Sortie spectaculaire, hier, des cadres syndicaux de l'une des importantes fédérations de l'UGTA, à savoir les travailleurs de l'éducation. Contre tout attente et à la veille de la tripartite, des dizaines, voire des centaines de travailleurs affiliés à la Fédération nationale des travailleurs de l'éducation (FNTE) relevant de l'UGTA se sont rassemblés dans l'enceinte de la centrale syndicale pour revendiquer, dénoncer et, mieux encore, critiquer les décisions du gouvernement. Ils étaient, selon les estimations des organisateurs, près de 5000 travailleurs venus des 48 wilayas du pays à prendre part à ce meeting. Le transport n'a nullement posé problème puisque des dizaines de bus ont été mis à la disposition de ces syndicalistes afin de les acheminer vers la Maison du peuple. D'aucuns ont qualifié cette initiative d'« intrigante » et de « bizarre ». Pourquoi avoir attendu la tripartite pour appeler à un débrayage national ? A quoi rime une telle démarche ? Est-ce une riposte contre les syndicats autonomes ? Ce faisant, lors de ce meeting, le champ était entièrement libre pour les manifestants qui n'ont cessé de scander des slogans hostiles au gouvernement et plus particulièrement au ministère de l'Education nationale. « Benbouzid dehors ! » ; « Assainissement du secteur de l'éducation » ; « Grève nationale » ; « Abrogation de l'article 87bis » ; « Où est notre dignité ? », sont, entre autres, les slogans que l'on pouvait lire sur les banderoles et les pancartes revendicatives brandies par les manifestants. La foule scandait avec insistance : « Benbouzid barakat » ; « Benbouzid barra » ; « Idrab watani » (grève nationale). A l'unanimité, les travailleurs demandent l'accélération des négociations autour du dossier des primes et allocations et leur application avec effet rétroactif à compter de janvier 2008 en les calculant sur la base du nouveau SNMG. Une revendication, d'après les syndicalistes, soumise à réflexion lors de la conférence nationale de la FNTE tenue en novembre dernier et lors de la conférence nationale urgente des cadres syndicaux.Tirant à boulets rouges – sans les citer – sur les organisation syndicales autonomes qui se sont battues pour ramener le Premier ministre à changer d'avis quant à la circulaire portant sur l'effet rétroactif du régime indemnitaire, le secrétaire général de la FNTE, El Hadj Boudaha, est persuadé que « la spéculation autour de ce point a dénaturé la véritable revendication qui consiste à définir le contenu des primes et allocations à même de répondre aux aspirations de la base à travers une augmentation du pouvoir d'achat des employés du secteur pour améliorer leurs conditions sociales ». Mais, à notre interrogation par rapport au retard accusé pour opérer cette demande et le choix du timing, les syndicalistes se sont défendus avec acharnement, arguant que c'est là un premier avertissement adressé au gouvernement. « L'UGTA a signé un pacte économique et social que les pouvoirs publics ont trahi. Nous ne sommes pas sortis dans la rue car nos patrons nous ont demandé de calmer le jeu. Aujourd'hui, nous leur donnons un ultimatum : si les résultats de la tripartite ne répondent pas à nos aspirations, nous occuperons le terrain », ont pesté les syndicalistes de Tizi Ouzou qui, à travers cette manifestation, veulent faire taire « les mauvaises langues » qui murmurent la mort de l'UGTA. Malika, issue de cette même région, n'a pas mâché ses mots. Elle en veut aux têtes pensantes de l'UGTA : « Nous voulons du sang neuf à la tête de l'UGTA, des personnes revendicatives. Nous sommes de véritables éléments de l'UGTA, la base revendique des changements et des actions, mais les gens, au sommet, tergiversent », regrette la syndicaliste. S'agissant de la revendication portant révision de la gestion des œuvres sociales, qui a suscité l'ire des travailleurs de l'UGTA suite à la décision du gouvernement de créer une commission indépendante qui s'occupera de ce dossier, les cadres syndicaux de la FNTE parlent du maintien de ces œuvres gérées par leurs représentants. « Cet acquis que sont les œuvres sociales a été réalisé en 1992 par la FNTE, avec le concours de la centrale syndicale, pour profiter à tous les employés, toutes catégories confondues et nonobstant leur appartenance syndicale. On ne comprend pas pourquoi on veut nous priver de cet acquis ? », ont fulminé les syndicalistes, qui envisagent de s'opposer par tous les moyens à la démarche du ministère de l'Education. « Benbouzid doit partir car il favorise le corporatisme. Nous lui disons que les œuvres sociales doivent être gérées par les travailleurs et non pas par l'administration. Nous exigeons un débat national sur toutes ces questions », a soutenu un syndicaliste. Par ailleurs, la FNTE ne revendique pas seulement le relèvement du SNMG, mais beaucoup plus : l'abrogation de l'article 87 bis de la loi n°90/11 qui définit le salaire minimum. Sans cette abrogation, l'incidence d'une augmentation est très réduite. « Pas un dinar de plus ne rentrera dans la poche des fonctionnaires si cet article n'est pas supprimé », s'accordent à dire les syndicalistes.