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Ne cachons pas nos différences sous un tapis de prière !
Publié dans El Watan le 26 - 06 - 2014

Malgré des zones d'ombre qui attendent des clarifications, la Conférence pour les libertés et la transition démocratique est un événement majeur. En disputant au pouvoir le monopole de l'initiative pour se regrouper autour d'une table de discussion, les acteurs politiques de diverses tendances, qui se regardaient en chiens de faïence, ont réussi à secouer le statu quo pour dépasser l'impasse du régime et inaugurer de nouvelles traditions politiques. Le pari n'est pas aisé. Contesté dès les premiers jours de l'indépendance, le pouvoir, à travers ses multiples avatars, a toujours réussi à rétablir son équilibre par la ruse, en instrumentalisant à son avantage, souvent dans la violence, les antagonismes idéologiques, et en dressant les uns contre les autres les «extrémistes de tout bord».
Dans les années 1970, Houari Boumediène avait rallié le soutien des progressistes pour promouvoir les «tâches d'édification nationale» contre les réactionnaires. Dans les années 1980, sous Chadli Bendjedid, islamistes et baâthistes avaient joué les auxiliaires de police contre les berbéristes et les militants de gauche. Dans les années 1990, les républicains s'étaient engagés derrière l'armée contre les islamistes. Au début des années 2000, Abdelaziz Bouteflika tentait la synthèse par un étrange défilé de mode entre «la minijupe de Khalida et le kamis de Abassi Madani». A travers une réconciliation frelatée, l'alliance nationale-islamiste finira par révéler son abominable imposture : amnistier les bourreaux, marginaliser les victimes, protéger «Monsieur Hattab» sous les lambris de la République et élever Madani Mezrag au rang de «personnalité nationale».
Pour avoir tenté de reprendre la main et redistribuer les cartes, les initiateurs de la rencontre de Zéralda méritent l'hommage sincère de tous ceux qui gardent l'espoir, même infime, d'une Algérie plurielle, respectueuse des droits et des convictions de tous ses enfants. N'en déplaise aux commissaires politiques qui saluent cette fraternisation en trompe-l'œil comme un «signe de maturité politique» ou la condamnent comme une «trahison morale», islamistes et laïcs n'ont pas renoncé à leurs convictions ni gommé leurs différences, même s'il leur reste à en débattre sur la place publique pour mieux les assumer.
«élections, piège à cons» ?
Au-delà des effets d'annonce, le choc des photos qui signe un incontestable dégel psychologique ne doit pas masquer le poids des mots, dont le flou peut parfois engendrer de tragiques malentendus. En occultant les enjeux essentiels comme des «futilités» vite balayées sous un tapis de prière et en exposant des gadgets accessoires dans la vitrine d'une union de façade, l'embryon de front de l'opposition en formation risque de s'abîmer dans des fantasmes de notables, des combinaisons d'appareils et des ambitions de carrière. Alors que le pays tangue entre la Corée du Nord et la Somalie, des factions claniques en quête de strapontins tentent de reprendre pied en enfermant le débat dans un choix surréaliste : le parlementarisme suédois ou le régime présidentiel des Etats-Unis. Pour conjurer le séisme qui menace les fondations de la maison commune déjà fissurée de toutes parts, on nous propose de discuter des motifs du papier peint, de l'épaisseur de la moquette et de la couleur des rideaux.
Arrêtons de nous voiler la face. Sans la clarification des objectifs, le «changement démocratique» chanté à l'unisson risque de tourner au marché de dupes. S'agit-il, au nom d'une démocratie de comptable réduite à une stupide arithmétique, de préparer les prochaines élections entre gens de bonne compagnie pour offrir au vainqueur la société comme un trophée, et protéger les privilèges acquis d'une opposition Nintendo ? Ou d'approfondir le dialogue pour définir les règles d'une cohabitation pacifique dans une société plurielle apaisée ? Peut-on enfin consacrer les droits du citoyen par la protection de ses libertés, ou continuer à les brider par des interdits au nom des devoirs du croyant ?
En tentant le diable d'un dialogue incertain avec les islamistes après avoir combattu les dérives violentes des plus radicaux, les démocrates savent qu'ils jouent gros. Sans une imparable vigilance pour éviter les coups tordus, la fraternisation en cours risque de virer au baiser de Judas, prélude à une peu glorieuse reddition. Et ce n'est pas en concédant sur l'intrusion, même symbolique, de la religion dans le champ politique, comme l'ouverture de la Conférence de Zéralda par des versets coraniques, qu'ils réussiront leur test d'admission à la table du consensus national et à la respectabilité politique. Car, pour les islamistes et leurs supplétifs médiatiques, la tactique de la ruse et des petits pas tient lieu de stratégie de conquête.
