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La crise de l'été 1962 : Des origines à la fracture, le point de non-retour
Publié dans El Watan le 05 - 07 - 2014

On discuta aussi du statut de la minorité européenne et du sursis de trois ans qui lui était accordé pour faire son choix quant à la nationalité. Tout comme il fut question de la langue française qui devait cohabiter avec la langue arabe, selon le vœu de l'occupant. Enfin, on critiqua fortement les négociateurs pour avoir accepté le statut de la base navale de Mers El Kébir et le nucléaire d'In Ikker, de même qu'il leur fut reproché d'avoir «bradé les richesses pétrolières». Laroussi Khelifa, ingénieur agronome de formation, promu sous-préfet par l'administration française, qui avait rejoint le FLN en 1955 avant de devenir directeur de cabinet de Boussouf et n'était pas membre du CNRA, avait été convié par l'état-major comme expert pétrolier. Il pensait ainsi déstabiliser Dahlab, le rapporteur de la délégation des Rousses. «Vous avez donné le pétrole aux Français», avait-il lancé en direction du ministre des Affaires étrangères.
Pour la petite histoire, il convient de signaler qu'un incident avait opposé les deux hommes lors de la première réunion des Rousses où Laroussi Khelifa assistait Dahlab pour les questions des hydrocarbures. Le MAE du GPRA affirme, à ce propos, qu'«il nous avait fait dire, lors d'une discussion sur ce sujet, des bêtises» ce qui permit à un des négociateurs français de «nous tourner en dérision». Dahlab, qui ne cachait pas sa colère, écrit : «De retour à Tunis, avant de faire quoi que ce soit, je téléphonai à Boussouf dont dépendait Khelifa pour lui dire : ‘‘Je ne veux plus voir Khelifa dans notre délégation, ni auprès de toi. Ni nulle part ailleurs''…»(1) Ceci expliquant cela, le futur ministre du Commerce dans le premier gouvernement Ben Bella (septembre 1962) sera imposé à la réunion du CNRA par les membres de l'EMG, sans doute désireux de relever des concessions qui auraient été faites aux Français. «Au lieu de me fâcher, cette présence m'amusa et décupla mes forces», écrit encore, non sans ironie, Dahlab.(2)
Rédha Malek, citant ce dernier, confirme : «Dahlab se fit ensuite plus explicite.» De leur côté, les Français ont consulté de Gaulle et ont accepté les Accords. «Du fait de l'acceptation de ces Accords par les Français, une remise en cause par nous exigerait une nouvelle politique (…) C'est après mûre réflexion que nous avons pensé à vous présenter ces accords qui substituent la situation de paix à celle de la guerre, sans être un obstacle à la révolution… Le mythe de l'Algérie française est tombé ; celui de Sahara mer africaine est tombé ; de même que le risque de partage dans le Nord est tombé.»
Lakhdar Bentobal, ministre d'Etat et membre de la délégation, met le doigt sur un constat : tout le monde admet, soutient-il, que «la victoire ne sera pas obtenue par les armes… Par conséquent, il est impossible d'aboutir à une indépendance idéale». Pour Krim Belkacem, «notre victoire, c'est que les Français sont acculés à se mettre en face de nous pour négocier. Notre victoire, aussi, c'est la reconnaissance d'un Etat algérien uni sur son territoire comme dans son peuple».(3) Et de rappeler qu'en Indochine, malgré l'éclatante victoire de Diên Biên Phu, le Vietnam a été divisé. En Chine, les nationalistes se sont retirés à Formose, tout comme la Corée a été scindée en deux. On peut également citer le Maroc qui n'a pas récupéré les enclaves de Ceuta et Melilla, jusqu'à ce jour possessions espagnoles. Les négociateurs s'en étaient tenus en fait aux points de rupture qui avaient été fixés dès août 1956, lors du Congrès de la Soummam. La réunion, qui avait été dominée par le duo Abane Ramdane–Larbi Ben M'hidi, avait subordonné toute éventualité de cessez-le-feu à quatre postulats indiscutables :
«1 – Reconnaissance de la nation algérienne indivisible (…).
2 – Reconnaissance de l'indépendance de l'Algérie et de sa souveraineté dans tous les domaines, jusque et y compris la défense nationale et la diplomatie.
3 – Libération de toutes les Algériennes et Algériens emprisonnés, internés ou exilés en raison de leur activité patriotique.
