La 77e cérémonie des oscars, avant-hier à Los Angeles (Californie, Etats-Unis), aura été, contre toute attente, très riche en surprises et en rebondissements. Alors que les « bookmakers » de Hollywood encensaient le dernier film-événement Aviator retraçant la success story du tycon et inventeur Howard Hugues, réalisé par Martin Scorsese, en le donnant virtuellement grand vainqueur, un outsider est venu bousculer la soirée et rafler la mise. Et ce, en mettant, en direct, un KO technique à l'auteur de Taxi Driver, Scorsese. Il s'agit de l'acteur et réalisateur Clint Eastwood ayant signé Million Dollar Baby. Prouvant ainsi que l'acteur ayant fait les beaux jours du western spaghetti a fait depuis du chemin en passant derrière la caméra en devenant un cinéaste respecté et respectable. Histoire de dire qu'à 74 ans il demeure, bon pied bon œil, aussi vert, le « bon » toujours et, cette fois-ci, le meilleur. Défiant et filant des complexes au jeunisme cinéphile et cinématographique, son gérontologique 7e art consommé aura fait une razzia d'oscars. Le film Million Dollar Baby s'est vu attribuer quatre oscars. Et non des moindres. Deux régaliens : ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur. Un exploit réitéré douze ans après avoir été doublement primé pour Impitoyable (meilleur film et réalisateur). Et en prime, Hilary Swank, l'héroïne du film Million Dollar Baby, s'est vu décerner l'oscar de la meilleure actrice pour son poignant rôle de jeune boxeuse vivant une histoire d'amour platonique avec son vieil entraîneur qui n'est autre que... Clint Eastwood. Le carré gagnant fut bouclé par l'oscar du meilleur second rôle remporté par Morgan Freeman ayant incarné un boxeur à la retraite et ange gardien de la boxeuse Hilary Swank. A ce propos, l'heureux et quadruple élu, Clint Eastwood - rejoignant les Billy Wilder, David Lean, Robert Wise ou encore Steven Spielberg ayant réussi le doublé d'oscars et plus - dira : « J'ai été un peu désappointé quand on a opposé la compétition entre Marty (Martin Scorsese) et moi. J'ai le plus grand respect pour lui et pour tous les films qu'il a réalisés à travers ces années. » Cependant, Clint Eastwood saluera la nouvelle vague juvénile dans le cinéma universel tout en exhortant les producteurs à ne pas jeter aux orties et aux oubliettes les anciens acteurs sur un ton humoristique : « Ces oscars sont un signe de voie vers la retraite. Je respecte les jeunes réalisateurs comme Alexander Payne. Mais n'oubliez pas les seniors du cinéma. » L'oscar du meilleur acteur est revenu au grand favori, Jamie Foxx, qui interprète Ray Charles dans le film Ray. Jamie Foxx remerciera « Ray Charles d'avoir existé » en écrasant une larme. Le grand perdant de la soirée fut, bien sûr, Martin Scorsese, dont le film Aviator a, certes, reçu cinq oscars, mais quatre dans les catégories techniques (décor, costumes, montage, photo). L'honneur sera sauvé par l'actrice Cate Blanchett remportant l'oscar du meilleur second rôle féminin. L'oscar du meilleur film étranger est allé, au nez et à la barbe, de celui français Les Choristes à l'espagnol Mar Adentro d'Alejandro Amenabar.