En avançant masqués, en affichant des fraternités factices, en cultivant le flou par des concepts alambiqués, les chantres du «pragmatisme» et de la «fin des idéologies» ne sont, en fin de compte, que les relais de l'idéologie néolibérale mondialisée dans sa version la plus rétrograde, la plus liberticide.
Au cœur de la crise, les libertés
Peut-on préparer l'avenir sans une lecture sereine mais sans complaisance du passé ? Peut-on tourner avec désinvolture la page tragique de la guerre civile comme un «détail de l'histoire» ? Peut-on apaiser les douleurs encore à fleur de peau et cicatriser les plaies toujours à vif en décrétant l'amnésie générale ?
S'il est nécessaire d'exfiltrer les islamistes du face-à-face clandestin avec les officines du pouvoir qui les ont instrumentalisés pour terroriser la société, piéger la démocratie et pérenniser le système, il est temps de les mettre en demeure de sortir du flou des incantations, pour clarifier leurs positions, notamment sur la question des libertés. Alors que le pouvoir déroule le tapis rouge devant des «émirs» apprivoisés, qui revendiquent les râles ultimes de leurs victimes comme des exploits guerriers, l'opposition démocratique ne doit pas reculer devant le débat contradictoire avec les islamistes, y compris les plus radicaux, qui affichent des velléités de dialogue. Non pour servir de prétexte à leur traditionnelle logorrhée victimaire, mais pour sonder cette volonté à dépasser les vieux démons liberticides qu'ils concèdent devant des auditoires «occidentalisés».
Après des années de haine, de sang et de larmes, il est temps de sortir des manœuvres tactiques pour jouer cartes sur table. Au cœur de la crise, les libertés – toutes les libertés – doivent être au centre des débats pour être protégées contre l'arbitraire des gouvernants, même légitimés par les urnes. Entre le respect des libertés – toutes les libertés – et leur violation, il n'y a pas de pénombre ni de demi-mesure. Le statut de la femme exige des lois égalitaires. Les droits des minorités doivent être protégés sans condition. La liberté de conscience, synonyme du droit de chacun de pratiquer le culte de son choix ou de n'en pratiquer aucun, doit être affirmée sans faux-fuyants.
Aucune composante de l'identité nationale plurielle ne doit prétendre à la primauté sur les autres. Refuser d'officialiser tamazight à égalité avec l'arabe relèverait d'une discrimination criminelle. Ce sont là des préalables «naturels» qui ne doivent plus être assignés à résidence dans des programmes partisans, attendant le verdict favorable des urnes pour prétendre à quelque légitimité. Aucune majorité, aussi «écrasante» soit-elle, ne saurait écraser les libertés des autres sans commettre un impardonnable attentat contre la paix civile.
«Dialogue sans exclusive» mais sans hypocrisie
Dans une posture d'arbitre au dessus de la mêlée, des analystes de comptoir, passés des petites lâchetés de jeunesse aux grandes trahisons de la maturité, prêchent déjà la soumission au diktat totalitaire sorti des urnes, au nom des règles d'une démocratie en trompe-l'œil réduite à son expression arithmétique. A défaut d'empêcher le viol des consciences, les citoyens devraient donc abdiquer leurs droits, renoncer à toute forme de résistance, feindre le consentement mutuel et, pourquoi pas, simuler le plaisir ! Il serait illusoire, contreproductif et surtout attentatoire aux libertés de sommer les islamistes d'abdiquer leurs convictions ou de changer leurs «habitudes alimentaires et vestimentaires» avant de s'asseoir à la table du dialogue démocratique. Cela relève de leur vie privée. Dans l'espace public, il faut résister avec la dernière énergie aux fatwas liberticides qu'ils tentent d'imposer au nom de la religion réduite à un code pénal, tenue de camouflage de leurs velléités fascisantes.
Les leçons de l'urne fatale du 26 décembre 1991 n'ont pas été tirées. En voulant trancher par une majorité ce qui devait relever d'un contrat consensuel préalable, les acteurs politiques avaient accepté d'entrer dans une compétition sans règles, persuadés, chacun de leur côté, de rafler la mise. Quelles pouvaient être, en effet, les règles d'un jeu inédit entre une équipe de rugby dont les supporters avaient déjà envahi le terrain, un club de bridge dont les joueurs répugnaient à salir leurs gants blancs et une foultitude de golfeurs qui attendaient l'issue du match pour voler au secours du vainqueur ?
