L'annonce faite jeudi par le Premier ministre de porter le Salaire national minimum garanti (SNMG) de 12 000 DA à 15 000 DA n'a pas suscité le grand enthousiasme attendu au sein des rangs des principaux syndicats autonomes du pays. La raison de cet accueil froid est toute simple. Les leaders de ces structures syndicales exclues de toutes les négociations sociales malgré leur représentativité pensent que l'augmentation, révélée en grande pompe par les participants à la 13e réunion tripartite qui a regroupé, deux jours durant, les représentants du gouvernement, les responsables de l'UGTA et le patronat public et privé, ne sera pas suffisante pour réhabiliter de façon substantielle le pouvoir d'achat des travailleurs. De manière imagée, les syndicalistes comparent la solution apportée par la tripartite à la grave érosion connue par le pouvoir d'achat ces dernières années à un médecin qui tenterait de persuader son patient atteint d'un cancer qu'il peut guérir rien qu'en ingurgitant des cachets d'aspirine. Et les critiques formulées à l'encontre des acteurs de la tripartite ne sont pas sans fondement ni trop exagérées. L'augmentation rachitique concédée par les pouvoirs publics – qui, faut-il le préciser, sera imposable – ne permettra pas en effet de rendre plus supportables les effets dévastateurs de l'inflation galopante connue ces derniers mois (celle-ci est actuellement de 5,5%) et de la dépréciation non déclarée mais bien réelle de notre monnaie nationale. Ajouté à cela, il ne faudrait sans doute pas perdre de vue que cette augmentation du SNMG que l'UGTA présente comme un trophée de guerre ne profitera qu'à une petite minorité de salariés. Or, le problème qui se pose est le suivant : la grande majorité des travailleurs perçoit un salaire supérieur au SNMG. Mais supérieur seulement de quelques milliers de dinars. Et l'attente dans la société était justement qu'il y ait un réajustement du SNMG de telle sorte à élargir la base des heureux. La véritable révolution aurait été que la tripartite annonce, par exemple aussi, l'abrogation du très injuste article 87 bis du code du travail qui oblige à inclure, dans le calcul du SNMG, les primes et les indemnités de toute nature. Là, les syndicats autonomes auraient certainement sablé le champagne et n'auraient certainement pas cherché également à « embêter » le gouvernement durant de très longs mois. Mais ce n'est pas le cas ! Il ne s'agit pas, ici, d'être rabat-joie. Dans le fond, une augmentation est toujours bonne à prendre, surtout quand celle-ci profite aux couches les plus défavorisées. Seulement, il est difficile de voir dans les résultats de la tripartite autre chose qu'une somme de mesures de replâtrage qui devraient très vite montrer leurs limites sur le terrain. En témoigne déjà le retour d'écoute dubitatif, pour ne pas dire négatif, des syndicats autonomes. Dans cette opération, le gouvernement a donné beaucoup plus l'impression de vouloir honorer une promesse (celle faite précisément par le président Bouteflika lors de la dernière campagne présidentielle d'augmenter les salaires) de ravaler la façade d'une UGTA dont la cote a considérablement baissé auprès des travailleurs en lui tendant comme d'habitude une perche et de tenter, dans la mesure du possible, de calmer un front social de plus en plus bouillonnant. Le gouvernement avait-il la possibilité d'agir autrement et d'aller dans le sens des revendications des travailleurs ? Le contexte économique mondial marqué par la crise, la pression des patrons qui ne veulent pas de salaires trop élevés et le fléchissement des prix du brut recommandaient certainement un minimum de prudence et une habileté à manœuvrer. Mais la situation n'est pas aussi grave au point d'imposer des augmentations en trompe-l'œil. Il faudra expliquer tout cela au citoyen qui passe son temps à entendre dire que les caisses de l'Etat sont pleines.