4 – Reconnaissance du FLN comme seul négociateur représentant le peuple algérien et seul habilité en vue de toute négociation (…).»(4)
Le Congrès avait en outre fixé des «points de discussion» comme les «limites du territoire algérien» (y compris le Sahara) ; «la minorité française (sur la base de l'option entre citoyenneté algérienne ou étrangère, pas de régime préférentiel, pas de double citoyenneté algérienne et française)» et, enfin, les «formes d'assistance et de coopération françaises dans les domaines économique, monétaire, social, culturel, etc.»(5)
Des principes infrangibles qui vont guider toute la philosophie du FLN, lequel ne défléchira à aucun moment sa posture, ne serait-ce que d'un iota. Aux heures les plus critiques de son histoire, ces conditions sont restées immuables. Bien plus, son aplomb se radicalisera à mesure que s'est durci le conflit et que les conditions de la lutte devenaient plus âpres et la guerre plus féroce. Cette réunion de février 1962 était en fait chargée d'entériner les propositions qui avaient été avancées de part et d'autre de la table de négociations des Rousses. L'EMG, qui s'est lancé dans une séance de barguignage, s'en tiendra à ses positions d'avant la réunion.
C'est donc à «l'unanimité moins quatre voix – les trois de l'état-major : Boumediène, Kaïd, Mendjeli auxquels s'est joint le commandant Mokhtar Bouyizzem (Si Nacer) de la Wilaya 5 (Oranie) – que le CNRA adopte le texte de document qui lui a été soumis aux négociations, qui sera connu sous le nom de ‘Accords d'Evian' et dont l'accord de cessez-le-feu constitue le préalable», écrit le deuxième président du GPRA, Benyoucef Benkhedda qui avait reçu procuration des cinq détenus d'Aulnoy de voter en leur nom en faveur des Accords.
Après cette session du CNRA, le fossé entre l'EMG et le GPRA va se creuser d'avantage. A la reprise des négociations à Evian, le 7 mars, l'EMG ne désignera pas de représentant, c'est le commandant Ben Mostefa Benaouda, membre du groupe des «22» (1954), puis du CNRA (1957) et avait appartenu au COM-Est (1958), qui représentera l'ALN.
Peu de modifications avaient été apportées au texte des Accords. Il s'agissait surtout de peaufinage et de précisions des positions des deux parties. Le 18 mars 1962 au soir, Krim Belkacem, qui avait ouvert le premier maquis de Kabylie en 1948, appose sa signature au bas du document qui met fin à la domination française en Algérie et à une guerre meurtrière qui a duré dans les faits 132 ans. Mais, ainsi que le proclamaient les responsables du FLN, «le cessez-le-feu n'est pas la paix et la paix n'est pas l'indépendance». Rien n'était plus vrai car la mort continuera de sévir.
L'OAS, excroissance diabolique d'une armée en phase de dégénérescence, va semer la terreur particulièrement dans les grandes agglomérations, mais pas seulement. L'armée française, qui s'enorgueillissait de son caractère républicain, avait sérieusement été ébranlée par son passé récent. Défaite en 1940 par les troupes nazies, elle ne s'était pas vraiment remise de sa débâcle qu'elle s'embourbait dans les rizières d'Indochine. Face aux combattants d'Ho Chi Minh et de Vo Nguyen Giap, elle mordra la poussière, de nouveau, dans la cuvette de Diên Biên Phu en 1954. La capitulation sera consacrée par les Accords de Genève, avec l'indépendance du Vietnam. Elle accroîtra considérablement l'amertume des troupes qui seront convoyées en Algérie quelques mois seulement après. Une armée meurtrie qui n'avait «pas gagné une guerre depuis Napoléon», comme le rappelait ironiquement le général américain William Westmoreland (1914 – 2005), ancien commandant des forces armées US au Vietnam (1964 – 1968).
Comme elle imposera de Gaulle, lors de la kermesse du 13 mai 1958, l'armée se soulèvera contre lui dans une tentative de putsch (21 au 25 avril 1961). Désespéré, celui qui avait rendu leur dignité aux Français en juin 1940, lancera un pathétique «Français, Françaises, aidez-moi !»
La folie meurtrière de l'OAS sera déterminante pour le devenir de toute la communauté d'origine européenne ou de confession judaïque en Algérie. Les brandons de discorde allumés depuis longtemps, qui couvaient plus qu'ils ne brûlaient, comme un feu de racines de bruyère, vont se réveiller à ce CNRA de février qui passe presqu'inaperçu et n'a pas encore livré tous ses secrets.
En marge de ces luttes qui dévoileront leurs desseins graduellement, comme une photographie sous l'effet chimique du produit révélateur, d'autres manœuvres vont amener les antagonistes de ce go à apparaître au grand jour. A l'issue du CNRA qui s'est tenu du 27 mai au 7 juin, toujours dans la salle en fer à cheval du Parlement du royaume de Libye, la direction est plus que jamais divisée.
L'Algérie et les vaillants artisans de son indépendance entreront en politique. Naturelles ou étonnantes, les alliances se scelleront autour d'un objectif, un seul : le pouvoir. A la différence du jeu où un match peut être nul, en politique comme en guerre, l'issue est inéluctable : il y a toujours un vainqueur et un vaincu. Un professeur m'a enseigné que la radicalité l'emporte toujours.


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