Pour justifier le refus de son département ministériel d'agréer les partis qui en ont fait la demande, Zerhouni, le ministre de l'Intérieur, a eu cette drôle de réponse : « Les dossiers n'étaient pas complets. » En d'autres termes, il manquait soit un extrait de naissance, soit un casier judiciaire, soit une signature légalisée ou tout autre papier administratif dans les dossiers fournis par Sid Ahmed Ghozali, Amara Benyounès et Mohamed Saïd, pour ne citer que ces trois-là, en attente d'un agrément depuis des années. Ces derniers auraient donc versé dans la légèreté la plus totale en ne se conformant pas à la procédure. Soyons sérieux, il n'y a aucun dossier incomplet de partis politiques. Yazid Zerhouni pensait se tirer d'affaire en répondant par une pirouette dont, le moins qu'on puisse dire, est qu'elle frise le ridicule. La réalité est que le ministre n'a pas osé dire la vérité, toute la vérité : le pouvoir politique a clos la parenthèse du multipartisme depuis une dizaine d'années, dès l'accession de Bouteflika au pouvoir. Ne pouvant dissoudre les partis existants, il a fait le choix de fermer la porte à tout nouveau prétendant, y compris à ceux susceptibles d'apporter au régime du soutien ou au moins de le ménager, à l'exemple de L'UDR de Amara Benyounès et du PLG de Mohamed Saïd. A ces derniers, il a fait miroiter, un temps, les possibilités d'un agrément, mais la promesse n'a pas été tenue, de peur, certainement, que soit ouverte une brèche dans laquelle pourraient s'infiltrer des opposants purs et durs. Le pouvoir trouve son compte dans la composition actuelle du champ politique, dominé électoralement par les trois partis de l'Alliance présidentielle que sont le FLN, le RND et le MSP qui lui assurent un soutien sans faille, notamment dans les deux chambres du Parlement. Celui-ci a d'ailleurs fini par devenir une coquille vide à force de se plier aux exigences de l'Exécutif. L'opposition démocratique arrive à peine à faire entendre sa voix au Parlement et dans les institutions étatiques. Outre qu'il bafoue délibérément la Constitution et les textes de loi qui ont institué le multipartisme, le pouvoir bloque le renouvellement de la classe politique sclérosée par le temps et discréditée par ses compromissions. Lors de la qualification des Verts à la Coupe du monde, la jeunesse algérienne a démontré qu'en dépit de tout ce qu'elle a enduré par le passé, son patriotisme est resté intact. Mieux encore, elle a fait voler en éclats tous les clichés réducteurs et dévalorisants. En s'opposant au renouvellement des générations, les gouvernants ne font que fermer la porte à ces jeunes porteurs d'idées nouvelles et d'autres façons de voir le pays et le monde. Il est vrai que le pouvoir n'a jamais reculé devant rien pour maintenir le statu quo politique, mais jusqu'à quand ?