A Mâala, la population a visiblement tourné définitivement la page avec l'insécurité terroriste. C'est du moins le constat de tous ceux qui visitent les localités de cette commune. Certes, le souvenir de ces terribles années noires qui ont fait des centaines de victimes est toujours présent dans les esprits, mais Maâla réapprend à vivre. La production avicole domine dans les localités de Lakhdaria. Elle alimente la plupart des marchés des centres urbains du pays en viande blanche. Evoquer les noms des localités de Malla, Zbarbar et Guerrouma qui, administrativement, relèvent de la daïra de Lakhdaria (ex-Palestro) était synonyme de peur et d'insécurité. Ces noms ont acquis une très mauvaise réputation liée au terrorisme islamiste durant des années. Pendant plus d'une décennie, ces trois communes étaient transformées en théâtre de massacres et de crimes par des groupes armés. Les maquis de Zbarbar et ceux de Mâala étaient alors quasiment infranchissables, voire des «zones interdites», avec en plus leur difficile accès. C'était dans ces maquis que des nébuleuses terroristes avaient vu le jour avant de semer la terreur dès les premières années de 1990. Les GIA (Groupes islamiques armés), GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) et autres phalanges armées y avaient élu quartier général (QG). C'était à Zbarbar que, pour la première fois, une rencontre des chefs terroristes avait eu lieu. Leurs mots d'ordre étaient «assassinats, massacres collectifs, rackets, sabotages, etc.». La région y paiera un lourd tribut. La population n'avait d'autre choix que de déserter la région à la recherche des zones de «paix». Plus de deux décennies plus tard, la simple évocation de ces localités inspire une certaine peur, tant il est rare de voir des citoyens s'y aventurer encore, même si la population continue à y vivre dans la «tranquillité». Le mérite revient évidemment aux forces de sécurité et aux patriotes qui ont pris des armes pour défendre la patrie avant de réussir à sécuriser la zone et redonner espoir à une population exsangue, ainsi qu'aux paysans et agriculteurs qui résistent au diktat des groupes armés. A noter, toutefois, qu'on continue à signaler parfois des passages de groupes armés, se reconvertissant souvent dans une sorte de banditisme dans des villages. C'est dire que le risque de rencontre inopportune n'est pas totalement écarté lors de visite des collines de ces communes, plus chaleureuses qu'hostiles. Dans le QG de l'ex GIA Perchée à plus de 500 mètres d'altitude, la commune de Mâala (daïra de Lakhdaria), est située à une vingtaine de km au nord de l'ex Palestro, à l'ouest du chef-lieu de Bouira. Maâla est une commune qui accuse toujours un sous-développement. Nos deux guides, Redouane et Rédha, éleveurs avicoles connus dans la région, nous accompagnent tout au long d'un périple, entamé par le chef-lieu de daïra de Lakhdaria. Notre première visite sera consacrée au siège de la Capsat (une coopérative avicole), abandonnée pendant des années avant d'être récupérée par des travailleurs et des aviculteurs. Opérationnelle depuis 2007, la Capsat renferme 30 couvoirs et des armoires à incubation où sont entreposés des œufs en attente de l'éclosion. Cette coopérative, d'une capacité de 140.000 œufs à incuber, est exploitée par des travailleurs, en collaboration avec des aviculteurs. Une virée nous est proposée encore vers l'abattoir de la ville implanté à la nouvelle zone d'activités de Lakhdaria. Le lieu paraissait très approprié pour toutes activités agricoles. D'une superficie de plus de 10 hectares, la zone abrite des dizaines de fabriques, lancées grâce aux aides de l'Etat. Ce nouvel abattoir est unique en Algérie, avec ses multiples installations modernes, nous dira Redha Guechou, son propriétaire. Ouvert au début de l'année en cours, l'espace répond à toutes les normes d'hygiène, de sécurité et de respect pour l'environnement. «L'équipement de la structure est importé d'Italie. Il répond, en matière d'abattage, aussi bien aux besoins locaux que régionaux», précise notre interlocuteur. En quittant la ville de Lakhdaria, avec son urbanisme désordonné, la première vue frappant l'esprit nous vient du marché des fruits et légumes du même centre urbain. L'espace est sérieusement dégradé avec les marchands qui proposent toutes sortes de produits à ciel ouvert et occupant les trottoirs de part et d'autre. «C'est pratiquement de la production locale qui est vendue dans ce marché», affirme notre guide, qui confirme, chemin faisant, une nette amélioration de la situation sécuritaire locale. Preuve en est ces milliers de poulaillers, installés un peu partout tout au long du trajet menant vers la commune de Mâala. Des poulaillers et des… poulaillers Le chemin de wilaya (CW) 93 menant de Lakhdaria à Mâala est pénible avec sa forte pente à faire «époumoner» votre véhicule. Les virages donnent une sensation de vertige. À mi-chemin, nous planions déjà, tels des volatiles, de par une vue magique, au dessus des vallées et les fascinants zigzags de l'Oued Bouamoud. La circulation automobile est fluide. Une halte au village Bouabache. Un calme semble régner. Nos deux guides nous montrent des dizaines de nouvelles constructions réalisées dans le cadre du programme de l'habitat rural. «Ce sont des villageois qui ont bénéficié des aides de l'Etat, mais cela reste insuffisant», dira notre guide. Le village n'est pas