Cela semble irrémédiable. Depuis 2 ans, les prix des produits alimentaires sont en augmentation constante. Selon l'enquête d'El Watan Week-End, le couffin hebdomadaire du Ramadhan vous coûte aujourd'hui 1000 DA de plus qu'il y a deux ans. Dans les allées du marché Ali Mellah à Alger, un vendeur de légumes veut rassurer : «Mes laitues ont pris 10% les premiers jours de Ramadhan, mais aujourd'hui même je les remets à 100 DA. L'augmentation dure deux, trois jours. Pas plus». Mais, au final, les prix ne reviennent pas vraiment à la normale. Les responsables eux aussi martèlent que l'augmentation est «due à la consommation abondante». «Les prix sont libres et reflètent l'offre et la demande», a commenté, lundi, le ministre du Commerce, Amara Benyounès, appelant le citoyen à rationaliser sa consommation, d'autant plus, a-t-il poursuivi, que les produits alimentaires sont disponibles en quantités suffisantes et qu'ils sont de bonne qualité. Pourtant, lorsque Sidi Ahmed, 52 ans, vient faire ses courses dans le quartier de Belcourt (Alger) accompagné de 3 de ses enfants, il sait où est sa limite. «Les prix sont un problème pour la famille. J'ai 4 enfants, et 40 000 DA de salaire». Il tient à bout de bras un sachet de plastique noir, dans lequel il y a 3 briques de jus de fruit. «ça, c'est pour 4 jours, un verre pour chaque enfant. Ils n'ont pas le choix, le prix est trop élevé.» Quelques mètres plus loin, une femme et sa fille sont persuadées que la solution viendra du consommateur. «Les gens achètent de tout. Ils ne comparent pas les prix. Il ne faut pas acheter un produit dès qu'on le voit. Si on achète un produit plus cher que sa valeur, alors les commerçants augmenteront tous leurs prix». Il y a deux ans, la fédération algérienne des consommateurs avait appelé au boycott de la viande rouge et des fruits secs pendant le Ramadhan. «Cela n'avait pas vraiment marché», avoue Hocine Menouar. Plafonnement L'Union générale des commerçants et artisans algériens a de son côté proposé mercredi un « plafonnement » des prix des produits alimentaires locaux notamment les fruits et légumes afin de freiner la hausse observée durant le mois de Ramadhan et les fêtes de l'Aïd. «Le plafonnement des prix doit être assorti d›une politique de fixation de la marge bénéficiaire des commerçants afin de permettre aux services de contrôle d›établir les infractions pour un meilleur contrôle du marché», a déclaré le président Salah Souilah. Il estime que l'augmentation des prix des produits alimentaires est due à l'accroissement de la demande mais aussi à la spéculation. L'UGCAA a plaidé en faveur de la réalisation des marchés couverts de proximité pour lesquels «des fonds énormes ont été alloués sans qu'ils ne voient le jour», regrettant l'absence de l'organisation dans les marchés de gros à l'image des marchés de H'tatba et celui de Boufarik ce qui a permis, a-t-il dit, «la prolifération de l'informel». Mais en attendant, de nombreux secteurs sont structurellement incapables de produire plus. Le représentant des distributeurs du lait de la wilaya d'Alger, Amine Belour a affirmé mercredi que le niveau actuel de la production ne pouvait pas satisfaire la demande en cette période. De son côté, le président de l'Union nationale des boulangers, Yousef Kalafat a fait savoir que la commission mixte installée en mars 2013 pour l'évaluation du coût réel de la baguette a démontré que le coût réel d'une baguette était supérieur à son prix de vente. Une semaine, pas plus? Les toiles blanches frappées par le soleil éblouissent les passants. Au pied des colonnes du siège de l'UGTA, sous les stands, une vingtaine d'entreprises sont venues vendre viande, conserves, pâtes ou jus de fruits. Ici, les prix sont moins élevés que dans les commerces, c'est un marché «solidaire». «Nous sommes une entreprise étatique, explique un vendeur de légumes secs. Nous ne payons pas de droits de douanes comme peuvent en payer les entreprises privées, voilà pourquoi nos prix sont plus bas.» Pourtant, dans le stand voisin, une entreprise privée vend 1 kg de smen (beurre rance) 200 DA. «Dans le commerce aujourd'hui, c'est 240 à 250 DA, explique le responsable du service commercial. Pourquoi cette différence de prix ? Parce que nous vendons à prix d'usine et que c'est le même prix toute l'année ; donc, pas de raison d'augmenter. Il faut voir avec les commerçants. Le ministre parle, mais s'il faisait des contrôles stricts tous les jours il n'y aurait pas de trafic». Hocine Menouar, membre de la Fédération algérienne des consommateurs, estime également que le problème vient des commerçants : «Les consommateurs sont en grande partie responsables de la montée des prix. Trois ou quatre jours avant le Ramadhan, il y a une sorte d'affolement généralisé. Ils achètent de la nourriture en quantités excessives et exercent une pression sur le marché. Et certains commerçants en profitent. Heureusement, depuis deux ans, on constate un retour à la normale dès la deuxième semaine.» Le plus grand écart de prix semble se créer entre le marché de gros et les détaillants. «La différence entre prix de gros et prix au détail atteint dans certains cas 100%. Par exemple, la pomme de terre est vendue 25 DA sur les marchés de gros, et 50 DA sur les marchés de proximité», raconte Tahar Hadj Boulenouar, de l'Union générale des commerçants et des artisans. Un vendeur de fruits secs confirme, un peu gêné : «Mes pruneaux ont pris 50 à 80 DA depuis le début de Ramadhan. Je répercute simplement l'augmentation du prix du gros sur mon étal. Mais normalement, ça devrait redescendre la semaine prochaine». Selon Tahar Hadj Boulenouar, l'autre faiblesse de la chaîne de commercialisation concerne le manque de possibilités de stockage des denrées avant leur vente. «Il y a un problème concernant les chambres froides. Leur nombre est trop faible, leur gestion n'est pas satisfaisante. Elles sont pourtant primordiales pour un approvisionnement efficace. Leur multiplication éviterait l'augmentation des prix.»