Un film sur les moines assassinés de Tibhirine est en cours de tournage. Il sera sur les écrans l'année prochaine, alimentant de nouveau la chronique sur l'un des événements sanglants de la décennie noire, qui, avec le massacre de Bentalha, a fait le tour du monde de l'émotion. Lyon De notre correspondant Un film sur Tibhirine est en cours de tournage au Maroc par Xavier Beauvois. Les trois personnalités fortes du monastère seront incarnées par des acteurs de premier plan. Lambert Wilson (l'abbé Pierre dans Un Hiver 54) interprétera Christian de Chergé, le supérieur du monastère. Olivier Rabourdin (le policier du film Welcome) se mettra dans la peau de Christophe Lebreton, et Michaël Lonsdale jouera le doyen des sept moines, Luc Dochier, médecin, présent dans le monastère depuis le début des années 50. A lui seul, il y aura vécu la guerre de Libération nationale, et, cinquante ans plus tard, les événements terroristes des années 90. Le scénariste, Etienne Comar, a concentré une tranche de vie des moines entre 1993 et mars 1996, lors de leur enlèvement, puis leur assassinat en mai 1996. Cet événement avait suscité, à l'époque, une vive émotion en Algérie, mais aussi en France où les moines qui ont fait vœu de se retirer du monde et de vivre dans la prière représentent une réelle réserve spirituelle. Pour s'en faire une idée, il n' y a qu'à voir les visiteurs qui se rendent chaque week-end au monastère trappiste d'Aiguebelle (Drôme), dans le sud de la France. Ce monastère, qui est la maison mère de Tibhirine, trappe algérienne créée dans les années 30, a, bien sûr, été consulté sur le projet. Comme toujours, par la voix de leur père supérieur, la circonspection a été de mise. La même démarche a été effectuée à Tamié, autre monastère trappiste, en Savoie, avec la même retenue. Selon nos informations, des remarques ont été avancées sur le premier scénario présenté. Même cas de figure pour les familles des moines qui, à défaut de pouvoir demander que le film ne se fasse pas, ont proposé de substantielles corrections. Elles craignent l'image que le film donnera des frères assassinés, en contraction avec leur réserve naturelle de moines. Comme c'est une fiction, nul tiers ne peut s'opposer à la réalisation, ce qui aurait par contre été possible juridiquement pour un documentaire. Mais Etienne Comar, pour verrouiller la rédaction du scénario, s'est appuyé sur les ouvrages écrits sur la question, dont Passion pour l'Algérie de John Kiser. Son traducteur de l'américain, Henry Quinson, a été recruté comme conseiller technique. Homme de conviction, il est proche de l'Algérie (lire son livre Moine dans la cité paru en 2006) des familles et des moines trappistes. Ancien trader pour des grandes banques, il a tout plaqué pour devenir lui-même moine avant de fonder à Marseille une fraternité au milieu d'un quartier où est concentrée une forte population musulmane. Why not production, la société qui produit le film, a, en 24 ans d'existence, de beaux succès au compteur dont le tout dernier, Le Prophète, de Jacques Audiard, et Samson et Dalilah, Caméra d'or à Cannes 2009 qui sort cette semaine sur les écrans français. 19 religieux chrétiens assassinés en Algérie entre 1994 et 1996 En mars 1996, sept moines étaient enlevés à Tibhirine, dans leur monastère près de Médéa. Leur assassinat, en mai, venait s'ajouter au meurtre de 11 religieux chrétiens depuis le mois de mai 1994. La liste macabre s'était ouverte avec la liquidation, dans leur bibliothèque de La Casbah de Paul Vergès et Paule-Hélène Saint-Raymond, puis en octobre 1994, d'Esther Paniaga et Caridad Maria. En décembre de la même année, après l'affaire du détournement de l'Airbus d'Air France, quatre Pères Blancs étaient assassinés à Tizi Ouzou. En septembre 1995, ce sont deux sœurs qui périrent à Alger : Denis Leclerc et Jeanne Littlejohn et enfin, en novembre 1995, Odette Prévost, à Kouba. Après les moines, c'est l'évêque d'Oran, Pierre Claverie qui sera assassiné à Oran en août 1996.