Le Conseil des lycées d'Algérie (CLA) rend aujourd'hui public son appel à la reprise des cours et le gel de la grève ouverte. Vous accusez certains états-majors de syndicats grévistes, signataires d'un accord avec le ministère de l'Education nationale, de « traîtrise ». En quoi les résultats obtenus des suites du mouvement de mobilisation qui a duré plus de trois semaines ne reflètent-ils pas les aspirations et revendications des travailleurs de l'éducation ? Le résultat est là et nul besoin d'accuser X ou Y. Les PV cosignés n'ont, d'une part, aucune valeur juridique, d'autre part, ils ne comportent en l'état rien de concret. Quand on évoque la « trahison », nous faisons référence à la cassure du mouvement. Il faut savoir que ce mouvement historique, intégrant les trois paliers de l'éducation, a été précédé d'une longue préparation. Il a été difficile de le mettre en place et de remobiliser après les mouvements de 2005 et 2006... Or, nous constatons que ce mouvement a été cassé, voué à l'essoufflement, sur la base d'un simple PV et l'installation de commissions alibis qui ont déjà fait la preuve de leur inefficacité. Nous ne savons toujours pas quelles sont les indemnités et primes que contient le nouveau régime indemnitaire. En termes chiffrés, et c'est ce qui intéresse entre autres les travailleurs de l'éducation, c'est encore le flou total : le montant de la différence entre l'ancien et le nouveau régime, nous ne le connaissons toujours pas. Une chose est sûre : le nouveau régime indemnitaire que le ministère tente d'imposer via ses commissions sera encore pire que l'ancien et les travailleurs de l'éducation perdront certainement au change. Les taux de quelques indemnités en lien direct avec le salaire de base seront revus à la baisse. La prime de rendement (IAPP) qui est de 40% actuellement, baissera à 20% pour être indexée sur le nouveau salaire. L'indemnité d'expérience pédagogique (IEP) avec son taux de 2%, est insignifiante si on l'indexe sur le nouveau salaire de base. Pire, on risque de perdre les indemnités qui existaient dans l'ancien régime sans qu'on n'obtienne l'institution de nouvelles d'indemnités et primes. Au CLA, nous avons exigé de nouvelles indemnités et primes indexées sur le nouveau salaire de base comme par exemple la prime de panier, l'indemnité de transport, une indemnité sous forme d'aide à l'acquisition de logement – pour la simple raison que maintenant, il n'y a plus de logements de fonction – et une indemnité de récupération psychologique. Par rapport à la plateforme de revendications soumise par le CLA, nous n'avons obtenu aucune réponse. Il en est ainsi du premier point de la plateforme relatif à l'augmentation du salaire par la valorisation du point indiciaire. Cette revendication n'a même pas été discutée. Si cela avait été un marché de dupes, pourquoi, selon vous, des syndicats autonomes – le Cnapest, l'Unpef, le Snapest – ont accepté de parapher l'accord proposé par le ministère de l'Education nationale ? Je ne sais pas. Les syndicats ont négocié en rangs dispersés. Ils auraient dû y aller en tant que bloc, constituer, comme cela avait été proposé par le CLA, une direction unifiée pour le mouvement, ce qui nous aurait dotés d'un rapport de force favorable. On aurait aussi bien aimé élaborer, dès le départ et conjointement, une plateforme de revendications communes. L'issue en aurait été toute autre. Il faut dire aussi que ces syndicats sont allés négocier sur la base d'une plateforme de revendications que le CLA ne partage pas que ce soit sur la question de la médecine du travail ou des œuvres sociales. Pour nous, la revendication concernant la médecine du travail doit trouver sa réponse dans un système de santé gratuit et de qualité, qui prendra en charge toutes les maladies, les maladies professionnelles y compris. Pour les œuvres sociales, non seulement elles ont constitué depuis toujours un appât, mais aussi un moyen de récupération des syndicats revendicatifs. Le CLA avait plaidé pour leur dissolution et pour les octroyer comme un 13e et un 14e mois de salaire pour les travailleurs de l'éducation. Est-ce l'échec de votre action unitaire ? Le cas échéant comment pensez-vous pouvoir remobiliser à l'avenir ? C'est là que résident toutes nos craintes. Nous, nous croyons en l'unité d'action et à la solidarité syndicale. Espérons que ce mouvement – qui n'a pas apporté de concret – ne construira pas, au niveau de travailleurs, l'idée que la lutte ne paie pas. Or, il n'y a que la lutte qui paie. Ce n'est certainement pas de gaîté de cœur que nous appelons à la reprise. Jusqu'à aujourd'hui, plus de 200 lycées et plusieurs CEM à travers le territoire national ont observé le mouvement de grève, c'est dire le mécontentement de tous les travailleurs de l'éducation par rapport au gel de la grève qui a été décidé. Nous, au CLA, nous avons conscience que seuls, nous ne pouvons pas faire grand-chose. On a de ce fait préféré geler la grève jusqu'au deuxième trimestre et éviter ainsi le pourrissement. Nous comptons aussi participer au rassemblement de demain (aujourd'hui) à la Maison des syndicats pour dénoncer l'exclusion des syndicats autonomes et mettre la pression sur la tripartite où seront discutées, dans le secret, des questions stratégiques engageant le monde du travail : le SNMG, la retraite, le code du travail, le droit de grève, la relation de travail, etc. Et surtout, que cela nous serve de leçon.