Au coup de sifflet final, le ticket Gamal Moubarak n'était plus valide. Le rêve d'une succession en douceur de père en fils, savamment montée en épingle depuis deux ans, s'achève sur la fin de non recevoir du régime héréditaire, ébranlée dans ses mythes fondateurs de grandeur évaporée et dans ses fondements politico-institutionnels. Outre, les difficultés socio-économiques qui pèsent lourdement sur le destin national de l'Egypte des Moubarak en panne de réformes et de palliatifs à la crise de développement : les émeutes de la faim de la faim de 2008 cristallisant le niveau de pauvreté généralisée sévissant plus particulièrement dans la région agraire de la Haute Egypte (70% de la population), l'analphabétisme (51% de la population),le triplement des prix des denrées de première nécessité (pain et viande), la malnutrition frappant le 1/3 de la population infantile, un taux de croissance oscillant entre 0,6 et 0, 7% durant la décennie 1995-2005. L'impasse vaut la sale campagne électorale à fort alibi sportif des compétiteurs laminés par le monumental ratage du Caire à Khartoum. Au sommet de la pyramide, le ressentiment de Gamal, maladivement relayé par le fougueux Ala'a, se projette dans cette image idyllique de l'Egypte sereine et conquérante, soigneusement entretenue pour imposer le modèle de transmission dynastique du pouvoir. Elle se reflète dans le rôle de la première dame d'Egypte, Suzanne Moubarak, en charge des questions de l'enfance et de la femme et surfant la vague de l'indignation arabe exprimée lors de la guerre sioniste contre les civils palestiniens de Ghaza. Elle l'est aussi dans le portrait élogieux rendu à Khadîdja l'épouse de Gamal, présentée sous la plume de la journaliste du « Sunday Times », Marie Colvin, comme une « première dame parfaite ». Ses atouts ? Une formation en gestion des affaires dans l'Université américaine du Caire, la maîtrise de l'anglais qu'elle parle couramment et la digne représentante de la haute société égyptienne en fille du richissime homme d'affaires, Mahmoud El-Gamal, propriétaire d'une des plus grandes entreprises de construction. Le scénario de 2005, signant le départ avant terme du président Hosni Moubarak et la montée vertigineuse de son fils cadet Gamal, a fait long feu. A la naissance, le projet se nourrissait des réformes politiques autorisant, pour la première fois, le recours au suffrage universel et de la préparation in vitro du candidat légalement issu du parti au pouvoir. Tous les observateurs, attentifs à l'évolution interne e l'Egypte, s'accordent à dire que le 5e mandat du « père » président, affaibli et usé, était voué à la mise en scelle de Gamal, propulsé lors du congrés de novembre 2007 à la tête du PND (parti national démocratique), pleinement investi et rêvant d'une consécration populaire.La machine se met en route, forme des 2 millions d'adhérents du PND et d'un contrôle quasi-total sur les médias et une partie de la société civile aux ordres du nouveau pharaon du Caire. Au congrès du 1er novembre, les clairons de la succession, cautionnée par Hosni Moubarak vantant le mérite des « jeunes…qui ont une vision claire de l'avenir » et prise à bras le corps par le Premier ministre Ahmed Nazif et le ministre des Investissements Mahmoud Mahiedine, ont retenti pour valider le ticket Gamal. Dés lors, il ne faisait plus l'ombre d'un doute que le futur présidentiable pointait à l'horizon de l'Egypte post-Hosni. Dans son intervention, le candidat en puissance, égrenant son programme économique et social pour les années à venir que les cadres du parti se devaient d' « expliquer à l'opinion publique », s'est mis au service des couches défavorisées. « Au cours de la prochaine période, le gouvernement va s'occuper tout particulièrement des pauvres, des veuves, des orphelins et des femmes qui assurent seules la charge de leur foyer », a-t-il déclaré. La route du « candidat possible », annoncé par le Premier ministre Ahmed Nazif, passe, au mieux, par la tragédie du Caire et, au pire, par la surenchère électoraliste des deux frères Moubarak entonnant à l'unisson la vieille rengaine du refus de « l'humiliation du peule égyptien »(sic !). Dans cette course diabolique et aventureuse, les dés sont jetés. A mille lieux de Gamal le favori, les 3 autres options (Omar Souleymane, le patron des services généraux, Baradei et Amr Moussa) invitent au débat sur la nature de la succession et les grands enjeux de la démocratisation du monde arabe prié de réussir le changement par l'urne ou par la force. Demain : II, le GMO à l'algérienne.