Lundi, en dépit de la criminelle qui s'y déroule à côté, la salle 3 relevant de la cour de justice de Tiaret était comble mais réservée, comme d'habitude, aux procès liés à la correctionnelle. Une salle où, en plus de quelques jeunes délinquants, s'y trouvaient deux femmes au box des accusés et deux cousins impliqués dans l'affaire dite des fausses cautions bancaires. A vrai dire, cette affaire a focalisé beaucoup d'attention et pour cause, près de sept avocats sont venus spécialement plaider la cause de leurs mandants. Peine perdue car deux des trois inculpés, dont un en fuite, ont écopé de cinq ans de prison ferme et lancement d'un mandat d'arrêt. Sur le pupitre, près d'une quarantaine de dossiers de prévenus, presque tous sous mandats de dépôt, attendait monsieur Abdelmalek Benahmed, président du tribunal, imperturbable mais agacé par le brouhaha ici et là provoqué par les robes noires et les chuchotements en provenance de la salle. Si vous continuez, avertit-il, on va effectuer une petite pause à moins que vous faites preuve de compréhension pour laisser les uns et les autres écouter. A vrai dire, certaines affaires reviennent comme un leitmotiv pour rappeler, à chaque séance, que le vol de portables, phénomène de société par excellence, devient banal comme celui lié au non-paiement de l'allocation familiale. Qu'à cela ne tienne, le tribunal, à l'image d'un théâtre, tout devient possible avec les acteurs du jour. On passe spontanément du rire réprobateur aux larmes. Oui, des larmes, beaucoup même ont été versées, l'espace de quelques scènes qui frisent le tragique. Prenez ce gamin de 17 ans, S. Sid Ahmed, inculpé pour violences à l'endroit de sa mère. Les deux se sont retrouvés à verser des larmes sitôt le président, appuyé par le représentant du ministère public, demandèrent à la maman pourquoi avoir traîné le gosse devant le procureur. Bien que prétextant un scénario concocté par ses parents pour se débarrasser de ce turbulent garçon, elle s'est mise à invoquer le statut social de cette famille disloquée depuis le divorce, non sans implorer le pardon. La scène est émouvante et d'aucuns ne purent retenir ou écraser des larmes. Une autre affaire retint notre attention. Elle a trait à une escroquerie qui a mal tourné pour une jeune maman. Sa comparution en l'absence de la victime lui a valu le report de son procès. Une fois la salle vidée pour cause de jugement à huis clos d'une affaire de mœurs, cette prévenue, prenant conscience de la gravité de la chose, commença par se tirer les cheveux. Deux petites gamines de sept et une année l'une sous les bras de la grande avancèrent vers elle. Ce sont ses propres enfants ramenés par une parente. Les trois êtres finirent par s'entrelacer non sans déverser un flot de larmes au milieu des pleurs du jeune enfant soustrait de ses mains. Moments de fortes émotions insoutenables pour cœurs sensibles. C'est ce moment que choisit le policier en chef pour tenter de raisonner de jeunes récidivistes qui pour des vétilles se retrouvent dans les bancs. « Essayer de gagner votre vie par votre labeur, faites comme vos parents car la prison même dorée c'est la prison ». Certains restent marqués mais d'autres réfractaires par la gestuelle semblent désapprouver. Dix-sept heures et voilà l'heure de vérité pour les prévenus. Certains ne cachent pas leurs joies tandis que d'autres pâles et livides se rendent compte de leur culpabilité au milieu d'une foule bigarrée. Beaucoup de parents ou d'amis tentent d'apercevoir les inculpés embarqués dans le fourgon de police. Le vrombissement du véhicule retentit et avec lui des rafales de grêle. Déjà la froidure !