Pour avoir quelque chance de succès, le «dialogue sans exclusive» en cours doit sortir de l'hypocrisie pour dessiner la feuille de route d'une transition ordonnée vers l'avenir : négocier un contrat de cohabitation dans le respect des libertés et des convictions de chacun. Ou se préparer à la fatalité des affrontements du futur que l'on ne pourra conjurer ni par la stratégie de l'autruche ni en chantant des poèmes à la gloire de «segments modernistes» du sérail, plus obnubilés par la sauvegarde de leurs privilèges que par la protection des libertés du citoyen.
La «charte pour la réconciliation nationale» qui a amnistié les bourreaux et imposé le silence à leurs victimes est une monstruosité juridique et un attentat moral contre la société, contre l'histoire, contre l'avenir. L'expérience des pays déchirés par des drames similaires montre qu'il ne saurait y avoir de réconciliation sans justice ni de justice sans vérité. De graves violations des droits de l'homme ont été perpétrées par des agents de l'Etat. Si le terrorisme doit être combattu sans état d'âme avec les armes légales de la République, aucun objectif politique, aucun impératif sécuritaire, aucune barbarie de l'ennemi ne saurait justifier le recours à des moyens intrinsèquement pervers comme la torture, les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées.
Dans le palmarès macabre des crimes contre l'humanité, les islamistes sont loin d'être des enfants de chœur, même si l'arrêt du processus électoral et les dérives de la lutte antiterroriste leur ont offert une confortable posture victimaire.
La tentative d'éradication des intellectuels qui avaient le mauvais goût de ne pas être de leur camp, les viols d'adolescentes, butin de guerre condamnées à l'esclavage sexuel, et les massacres collectifs de civils insoumis ne relèvent pas d'un «détail» que l'on peut absoudre par décret ou dissoudre dans des «fraternités» toxiques.
Solder le passif, prévenir les récidives
Osons regarder la vérité dans le blanc des yeux. De tous les discours prononcés lors de la Conférence de Zéralda, celui d'Oum Aziz, mère de disparu, était le plus émouvant, mais aussi le plus mesuré : «Si nos enfants sont vivants, qu'on nous les rende, même estropiés, mêmes handicapés. S'ils sont morts, qu'on nous rende leurs ossements pour faire notre deuil.» Malgré la douleur toujours vive, elle n'appelle pas à la vengeance mais elle exige la vérité.
Pour sortir des indignations sélectives et des engagements de légionnaire, l'opposition devrait placer les victimes – toutes les victimes – au centre d'un projet alternatif de réconciliation, qui ne pourra s'édifier que sur le socle de la vérité et de la justice. La «commission vérité et justice» a permis à l'Afrique du Sud de panser les blessures et d'aller vers cette société arc-en-ciel rêvée par Nelson Mandela, même si le chemin est encore long et parsemé d'obstacles.
Il faudra écouter davantage Oum Aziz et tant d'autres mères, sœurs et veuves de disparus qui, depuis des années, hantent comme des âmes en peine les rassemblements pacifiques violemment réprimés.Il faudra écouter les familles des victimes du terrorisme islamiste condamnées à supporter les provocations des assassins de leurs proches dans le silence, l'isolement et parfois la culpabilité. Il faudra écouter les mères des 126 victimes du Printemps noir sacrifiées sur l'autel de la haine tribale pour consolider le pacte national-islamiste. Il faudra écouter les Mozabites, stigmatisés pour une double «hérésie», culturelle et religieuse. Il faudra écouter toutes les douleurs encore à vif pour mesurer la détresse d'une société malade que des conciliabules d'appareils ne pourront apaiser.
Solder le passif des années terreur, prévenir les récidives et regarder l'avenir avec confiance passe par un débat recentré sur les libertés, socle d'une société plurielle apaisée. Au-delà des divergences, les hommes et les femmes de conviction doivent se démarquer des intermittents de la démocratie, des faux dévots et des vrais canailles qui, malgré la diversité de leurs tenues de camouflage, sont unis derrière la bannière du sac noir de l'affairisme délinquant qui reste leur véritable patrie, leur unique religion, leur ultime idéologie.


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