Un Français sur quatre a voté Front National, près de trois Français sur quatre pensent qu'il y a trop de musulmans en France. Longtemps honteux, le vote FN est assumé publiquement. La gauche a longtemps considéré que le vote «musulman», ou des jeunes issus de l'immigration, euphémisme pour décrire ces Français à part, qui ne le seront jamais assez pour une bonne partie de la classe politique, lui est acquis. Ces Français «maghrébins» ont souvent donné leurs voix au Parti socialiste, près de 86% pour François Hollande lors de la dernière présidentielle. Et depuis, il n'y a que les cadres du PS qui ne l'ont pas compris, le divorce est consommé. Le report sine die du vote des étrangers aux élections locales a créé une cassure. Un point de rupture. Et quand la confiance est rompue, plus aucune promesse ne comblera le fossé qui sépare désormais le PS de la banlieue. La banlieue qui n'a pas encore digéré que seule la réforme sociétale «Mariage pour tous» soit arrivée à son terme. Le FN en tête à La Courneuve, ce qui relevait de l'impossible est arrivé. François Hollande, après François Mitterrand, a pris de la distance avec ses promesses de campagne électorale. La veille de l'élection européenne, avec une rare maladresse, le premier secrétaire du PS promettait de relancer le vote des étrangers en septembre. Double échec : il a remobilisé l'électorat du FN, qui n'en avait pas besoin, et fait fuir ceux qui avaient cru en un changement politique, blasés par les promesses jamais tenues. Le temps est arrivé que gauche et droite disent clairement quelle est la place de ces jeunes (éternels jeunes, de 3e ou 4e génération) en France. Sont-ils Français ? Un peu, beaucoup ou pas du tout. Le grand malentendu doit être levé. Pour reprendre l'expression d'un élu du 93 : «Nous en avons marre d'être les bâtards de la République. On nous sort pour les photos Benetton et on s'empresse de nous oublier dans notre coin, comme ces enfants honteux du XVIIIe siècle.» La France leur doit la vérité. D'ici là, ils continueront à bouder les urnes. Au risque de faire élire le pire parti politique, définitivement antimusulmans. Celui qui ne cache pas le peu de considération qu'il a à leur égard.