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Pour une Algérie républicaine, moderne et sociale
Publié dans El Watan le 12 - 07 - 2014

Jamais l'indépendance du pays n'aura été autant menacée qu'à l'occasion du 52e anniversaire de sa commémoration. Le délabrement général de l'économie a accru la vulnérabilité du pays et aggravé sa dépendance sur tous les plans. Mais ce qui vient de se passer depuis quelques semaines aux confins de la Libye est un fait sans précédent dans la politique extérieure de l'Algérie. Pour la première fois dans son histoire, l'Algérie serait intervenue militairement hors de ses frontières, sous l'œil avisé de puissances étrangères. La communication officielle sur ce sujet est pour le moins opaque.
Grâce à ses moyens et son expérience en matière de lutte contre le terrorisme, l'Algérie aurait pu faire face à la naissance du monstre islamiste. Elle se serait imposée comme puissance régionale et aurait forcé le respect au plan international. Mais force est de constater que le pouvoir a été inconséquent de duplicité dans le traitement du dossier islamiste. Aujourd'hui, les milliers de kilomètres de frontières du pays sont piégées par des groupes djihadistes suréquipés et dotés de moyens ultrasophistiqués. La lutte contre le terrorisme n'est pas exclusivement sécuritaire. Celle-ci exige d'être aussi politique, idéologique, économique et sociale, sinon l'Algérie met en danger son intégrité territoriale et la paix.
Au plan interne, la situation n'est pas florissante. Pourtant, l'Algérie vient de vivre des moments exceptionnels grâce à la brillante prestation de son équipe nationale de football à la Coupe du monde. Cet événement sportif a permis à la société de renouer avec des moments de liesse populaire et de communion nationale inoubliables. Grâce à cette extraordinaire opportunité, l'Algérie et, en particulier, sa jeunesse ont réussi, au grand dam des islamistes, à retrouver un niveau remarquable de convivialité et à reconquérir les espaces de vie désertés à cause du terrorisme. Les manifestations qui se sont emparées de tout le territoire national expriment la volonté farouche d'un peuple d'en découdre avec le marasme ambiant et délivrent un véritable message d'espoir.
Pour autant, est-il permis de dire que l'Algérie est une pépinière de footballeurs ? Ce qui est sûr, en revanche, c'est que lorsque la jeunesse algérienne est investie d'une confiance pleine et entière et dispose de la possibilité de s'exprimer, elle est capable de se transcender pour atteindre les sommets. Mais ne nous voilons pas la face. Au lieu de profiter de cet élan exceptionnel pour mettre en route une véritable politique nationale du sport, le pouvoir l'instrumentalise et tente par tous les moyens de l'indexer à son palmarès. L'arbre d'un succès ne peut, néanmoins, pas cacher la forêt des problèmes gigantesques à résoudre.
L'extension du bazar et la disponibilité des produits de consommation donnent l'illusion de la prospérité, mais ces richesses factices induites par la libéralisation sauvage de l'économie et l'argent frais des pétrodollars ne sont qu'une lubie d'une économie d'«import-import» sans aucune valeur ajoutée. Pour entretenir ce ballon de baudruche, le pouvoir est prêt à souscrire à tous les extrêmes : s'engager sur la voie de l'extraction du gaz de schiste sans en avoir débattu et sans consulter y compris ses propres institutions, quitte à hypothéquer l'avenir des prochaines générations. Ce qui lui permettra de continuer à faire fonctionner la pompe à dollars, l'essentiel pour lui étant de réunir toutes les conditions de sa survie.
En réalité, le pouvoir a poussé l'Algérie dans une impasse historique. La population n'est que la variable d'ajustement d'un système dont le but est l'assujettissement par l'ignorance et la peur afin de tuer dans l'œuf toute revendication démocratique qui viendrait le remettre en cause. Le pays est en proie à la désintégration du tissu social, au chômage massif, à la corruption généralisée, à l'intolérance religieuse, au tribalisme. Et la morsure de la pauvreté a toujours des effets dévastateurs sur de larges couches de la société. Sur les ruines des espérances trahies poussent, aujourd'hui, comme du chiendent, la gabegie et le népotisme. Jusqu'à quand l'Algérie sera-t-elle livrée à la déshérence ?
La compromission de certains partis démocrates avec l'islamisme et le système ajoute à la laideur du tableau.
