la décision que nous avons prise de rouvrir le bureau Sonatrach Asia. Il existait. Il a été gelé. Il a été rouvert dernièrement. Et nous sommmes en pleine opération d'ouverture. Nous avons désigné le responsable du bureau. Le temps de préparer tout ce qui est administratif localement. En parallèle, nous lançons tout un programme d'acquisition de Very Large Crude Carrer (VLCC) et il y a la réalisation des cinq bouées en haute mer (Arzew, Béjaïa, Skikda) justement pour permettre le chargement de bateaux de gros tonnage qui peuvent nous permettre d'aller en Asie et d'être compétitifs sur ce marché. On a déjà vendu des cargaisons par VLCC. Ça, c'est pour le côté pétrole... L'Inde, la Chine, la Corée... L'autre aspect, c'est le stockage du brut. Nous voulons y être aussi à travers notre bureau de Singapour pour être présent en tant qu'acteur sur ce marché. Comme pour d'autres produits, en particulier le GPL. L'autre élément, c'est le GNL. Peut-être que l'exportation à partir de l'Algérie ne serait pas économique. Mais cela peut se faire sous d'autres formes. Un programme a été lancé pour le gisement de Hassi Messaoud. Peut-on savoir en quoi consiste ce programme ? Hassi Messaoud est un gisement géant, parmi les plus grands au monde. Il a été exploité depuis presque 50 ans. Il continuera encore à produire pendant longtemps... On a lancé un plan, je dirai, de réhabilitation et de développement du champ par une intensification de forages horizontaux, par des work over... pour que les puits deviennent plus productifs et développer aussi les installations de traitement. L'objectif est d'augmenter la production qui se situerait entre 100 000, 200 000 b/j dans les années à venir en plus de ce qui est produit actuellement sur-le-champ. Il y a plus de 40 ans, le marché international du GNL a été inauguré par la ligne Arzew-Convey Island. Sonatrach va revenir en Angleterre. Peut-on savoir quand se fera la 1re livraison ? C'est vrai ! On a été les pionniers en matière de GNL à travers l'usine La Camel (GL4Z). On va bientôt revenir sur ce marché britannique qui a été fermé au GNL algérien à un certain moment, parce qu'il y avait une production interne à partir de la Mer du Nord. Les Britaniques n'avaient pas besoin d'importation. Ils étaient exportateurs. Maintenant, ils redeviennent importateurs. Comme nous sommes partenaires avec BP dans le terminal de l'Isle of Grain, on va revenir. Il va être mis en exploitation prochainement et la première cargaison est prévue pour le mois d'avril. Ce sera la première cargaison de retour du GNL algérien en Angleterre.