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Zerhouni oui, Bouhired non…
Publié dans El Watan le 17 - 12 - 2009

L'affaire de Djamila Bouhired fait grand bruit dans toute l'Algérie et c'est Noureddine Zerhouni qui a, encore une fois, les faveurs de l'Unique même quand il s'exprime sur les ondes de la Chaîne III. L'icône de la Révolution algérienne n'a apparemment pas le droit de venir exposer aux Algériens la situation sociale dans laquelle elle se trouve, tandis que le ministre de l'Intérieur a toute la latitude de venir donner, bien que tardivement, son avis sur le référendum suisse portant sur l'interdiction de la construction de minarets, une frasque qui a suscité, rappelons-le, un vaste mouvement de réprobation dans le monde. Une question d'abord qui nous trotte à l'esprit : pourquoi c'est le ministre de l'Intérieur et non pas, par exemple, le chef de la diplomatie qui réagit politiquement à cette décision helvétique condamnée unanimement dans le monde arabe et musulman, et pourquoi monter aujourd'hui de façon aussi franche au créneau alors que le référendum a eu lieu fin novembre ?
Ce n'est pas, en fait, le contenu du message de Zerhouni qui est mis en cause – ce dernier ayant trouvé, il est vrai, les mots justes pour affirmer que le vote suisse « n'était pas opportun » et qu'il pouvait par conséquent, tout comme d'ailleurs le débat en France sur l'identité nationale, « donner des arguments aux extrémistes pour se manifester » – c'est surtout le caractère pour le moins ambigu de l'intervention du ministre qui reste à décoder si tant est que le pouvoir algérien s'est toujours gardé d'éviter les commentaires publics qui risquent de dépasser les limites de la bienséance diplomatique. On l'a vu tout récemment avec le conflit Alger-Le Caire : ni Zerhouni ni un autre membre de l'Exécutif n'ont jugé utile d'aller aussi loin dans la dénonciation du comportement de l'establishment égyptien, alors que c'est l'image de l'Algérie et son honneur qui étaient piétinés.
Autre exemple de la « réserve » algérienne : aucune critique, ni officielle ni officieuse, à propos de l'envoi par le prix Nobel de la paix de 30 000 GI's supplémentaires en Afghanistan pour rétablir la paix. Si l'Algérie est partie prenante dans la lutte internationale contre le terrorisme, elle doit conserver, n'est-ce pas, sa liberté de pensée quand il y a des dérives qui défraient la chronique. Au demeurant, en faisant irruption dans la question sur l'identité nationale utilisée par la majorité parlementaire en France pour sa campagne pour les régionales dans le but évident de séduire les voix du Front national, Zerhouni s'invite dans un débat très complexe qui semble avoir laissé indifférentes, jusque-là, les autorités algériennes, pourtant directement concernées par la présence sur le sol français d'une forte communauté d'émigrés issus de la deuxième génération.
Pour l'invité de la Chaîne III, l'amalgame qui est fait sciemment entre l'Islam et l'identité nationale apporte de l'eau au moulin des extrémismes et des radicalismes, précisant au passage que le développement de l'islamophobie est la conséquence de certaines dérives, notamment le fait d'affirmer qu'une culture est supérieure à une autre. Le doigt est pointé sur le phénomène de l'intolérance religieuse qui prend de l'ampleur dans l'Hexagone et qui affecte davantage la communauté musulmane, alors que pour Zerhouni, ce problème n'existe pas en Algérie, notamment la coexistence de l'Islam avec d'autres religions, une précision qui ne semble pas faire l'unanimité de l'autre côté de la Méditerranée.
Cela dit, les observateurs relèvent que la politique menée actuellement par Sarkozy dans le cadre de l'identité nationale reste très dangereuse pour l'avenir de l'immigration. En ravivant la flamme « lepéniste » pour des calculs électoralistes, l'Elysée met vraiment les pieds dans le plat et on pourrait comprendre alors l'inquiétude légitime pour nos compatriotes sur lesquels risquent de s'abattre les foudres du racisme et de la xénophobie. Les même d'ailleurs subies brutalement par les Algériens vivant en Egypte mais dans un autre contexte et pour lequel nos officiels ne se sont pas trop alarmés. Au nom d'une fraternité séculaire, nous dit-on ! Seulement voilà, il n'y a pas que la voix de Zerhouni dans l'espace de communication, même si le petit écran lui ouvre grand la porte, la fermant à beaucoup d'autres.
Pour le journaliste Arezki Aït Larbi, pourtant, à force de prêcher une normalisation fraternelle à sens unique, cette diplomatie de la guimauve et du loukoum risque de sombrer dans le renoncement, la servilité et la soumission. C'est bien vu et c'est malheureusement une réalité que les garants de notre diplomatie ne peuvent démentir. Silence, on n'a rien à dire… Silence aussi honteux de l'Unique sur le coup de colère de Djamila Bouhired qui est sortie de sa réserve, elle, pour attirer l'attention des Algériens sur le mépris que subissent, comme elle, les moudjahidine de la part du gouvernement. Une de nos figures parmi les plus glorieuses de la Révolution qui se retrouve en train de quémander une prise en charge pour se soigner, c'est vraiment la goutte qui fait déborder le vase. Mme Bouhired ne cherche pas une quelconque publicité. Elle pose en termes crus, à travers elle, le problème des femmes et des hommes qui se sont sacrifiés pour ce pays et qui en retour ont été complètement oubliés, marginalisés. La grande Dame n'a-t-elle pas le droit d'accès à la télévision ?


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