Les élus du Rassemblement national démocratique (RND) ont mis la clé sous le paillasson sur décision de la direction politique du parti en application des engagements du gouvernement sur la mise en œuvre de la plateforme d'El Kseur, précisément l'incidence portant sur la révocation des « indus élus », selon la formulation des archs. Le secrétaire général du parti et chef du gouvernement, M. Ouyahia, avait instruit les structures organiques locales du RND pour concrétiser cet engagement en s'efforçant de trouver les formes avenantes pour ménager à ses élus et à son parti une porte de sortie « honorable ».La démission des élus du Rnd annoncée mardi dans les wilayas de la kabylie a été présentée comme un acte volontaire librement consenti qui résulte d'une conviction et d'une volonté du parti de contribuer à trouver une issue rapide à la crise qui secoue la kabylie depuis près de quatre ans. Il est vain de se demander aujourd'hui pourquoi cette sagesse n'a pas prévalu plus tôt, cela aurait peut-être aidé à une décrispation des relations entre le gouvernement et les archs et à faire avancer plus rapidement le dialogue. On sait tous que dans la gestion de ce dossier le gouvernement n'a fait qu'exécuter des décisions prises, on s'en doute, à un niveau politique le plus élevé de l'Etat. Dans le cas d'espèce du départ des élus exigé par les archs, le Rnd, qui donne l'impression de vouloir donner l'exemple en intimant l'ordre à ses élus de remettre leur mandat, cherche en fait à récupérer à son avantage cette initiative politique qu'il n'a acceptée que contraint et forcé. A travers ce geste, Ouyahia cherche à se réhabiliter dans la région, lui et son parti, en traçant la voie aux autres élus représentant les autres partis politiques pour emboîter le pas au Rnd. Au-delà des dividendes politiques que le secrétaire général du Rnd espère empocher au niveau local en allant le premier au charbon, on l'aura tous compris, ce que recherche Ouyahia, c'est donner le ton par rapport à la mise en œuvre de cette « incidence » pour inciter les autres élus représentant d'autres formations politiques à suivre l'exemple du Rnd. Connaissant les conséquences politiques et constitutionnelles d'une décision de révocation administrative qui serait un acte en totale violation de la loi dans la mesure où il s'agit d'un mandat populaire, l'Exécutif a cru trouver la brèche en réduisant le départ des élus à un acte volontaire émanant des élus eux-mêmes. La décision de mettre fin à leur mandat est politique, mais son exécution est présentée comme étant une initiative personnelle strictement partisane. La décision du Rnd de retirer ses billes des Apc a sans nul doute pris de court tous les autres partis qui ont des représentants dans les Assemblées élues de la Kabylie. Personne ne s'attendait à une telle sortie du Rnd. On attendait un décret, une décision administrative pour formaliser l'engagement politique pris par le gouvernement de mettre fin au mandat des élus de la Kabylie, le lièvre est sorti du chapeau du Rnd. Cette démarche ne semble pas avoir été engagée en concertation avec les autres partis concernés, pas même avec l'autre parti de l'Alliance présidentielle, en l'occurrence le Fln, qui n'a pas encore fait connaître sa décision sur le sujet. La logique de la solidarité de l'Alliance aurait en effet voulu que le Rnd ne fasse rien sans l'assentiment et l'adhésion de son partenaire à l'initiative d'appeler leurs élus à démissionner. Même si on imagine mal le Fln, qui est à présent au cœur du pouvoir avec les derniers développements qu'a connus ce parti, faire de l'obstruction par rapport à cette mesure en refusant de faire rentrer à la maison ses élus, la démarche séparée du Rnd n'est certainement pas de nature à contribuer à vaincre la méfiance, voire la défiance qui caractérisent les relations entre ces deux partis. Une chose est certaine, c'est que si ces deux partis ont ou vont accepter de quitter la table au niveau local, dans les Assemblées élues de la Kabylie où ils n'ont, après tout, pas grand-chose à perdre au regard de leurs poids et de leur niveau de représentation dans ces Assemblées, l'enjeu du Parlement est tout autre. On voit mal ces partis pousser leurs tendances suicidaires jusqu'à appeler à des élections législatives anticipées. D'ailleurs, même les archs ne semblent pas faire de cette revendication un point nodal de leur cahier des charges. La difficulté de la mise en œuvre de l'engagement conclu entre le gouvernement et les archs concernant le départ des élus pourrait provenir, en revanche, des deux autres partis que sont le FFS, qui est le parti majoritaire dans les Assemblées élues de la Kabylie, et le Parti des travailleurs (PT). Ces deux partis, qui avaient déjà fait connaître en son temps leur position sur la question lorsque le contenu de la plateforme d'El Kseur avait été rendu public, persistent et signent. Réagissant à l'annonce de la décision du Rnd d'abandonner leurs sièges, ces deux partis réaffirment haut et fort leur ferme détermination de ne pas abdiquer par rapport à cette revendication des archs qu'ils considèrent anticonstitutionnelle s'agissant d'un mandat d'élu dont le titulaire ne peut être comptable que devant ses électeurs. La tentative du Pouvoir d'accéder à la revendication des archs concernant cette incidence en l'absence d'un consensus avec la classe politique représentée dans ces Assemblées risque de créer une grave crise politique et institutionnelle si le FFS et le PT décident réellement d'aller jusqu'au bout de leurs convictions et volonté de ne rien céder et de ne rien négocier avec personne. Si la solution politique préconisée pour prendre en charge cette revendication des archs ne trouve pas un terrain consensuel en vue de sa mise en œuvre, la démarche du gouvernement ne pourrait pas être perçue autrement que comme un coup de force constitutionnel. Comment l'Exécutif compte-t-il s'y prendre pour régler cette quadrature du cercle ?