Hier, les «Sant'Egidiotes» emmenés par le FLN, le FFS et le FIS, se réunissaient à Rome pour livrer à la barbarie un peuple pris en otage. Aujourd'hui, le FFS fait allégeance à un pouvoir qui est non seulement discrédité par les dernières élections, mais qui pousse le grotesque jusqu'à agiter l'épouvantail du FIS tout en recevant officiellement des assassins notoires. Le RCD, quant à lui, organise la réplique de Sant'Egidio à Alger et fait bombance avec ceux qui ont mené le peuple à l'abattoir, organisé le massacre de son élite moderniste, poussé à l'exil son intelligence et détruit les infrastructures du pays.
Ces partis démocrates, toute honte bue, exonèrent de fait les bourreaux de leurs forfaits et leur redonnent du poil de la bête. Après avoir baissé la garde, ils battent en retraite et capitulent devant les minauderies des islamistes. Quel aveuglement ! Qu'espèrent-ils ? Conduire le pays la main dans la main avec un mouvement politique dont le bras armé continue d'y semer la mort et qui, à ce jour, n'a jamais renoncé à la «dawla islamiya» ? L'islamisme est un courant politique fasciste. C'est un mouvement totalitaire, réfractaire par essence aux libertés, à la pluralité et pour tout dire à tout ce qui fait l'humain. N'ont-ils pas été échaudés par le bain de sang dans lequel le terrorisme islamiste a plongé le pays ? N'ont-ils pas tiré les leçons de l'épreuve terrifiante que le pays a traversée ? A moins de considérer que l'islamisme politique agonise.
La réalité, pourtant, dévoile le contraire : l'islamisme politique n'est ni chuchotant ni à moitié souterrain. En Algérie, il a une force de frappe politique et militaire redoutable depuis des décennies, à l'intérieur du pays comme à nos frontières, en Tunisie, en Libye, au Mali, au Niger et en Mauritanie. Au plan international, ses troupes sont aux portes de Baghdad et claironnent le retour du califat. Les voies de solution se rétrécissent, mais cette dérive inadmissible qui, à notre sens, participe plus du calcul politicien que d'une stratégie réfléchie, ne nous éloigne pas pour autant du FFS et du RCD qui, pour nous, sont des alliés naturels. Ils ont toute leur place dans «la famille qui avance». Mais, pour l'instant, celle-ci piétine dans l'émiettement et la désunion. Le camp des démocrates a besoin d'être consolidé plus que jamais par les voies du dialogue et de la concertation.
Tant que la famille des démocrates est désunie, nulle place ne doit être faite à la discussion séparée avec les partis d'obédience islamiste. Le déficit de dialogue est tellement grand au sein de notre camp qu'il doit concerner en toute logique et en priorité les démocrates, exclusivement les démocrates. Unissons-nous, tel est le préalable que nous devons nous imposer pour amorcer une nouvelle page de la vie politique et faire basculer le rapport de forces en faveur du progrès et de la démocratie. Avancer en ordre serré et compact devrait être notre leitmotiv. Avant que le combat ne soit livré, assurons-nous qu'à l'appel ne manque aucune force démocratique.
Le Forum des citoyens pour la IIe République (FCDR), à l'aide de quelques pionniers de la société civile, a pris l'initiative de baliser la voie à une telle convergence. Faisons en sorte de renforcer ce premier cadre rassembleur des démocrates vers lequel devraient converger toutes les forces éprises de liberté et de dignité pour bâtir, ensemble, une transition républicaine et démocratique dont le pays a tant besoin.
Le pouvoir croit pouvoir faire impunément tout ce qu'il entreprend sur la scène politique et a le sentiment grisant d'invulnérabilité de l'éternel gagnant. C'est pourquoi, il se permet de gérer la période post-électorale de la présidentielle de façon cavalière. Il fait miroiter monts et merveilles, notamment l'officialisation de tamazight, la perspective d'une Constitution «révolutionnaire» et avance en trompe-l'œil dans le seul but de se pérenniser. Il n'y a rien de plus dangereux que l'exercice solitaire du pouvoir, particulièrement quand celui-ci s'effectue dans un contexte aussi explosif que celui d'aujourd'hui. De tels comportements risquent, à très court terme, de mettre en danger l'unité et l'intégrité du pays. Nous sommes arrivés à un stade où les vieilles recettes ne marchent plus. L'Algérie ne peut qu'imploser ou se métamorphoser.


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