Ils sont déjà 85 prétendants à la candidature à avoir retiré les formulaires de souscription individuels auprès du ministère de l'Intérieur. Et cela, une semaine seulement après la convocation du corps électoral et l'ouverture officielle de la campagne de récolte des parrainages des électeurs et des élus. C'est l'inflation de candidatures. Le chiffre pourrait être revu encore à la hausse dans les prochains jours. La «maladie du fauteuil» gagne visiblement toutes les catégories de la société… C'est une première dans l'histoire de la Présidentielle en Algérie. Au moment où, à cause du flou qui entoure le prochain scrutin, des personnalités politiques connues sur la scène hésitent à se lancer dans le bain, ce sont des anonymes qui convoitent le «fauteuil du malade». Qui sont-ils ? Pourquoi s'engagent-ils dans cette course qui nécessite de l'endurance, des moyens et surtout du charisme ? Comment comptent-ils conquérir le cœur des électeurs pour réunir d'abord les 60 000 souscriptions et ensuite mener une campagne électorale ? Il est vrai que la législation permet à tout Algérien qui réunit les conditions requises de prétendre à la magistrature suprême. Mais la politique a aussi ses propres normes, même si, en Algérie, la cooptation reste le modus operandi pour la désignation des présidents de la République. Les candidats à la candidature le savent, mais ils veulent tenter l'aventure. Quitte à abandonner le terrain avant même le début de la compétition. Que des inconnus au bataillon Au demeurant, ils croient en leurs chances. Les candidats que nous avons pu contacter se présentent comme une alternative «à la classe politique et au pouvoir». C'est le cas de Amar Chekar, ancien cadre d'une entreprise et journaliste dans un quotidien francophone. «L'Algérie a besoin de nouvelles idées et de nouvelles énergies. La classe politique actuelle a échoué et le pouvoir ne répond pas aux aspirations des Algériens. Chaque Algérien nationaliste a le droit de lutter par des moyens pacifiques pour un avenir meilleur», répond M. Chekar à la question de savoir quelles sont les motivations qui l'ont amené à entreprendre cette démarche. Selon lui, «il y a un engouement autour de sa candidature». Le journaliste, qui a lancé une page facebook (Amar Chekar président 2014), affirme que l'opération de collecte des signatures est déjà lancée. «Si j'arrive à réunir les 60 000 signatures, il y aura une nouvelle dynamique politique. Je le promets», dit-il. Enseignant à l'université de Annaba et ancien militant du FLN, du RND et du FNA, Djellali Abdelkhalek justifie également sa candidature par ce «besoin d'un nouveau souffle dans le pays». «J'ai fait ce choix après mûre réflexion et après avoir été convaincu que l'Algérie, notre cher pays, a besoin d'un souffle nouveau. Que l'Algérie a besoin d'un élan nouveau. Que l'Algérie a besoin d'un engagement nouveau. J'ai fait ce choix après avoir compris que le peuple algérien rêve d'un monde où l'espoir est permis. Un espoir qui sera le ciment dans lequel les aspirations du peuple, tout le peuple algérien, seront exprimées. Un espoir qui ne peut être réalisé que lorsque toutes les expressions seront représentées, écoutées et respectées», écrit-il sur son site spécial candidat (djellaliabdelkhalek.président). Parmi les candidats, il y a aussi des avocats, des ingénieurs, des promoteurs et des experts qui rêvent aussi d'accéder au palais d'El Mouradia. L'un d'eux est Mohamed Gouali, expert international en stratégies et finances. L'homme, fort de son expérience internationale, se dit «capable de résoudre les problèmes de l'Algérie». «J'ai décidé de m'intégrer dans cette joute parce que je veux mettre à la disposition de l'Algérie mon expérience internationale connue et reconnue en Europe, aux USA et dans les pays du Golfe. Je peux résoudre les problèmes de l'Algérie. Ce ne sont pas de simples vœux, pourvu que la compétition soit saine et régulière», lance-t-il, confiant. Pour dépasser l'écueil des parrainages d'électeurs, Mohamed Gouali affirme avoir déjà mis en place une stratégie : «J'ai déjà installé deux centres à Alger et à Constantine. D'autres seront aussi mis sur pied à Béchar et Oran pour tenter de sensibiliser les citoyens et d'avoir leur confiance.» Des politiques, des militaires et des commerçants Sur la liste des prétendants à la candidature, il y a aussi des surprises. Un nouveau phénomène, constaté ces dernières années lors des élections législatives et locales, vient de gagner l'élection présidentielle. Il s'agit des commerçants et même des maçons qui tentent d'accéder à la Présidence. Une première également dans l'histoire des élections présidentielles en Algérie. Dans cette ruée à la candidature, les chefs de parti politique ne sont pas nombreux. Ces derniers se comptent pour l'instant sur les doigts des deux mains. En effet, seuls quelques partis, sur une soixantaine de formations agréées, ont engagé officiellement des candidats connus. Il s'agit du PT de Louisa Hanoune, du FNA de Moussa Touati, de Ahd 54 de Ali Fawzi Rebaïne, de Jil Jadid de Soufiane Djilali et du front El Moustakbel de Abdelaziz Belaïd. Dans cette catégorie, des formations politiques recourent à des procédés étranges : annonces des candidatures par communiqué de presse. Certains chefs de parti vont encore plus loin en quémandant les signatures des électeurs à travers des encarts publicitaires insérés dans des journaux. Deux présidents d'entre eux se distinguent dans ce sens ; il s'agit de Ali Zeghdoud, président du Rassemblement algérien (RA) et de Mohamed Hadef, président du Mouvement national d'espérance (MNE). Après avoir lancé, en 2012, une sorte d'«avis d'appel d'offres» à candidature pour les législatives, ils reviennent à la charge cette fois encore. Les deux hommes ont commencé à publier, dans les grands titres de la presse nationale, des appels à l'adresse des électeurs pour recueillir les 60 000 souscriptions exigées par la loi électorale. Ali Zeghdoud a inséré dans les colonnes des journaux arabophones un cinquième de pub dans lequel il a invité les élus et les citoyens à constituer, en sa faveur, des comités de soutien pour l'aider à dépasser l'écueil des souscriptions. A cet effet, il communique des numéros de téléphone et une adresse mail. Mohamed Hadef, quant à lui, s'est payé carrément une demi-page de publicité pour annoncer à la fois sa candidature, son programme et faire un appel à l'aide pour la collecte des signatures. L'élection présidentielle d'avril prochain sera marquée aussi par l'engagement d'anciens militaires à la retraite, dont le général Mohand Tahar Yala, et des binationaux qui sont tentés par une aventure présidentielle…