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Le gouvernement et le plan de la dernière chance
Publié dans El Watan le 21 - 04 - 2014

L'Algérie est à la croisée des chemins la plus dangereuse depuis son indépendance. Des défis économiques et politiques sans commune mesure nous attendent. Jusqu'à présent, les différents errements politiques et économiques nous ont coûté trop cher : une guerre civile et une économie hors hydrocarbures atrophiée, loin de produire la richesse et le développement attendus par les citoyens. Nous pouvions nous permettre de faire des erreurs dans le passé. Les problèmes qui en résultaient pouvaient, en partie, être tempérés par la redistribution directe ou indirecte d'une partie de la rente pétrolière. Mais de très graves incertitudes pèsent sur cette dernière. Personne ne pourra dire ce que seront nos recettes d'ici trois à cinq ans, alors que nous compterons 50 millions d'habitants en l'an 2025. Nous sommes en période charnière.
Aujourd'hui, tout le monde s'en lave les mains en laissant les décideurs porter seuls le chapeau d'un échec certain de leur politique économique. Au début des années 2000, lorsque les pouvoirs publics annonçaient leur intention de procéder à une série de plans de relance par la modernisation des infrastructures, tout le monde applaudissait. Les syndicats, le patronat, les ONG, les laboratoires de recherche et les experts disaient tous en chœur : «C'est ce qu'il nous fallait». Il faut avoir le courage de dire que l'on s'est trompé tous ensemble. Nous sommes tous responsables de l'erreur (même si j'étais l'un des rares à dire que nous faisions une grossière erreur). Souvenez-vous, c'était l'ère de «Keynes superstar ». Alors assumons tous l'erreur et voyons ensemble comment faire pour éviter d'en faire d'autres. Nous faisons face à la «Décennie de la dernière chance».
Quelles réformes politiques ?
Je ne vais pas trop m'aventurer dans cette direction parce que je considère qu'il y a des gens beaucoup plus compétents que moi en sciences politiques pour nous proposer des pistes de solution. J'ai quelques idées sur la question, mais je ne peux pas en être aussi sûr que dans le domaine économique. Je suis tout à fait d'accord avec les voix de sagesse qui se sont élevées pour réclamer un gouvernement d'unité et de transition nationale. Les dangers géostratégiques et économiques sont tels qu'un gouvernement d'un nombre limité de partis, d'un clan ou d'une quelconque origine qui pratiquerait l'exclusion mettrait l'avenir du pays en péril ; en même temps que ses propres intérêts. Les récents développements des pays arabes ont surpris aussi bien les analystes que les pouvoirs en place qui croyaient avoir domestiqué la situation une bonne fois pour toutes. Seules des attitudes d'humilité, de modestie et de sagesse peuvent nous garantir une sortie de crise gagnant-gagnant.
Les futurs débats politiques et économiques en Algérie vont se focaliser sur les cas de corruption. Il est relativement facile de mettre en place des dispositions techniques pour éradiquer la corruption. Mais le processus décisionnel est politique. Lorsque les mécanismes de marché jouent à fond, les procédures de transparence conçues et appliquées, la participation aux processus de contrôle élargie (aux associations, à la presse etc.), le phénomène sera marginal.
Les Italiens viennent de nous fournir une piste intéressante. Ils ont permis à leurs citoyens, auteurs de transfert illicites de ressources financières, de les rapatrier d'une manière anonyme et dans un délai fixé ; faute de quoi les dispositions légales vont leur être appliquées et ils seraient poursuivis dans tous les pays du monde. Le Trésor italien a récupéré des dizaines de milliards de dollars. Nous avons d'autres pistes également prometteuses.
Le programme économique de la dernière chance
Mais l'avenir le plus important va se jouer durant les prochaines semaines dans le domaine économique. Nous avions fait une quantité impressionnante d'erreurs depuis notre indépendance. Mais on avait des ressources et du temps pour les financer. Cette possibilité est très probablement révolue. Nous sommes sûrs d'avoir 5 à 7 ans de financement du plan (2015-2019) de la dernière chance. Passé ce délai, nous jouons aux dés avec l'avenir du pays et du peuple. Dans mon dernier ouvrage (La décennie de la dernière chance : Emergence ou Déchéance de l'économie algérienne), j'ai donné toutes les solutions pour échapper à la déchéance et aller vers l'émergence.
Ici, je ne fais que résumer les solutions qui sont tirées de la science et des expériences des pays qui ont réussi, tout en prenant en considération le modèle culturel national. Le programme doit comprendre les éléments suivants :
– consacrer 100 à 120 milliards de dollars pour «mettre à niveau les cerveaux». Nous avons besoin d'un plan Marshall de modernisation du système éducatif et du recyclage des opérationnels ;
– réorganiser l'Etat pour créer une «Institution cerveau» qui dialogue avec l'ensemble des acteurs et transforme les objectifs politiques en plans stratégiques d'émergence et de développement (genre institut coréen de développement) ;
– moderniser le management des administrations et des entreprises, créer les industries du savoir, les centres de recherche et développement, les bases de données, les simulateurs et tous les outils de l'économie du savoir ;
– diversifier l'économie (agriculture, tourisme, industries, services…) par un meilleur climat des affaires, libérer les initiatives et faire prévaloir les atouts concurrentiels dont on dispose ;
– décentraliser le développement. Après qualification des ressources humaines, nous devons avoir des plans de développement. Utiliser 25 à 35% des ressources pour le développement des infrastructures et surtout finaliser ceux entamés.
Si nous allons dans ces directions, on ne voit pas comment on va échouer. Mais si le prochain plan tablera surtout sur 2 millions de logements, une autre autoroute et diverses infrastructures, sachez qu'on va droit vers la déchéance. L'Inde est un pays qui a des infrastructures très obsolètes (par rapport aux nôtres). Son choix s'est porté sur le développement des cerveaux humains (universités, centres de recherches, ingénierie, etc.). Le pays émerge. Allons-nous finalement comprendre qu'aucun pays dans le monde ne s'est jamais développé avec des cerveaux sous-développés ?


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