Tendance ■ «Le FN, pourquoi pas ? On ne l'a pas essayé». Longtemps boudée par la France rurale, l'extrême droite creuse désormais l'écart, en prospérant, de l'aveu même de ses adversaires... Depuis dix ans, le Front national (FN) a triplé son score, et cette tendance s'est affirmée après l'élection, en 2012, du président socialiste François Hollande. Déjà à plus de 27 % en 2012, le parti de Marine Le Pen a dépassé les 45 % aux européennes l'an passé. Son objectif : transformer l'essai lors d'un scrutin départemental les 22 et 29 mars. En tête des intentions de vote (30 %) à l'échelle du pays, le FN espère conquérir l'Aisne, le département local, symbole d'une France «périphérique» à l'écart des grandes villes. A l'approche d'élections locales qui s'annoncent triomphales pour le parti de Marine Le Pen, dissensions et désarroi règnent au sein de la gauche au pouvoir comme de l'opposition de droite. Le Front national, en tête de tous les sondages pour le premier tour du scrutin destiné à renouveler les conseils départementaux, domine comme n'a jamais dominé le jeu politique, au point que le Premier ministre, Manuel Valls, a récemment exprimé sa «peur» d'une victoire de la candidate populiste à la présidentielle de 2017 et mis en garde contre un parti qui «mènerait le pays à la ruine». Un vif incident l'a opposé au cours du mois à l'Assemblée nationale à la députée FN Marion Maréchal-Le Pen. A la jeune femme, nièce de Marine et étoile montante du parti, qui brocardait son «mépris crétin» pour les électeurs du FN et ses «leçons de République», Manuel Valls a répondu avec emportement. «Vous trompez les petites gens», a-t-il lancé. «Jusqu'au bout je mènerai campagne pour vous stigmatiser et pour vous dire que vous n'êtes ni la République ni la France». Avec un FN à 30 % d'intentions de vote, les partis politiques traditionnels sont obligés de revoir leurs analyses sur ses électeurs et leurs motivations. Le choix du Premier ministre de taper à bras raccourcis sur l'extrême droite, de dénoncer son «outrance», sa «démagogie» et les propos «antisémites, racistes, homophobes, sexistes» de «dizaines» de candidats, s'explique aussi par l'espoir de mobiliser les électeurs de gauche pour un scrutin menacé par une abstention record. La gauche (socialistes, communistes, écologistes) dirige les trois cinquième des 101 départements français mais pourrait en perdre la majeure partie, tant elle se présente désunie et sans projet porteur, usée par les désillusions engendrées par trois ans de présidence de François Hollande. Le secrétaire national du Parti socialiste Jean-Christophe Cambadélis a déploré une division «incompréhensible» de la gauche, un «suicide politique en direct».