Osman Bechikh est mort et bien mort, il nous a quittés en ce mercredi 22 mars au lendemain de ce nouveau printemps 2014. Os, il faut ici prononcer et le o et le s, a été non seulement un précieux collaborateur intelligent et actif à la Cinémathèque algérienne, mais aussi un ami fidèle et loyal pendant plus de trente ans. Il a participé avec efficacité, succès et un engagement total au développement et au rayonnement de notre institution ici et ailleurs. Quelques faits marquants qui nous reviennent en tête diront avec précision et de façon juste et le personnage et l'homme. Tout d'abord sa participation dans l'équipe de la Cinémathèque qui a organisé six éditions du Festival national du cinéma amateur, et nous disons bien et soulignons encore une fois le mot cinéma, qui nous ont permis de découvrir de nombreux cinéastes et des vrais. Lors de son enterrement au cimetière d'El Madania, l'un d'entre eux, Kaci, toujours présent, généreux en permanence, nous a raconté avec émotion, les larmes et dans ses yeux et dans les nôtres, un petit événement vécu avec Osman qu'il n'oubliera jamais : «C'est à Tlemcen pour la quatrième session du festival, où nous étions logés comme des princes, un par chambre, dans le nouvel et magnifique hôtel des Zianides, Osman m'a vu entrer à l'hôtel avec un minable sac en plastique noir à la main, il m'interpella discrètement pour me dire à voix basse et tout aussi discrètement : ‘‘Ecoute-moi, toi qui es beau et jeune, artiste, et qui habite un superbe 5 étoiles, s'il te plaît ne te dégrade pas en te baladant avec un sac aussi moche''.» Os nous a toujours accompagnés dans plusieurs villes du pays à la rencontre des autorités pour l'ouverture de nouvelles salles de répertoire. Toujours élégant et bien mis, la barbe bien rasée et les cheveux noirs bien coiffés, il a souvent été accueilli comme le responsable de notre établissement. Avec tact et humour, il a toujours su et rapidement rétablir la situation et il arrivait même à créer une ambiance sympathique, ce qui nous facilitait beaucoup la tâche dans nos négociations. Nous avons vécu et vérifié cette dimension de son caractère à l'occasion du tournage à Miliana du film Premier pas, de Mohamed Bouamari, film dans lequel nous avons joué tous les deux, tant il était apprécié et aimé par tous les autres artistes, ainsi que tous les techniciens. Lorsque nous nous retrouvions le soir dans la belle et historique maison des mines de cette ville, tout le monde voulait goûter les succulents et épicés mets qu'il préparait avec soin et adresse, lui le gaucher et maître-cuisinier. Précisons ici que notre ami a fréquenté dans son adolescence la légendaire école hôtelière de Ben Aknoun. A la Cinémathèque où il était aussi chargé de recevoir et de prendre en charge les nombreux cinéastes et critiques qui aimaient tant débarquer chez nous, il a fait des miracles et réussi des merveilles. Nous n'oublierons jamais le séjour du grand cinéaste marseillais René Allio, trop soucieux et trop prudent à son arrivée et qui nous avoua le jour de son départ : «Tu sais, ton Osman m'a fait aimer Alger et j'aimerais y revenir.» Os était en effet gentil et généreux, il avait un sens aigu de la ponctualité et de plus il était d'une grande culture. Lorsqu'il décidait, à la condition qu'il le décide lui-même, de faire découvrir La Casbah à un invité, il fallait vraiment être dans le groupe tant c'était beau. Dans ces cas-là, il portait son Sanghaï avec un tee-shirt blanc. N'oublions pas qu'Os a habité durant de longues années avec de nombreux autres jeunes artistes, filles et garçons qui venaient de rejoindre le TNA à la fin des années 1960 dans une maison close de La Casbah qui avait pour nom Le Sphinx. A l'étranger, de Rotterdam à Tachkent, de Paris à Tunis, de Berlin à Casablanca, il a représenté notre institution et notre cinéma avec succès et efficacité et il a laissé en ces grands festivals des souvenirs impérissables. Enfin, Os était aussi et surtout totalement artiste au cinéma et au théâtre. C'est lui qui nous présenta pour la première fois le fameux Abdelkader Alloula qu'il appelait affectueusement Pabs. Nous ne terminerons pas notre texte sans dire que notre collaborateur et ami était un véritable artiste peintre, domaine dans lequel il faisait équipe avec son compère Aïtou, authentique journaliste et homme de culture qui avait écrit les plus beaux textes libres et audacieux sur les plus beaux restaurants d'Alger des années 80 /90. Lorsque la Cinémathèque regroupa leurs œuvres pour une fort belle exposition à succès, ils étaient tous deux étonnés de voir que des admirateurs désiraient acquérir leurs tableaux et ils répondaient tous deux à l'unisson : «Nous ne peignons pas pour gagner de l'argent, nous aimons l'art et c'est tout.»