Crédit bail : Quand la fiscalité déroge aux règles comptables Le Système Comptable Financier (SCF), nouvelle loi comptable algérienne, était à peine entré en vigueur, en 2010, que le lobby des institutions financières, intervenant dans les activités de leasing financier, prenait plus d'ampleur. Combinés à la volonté des autorités de favoriser les activités de leasing, les nombreux avantages liés au traitement fiscal des contrats de location-vente financière perdurent et dérogent aux règles comptables applicables en la matière. Ainsi par exemple, le Code des Impôts Directs et Taxes Assimilées prévoit, pour les sociétés de leasing, que la partie correspondant au remboursement du crédit dans le cadre du contrat de crédit bail financier n'est pas comprise dans le chiffre d'affaires servant de base à la Taxe sur l'Activité Professionnelle. Pour rappel, les deux parties prenantes d'un contrat de leasing concluent à ce que l'acquéreur du bien financé – le crédit-preneur – choisisse l'équipement, voire le fournisseur et que le financier – le crédit-bailleur – achète le bien en le louant au crédit-preneur avec une option d'achat en fin de contrat. La loi comptable algérienne a rejoint le principe de la prééminence de la réalité économique sur l'apparence, selon lequel le preneur doit enregistrer le bien à son actif à sa juste valeur en contrepartie d'une dette vis-à-vis du bailleur alors que le bailleur doit enregistrer la créance à titre de prêt. Les loyers viennent en déduction de cette créance chez le bailleur alors qu'ils correspondent, pour la partie hors intérêt, à l'amortissement du bien chez le preneur. L'activité de leasing a toujours été encouragée et plus particulièrement dès 2001 la loi de finances complémentaire pour 2001 avait prévu que les banques, les établissements financiers et les sociétés de crédit-bail soient autorisés à pratiquer l'amortissement linéaire ou dégressif des actifs immobilisés, sur une période égale à la durée du contrat de crédit bail, dans le cadre de contrats de crédit bail financier. Dans le sillage de l'entrée en vigueur du SCF, la loi de finances complémentaire pour 2010 disposait encore que les dispositions antérieures à la loi de finances pour 2010 relatives aux règles d'amortissement, dans le cadre des contrats de crédit bail, continueraient à s'appliquer, à titre transitoire jusqu'au 31 décembre 2012. Ainsi, et à titre exceptionnel, le crédit-bailleur, dans le cadre des opérations de crédit-bail, continuait à être fiscalement réputé disposer de la propriété juridique du bien loué, et, à ce titre, était habilité à pratiquer l'amortissement de ce bien. Le crédit-preneur, qui est le propriétaire économique du bien, au sens des nouvelles normes comptables, continuait à disposer du droit de déductibilité du bénéfice imposable des loyers qu'il verse au crédit-bailleur pratiquant l'amortissement, jusqu'à l'échéance susvisée. La loi de finances pour 2014 consacre le maintien des dispositions antérieures à l'entrée en vigueur du SCF et lui déroge de façon permanente en précisant que «Sans préjudice du système comptable financier, le crédit-bailleur est réputé fiscalement propriétaire du bien loué, dans les opérations de crédit-bail effectuées par les banques, les établissements financiers et les sociétés de crédit-bail.» La loi de finances pour 2014 va même jusqu'à prescrire un traitement selon lequel le bailleur est tenu d'inscrire le bien loué en tant qu'immobilisation et de constater les loyers perçus en tant que produits. De son côté, le crédit-preneur est réputé fiscalement locataire du bien loué et les loyers payés au crédit-bailleur doivent être constatés par le crédit-preneur en tant que charge.Cette rédaction interpelle car la loi de finances pour 2014 impose un traitement différent que celui du SCF alors que l'objectif principal est de permettre l'amortissement fiscal sur la base de l'amortissement financier du crédit bail. Un vrai casse-tête pour les comptables des deux parties, car les comptes sociaux ne sauraient obéir à d'autres règles que celles du SCF, la constatation des opérations, telle que prescrite par la loi de finances pour 2014, ne pouvant être qu'un traitement fiscal pour la détermination des bases imposables et non une prescription d'écritures. Sans refaire le débat de 2009 sur le Crédit Documentaire, comme seul moyen de paiement La loi de finances complémentaire 2009, sans doute la plus célèbre des lois d'ajustement budgétaire, avait intégré parmi ses dispositions diverses, sous son article 69, l'obligation du paiement des importations au moyen du seul crédit documentaire. L'argumentation maintes fois rapportée au débat de place sur la pertinence de la mesure était de reconnaître au crédit documentaire la capacité de traçabilité des opérations financières de commerce extérieur avec la volonté de mieux contrôler les activités d'importation. Dans sa conception, le crédit documentaire fait plus, puisqu'il constitue une garantie de paiement aux fournisseurs étrangers qui depuis ont pris l'habitude de cet avantage et inscrit leurs clients algériens parmi les meilleurs payeurs en temps et en heure. La loi de finances pour 2014 modifie cet article 69 de la loi de finances complémentaire pour 2009 pour énoncer que le paiement des importations destinées à la vente en l'état ne peut s'effectuer qu'au moyen du crédit documentaire ou de la remise documentaire, cette dernière devant l'alternative au crédit documentaire pour les importations de biens destinés à la revente en l'état. La remise documentaire, un moyen de paiement ‘‘Document contre paiement'', est une alternative au crédit documentaire sans garantie de paiement puisque l'importateur peut refuser les documents commerciaux et conséquemment le paiement. Cette situation est notamment salutaire puisqu'elle permet l'inspection des marchandises avant leur paiement. Par ailleurs la remise documentaire peut se faire contre acceptation d'une traite, mais pour ce cas il sera intéressant de connaître la position de la Banque d'Algérie sur la pratique de la remise documentaire contre acceptation, un crédit commercial adossé à effet de commerce, engendrant des termes de paiement à échéance négociée, dans un contexte où la ‘‘Banque des banques'' livre bataille sur tous les fronts de l'endettement externe et de ce tout ce qui n'est pas à court terme. Au final, il aura fallu au législateur plus de quatre ans pour relever que l'impact de politique économique d'une disposition largement critiquée s'est avéré contraire aux attentes. Entre temps les relations commerciales avec les fournisseurs étrangers se seront établies avec une pratique difficile à démanteler tant le paiement ‘‘Rubis sur l'ongle'' leur est à présent confortable. Paradoxalement, la tradition de règlement par crédit documentaire devrait avoir établi une relation de confiance pour permettre de migrer vers la remise documentaire.