Alors que de nombreuses voix, dont les institutions internationales de renommée, tablent sur une reprise de l'économie mondiale en 2010, l'expert français du Centre d'études et de perspectives stratégiques (Paris), Loïc Tribot Laspière estime que la crise n'est pas encore finie. « La crise n'est pas finie. On est sur une relance financière, mais pas sur une relance économique », a-t-il affirmé lors d'un séminaire sur « La crise financière et son impact sur les économies d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient », organisé à l'hôtel El Aurassi par l'université d'Alger. « Ce sont, en effet, des signes très préoccupants qui sont envoyés par une partie de la communauté financière comme si les leçons de la crise n'avaient pas été retenues », a-t-il fait valoir. Maintenant que la tempête est passée, certains font la fine bouche concernant les engagements pris pour améliorer la régulation des marchés financiers, a-t-il signifié. « Certaines voix en arrivent même à s'interroger sur l'intérêt et la nécessité d'élaborer désormais une réglementation financière internationale. On peut vraiment se poser la question : le temps financier serait-il déconnecté du temps économique ? », note M. Tribot Laspière. D'après lui, « les acteurs financiers ont une perception des faits différente de celle des entrepreneurs, des salariés, des partenaires sociaux ou des consommateurs ». « Une partie du secteur financier serait-elle atteinte de ce mal rare et grave qui s'appelle l'autopersuasion, une forme dérivée de l'autisme ! », s'est-il interrogé. Pour lui, les spécialistes du monde de la finance font fi des graves séquelles de la crise. De nombreux constats ne prêtent pas à l'optimisme. Il en est ainsi des dernières estimations de l'OCDE qui démontrent que les échanges mondiaux de marchandises, sur la période septembre 2008-mai 2009, ont chuté de 38%. Jamais dans l'histoire ne s'était produite une chute aussi forte et aussi soudaine, même lors de la grande dépression des années 1930. Un autre signe de la persistance de la crise est lié au nombre de fermetures d'entreprises (faillites, délocalisations, etc.) qui, depuis un an, ne cesse de progresser. M. Tribot Laspière relève par ailleurs que « la courbe du chômage n'a pas diminué, loin s'en faut. Depuis le début de la crise, 15 millions de personnes ont été frappées par le chômage (période fin septembre 2007-2009) dans la zone OCDE. Et selon un très récent rapport de cette organisation, le nombre de personnes touchées par les licenciements devrait atteindre, d'ici fin 2010, 25 millions de personnes ». « Les fondamentaux de nos économies ont été fortement ébranlés, particulièrement dans les pays de la zone OCDE », constate le conférencier. La crise qui a frappé Dubaï est, d'après lui, la preuve que le plus dur n'est pas encore passé. Les déboires de cette région émiratie « nous rappellent, s'il le fallait, que le chapitre des spéculations et des effondrements financiers n'est certainement pas clos », estime l'expert. Il souligne en outre que l'Afrique n'a pas été épargnée par la crise, qui s'est traduite par une chute d'environ 30% de la demande de matières premières.