On connaît mieux désormais la silhouette frêle et le regard triste de cette femme qui a entamé son vingt-troisième jour de grève de la faim dans le hall d'une aérogare des îles Canaries. Depuis sa natte étendue à même le sol, Aminatou Haïdar proteste, au péril de sa vie, contre l'arbitraire des autorités marocaines d'occupation qui l'empêchent de rejoindre ses enfants à Laâyoune, après lui avoir confisqué son passeport et l'avoir refoulée vers l'aéroport d'où elle avait embarqué pour rejoindre son domicile familial, dans la capitale sahraouie. Il y a quatre ans, ce même visage mélancolique, tuméfié, ensanglanté de femme torturée, violentée par la soldatesque marocaine, avait fait la une des journaux en Espagne, au Maghreb et dans certains pays d'Europe. Accusée d'avoir organisé des manifestations anti-marocaines dans la capitale sahraouie, elle avait subi les pires sévices et châtiments corporels, ordonnés et supervisés par des officiers et des hauts responsables de l'administration d'occupation. Depuis plus de trois semaines, cette femme en apparence fragile tient tête au palais royal marocain, déterminée à faire plier les autorités d'occupation et ne ménage pas pour autant le gouvernement espagnol de José Luis Zapatero qu'elle accuse d'avoir été conciliant avec le Maroc et d'exercer des pressions sur elle plutôt que sur les autorités de Rabat et demander la restitution de son passeport et le droit de pouvoir embarquer à destination de Laâyoune. La détermination de cette mère de famille de 42 ans, au-delà du fait qu'elle aura été à l'origine d'une crispation diplomatique entre Madrid et Rabat, a le mérite de rappeler à l'opinion internationale et aux opinions des pays directement concernés que la question sahraouie est toujours d'actualité et que l'attitude attentiste du gouvernement espagnol de M. Zapatero n'arrange en rien l'avancée vers une issue conforme aux résolutions de l'ONU et laisse croire au Maroc qu'il peut encore gagner du temps. Donc tout porte à croire que Mme Haïder ne cédera pas en dépit des pressions qu'elle subit et de l'entêtement marocain, qui n'est pas sans rappeler celui de Margaret Thatcher face à l'acte désespéré de Bobby Sands, ce militant républicain irlandais mort après 66 jours de grève de la faim à la prison de Maze, en Irlande du Nord. Après l'annonce de son décès, la Dame de fer, sans la moindre compassion, le moindre regret, a eu cette réflexion : « M. Sands a choisi de s'ôter la vie, l'organisation à laquelle il appartient ne lui a pas laissé d'autre choix. » Une façon de dire tant pis pour lui. Cette pire éventualité à laquelle personne ne préfère penser met d'ores et déjà l'Espagne dans une position inconfortable, sans pour autant pousser les autorités de Madrid à faire pression sur Rabat en vue du règlement du cas de Mme Haïdar qui les obligerait à aller encore plus loin et prendre un peu plus de distance vis-à-vis de la politique marocaine à l'égard du Sahara occidental et des populations qui y vivent. Le Front Polisario a le mérite de la clarté et prévient que le décès d'Aminatou pousserait vers une radicalisation de la lutte du peuple sahraoui. Ce qui ne diminue en rien de l'inquiétude générale suscitée par l'affaire Amitou Haïdar et ses futures répercussions.