encore raccordé à l'eau potable, ni au gaz naturel. Les infrastructures de base sont presque inexistantes. Non loin de ce village, des habitants ayant bénéficié de soutien dans le cadre du Fonds national de développement agricole (FNDA), ont relevé un défi en réalisant des huileries modernes. A Berricha, nous avons visité une huilerie réalisée dans le même cadre. Notre guide, Redouane, nous apprend que «de nombreux villageois qui exercent pour la promotion de l'oléiculture ont bénéficié des aides pour lancer des forages». Dans les parages, une somptueuse villa trône et dont les occupants avaient été contraints par le terrorisme de la fuir dans les années 1990 pour s'installer à Alger. Ils ne sont revenus pour travailler de nouveau leurs terres qu'au bout de dizaines d'années d'exode forcé. Aux environs, des poulaillers à étages ont été conçus grâce aux aides de l'Etat, ce qui a permis de classer Lakhdaria comme étant la première région productrice de viande blanche à l'échelle nationale. Des aviculteurs à Berricha, Ben Ferha et Guerrouma réclament des aides eux aussi pour améliorer leurs conditions d'élevage avicole, ainsi que la réalisation de pistes agricoles. En la matière, Rachid Morseli, responsable de la Direction des services agricoles (DSA) qui chapote ce programme nous indique qu'il a été ouvert au niveau de la commune, quelque 30 km de pistes afin de désenclaver les localités et permettre aux villageois de travailler leurs terres. Des unités de l'ANP toujours en place En arrivant au chef-lieu de la commune de Maâla, donnant par superbe vue sur le barrage Koudiat Acerdoun, deuxième réservoir en Algérie, avec sa capacité de 680 millions de mètres cubes d'eau, après celui de Ben Haroun, dans la wilaya de Mila, le maire de Maâla, Belkadi Mohamed, nous montre le village Ouled Oumrane, perché sur les hauteurs de la commune. Ce village est toujours inoccupé, déserté par sa population à cause du terrorisme. Pourtant, le maire confirme que la situation sécuritaire «s'est améliorée». Des barrages et des postes avancés de l'ANP sont toujours là. Au début des années 90, la commune abritait une population d'environ 12.000 habitants. Mais lorsqu'on se réfère au dernier recensement, les statistiques donnent tout juste 5.000 habitants qui y vivent encore. Hormis l'activité avicole, Maâla reste pauvre. «En matière de l'habitat rural, notre commune a bénéficié d'un quota de 800 aides. Mais cela reste insuffisant. Hormis, une salle de soin, un CEM, nos villages ne sont pas encore dotés en gaz naturel et autres commodités vitales. Le projet de réalisation d'un lycée est l'arrêt à cause des oppositions de citoyens propriétaires du terrain d'assiette. Notre commune quasiment la seule à n'avoir pas bénéficié de projets sectoriels», déplore le maire en saluant la résistance de la population au diktat des groupes armés. En quittant Mâala pour aller vers Tifiras, Bsibsa, villages ayant été des cibles des groupes armés, l'on a remarqué un important retour de la population sur ses terres grâce au soutien de l'Etat. De nouvelles constructions, des espaces agricoles cultivés, des milliers de bâtiments en étage destinés à l'élevage avicole, sont réalisés tout au long de la route menant vers Guerrouma. La coopérative El Hillal, de Douga Abdelkader, en plus d'autres exploitations en pleine montagne de Siah Ahmed, est un exemple de réussite dans le domaine avicole. Avec une capacité globale d'un million de poussins pour les deux coopératives, leurs propriétaires aspirent à d'autres extensions et investissements. Confrontés à des contraintes administratives et blocages, nos interlocuteurs indiquent avoir déposé depuis longtemps leurs dossiers au niveau des banques pour financer leurs projets, notamment d'élevage de vaches laitières. A la DSA on nous précise que ces dossiers sont en étude et des titres de concessions seront délivrés pour que ces exploitants puissent financer leurs projets. Route de Babour, danger permanent Au retour, nous avons choisi la route de Babour, un chemin qui continue d'enregistrer des faux barrages. Sur les hauteurs des villages, l'activité avicole domine. «Tout ce que vous avez écrit dans les journaux sur les faux barrages a concerné en majorité cette route. Mais les villageois sont là et résistent», diront nos accompagnateurs qui déplorent le mutisme des autorités quant à leurs demandes d'effacement de leurs dettes, comme l'avait promis le chef de l'Etat. A Maala comme à Guerrouma, même si la situation sécuritaire s'est améliorée depuis quelques années, le diktat des terroristes a cependant laissé des traces indélébiles dans les villages. Les montagnards se remettent mais difficilement de la longue épreuve terroriste qui les avait pris en otages pendant des décennies. Maâla, Guerrouma ou Zbarbar, ne peuvent oublier les dizaines de personnes, dont des ouvriers et des paysans, fauchées sur la route ou dans leurs maisons par des lâches se croyant intermédiaires de Dieu sur terre. En somme, à Maâla, la population semble avoir tourné la page avec l'insécurité terroriste. C'est du moins le constat de tous ceux qui visitent les localités de cette commune. Certes, le souvenir de ces terribles années noires qui ont fait des centaines de victimes est toujours présent dans les esprits, mais Maâla réapprend à vivre, quoi qu'il en soit. La responsabilité des pouvoirs publics est cependant engagée pour fixer et stabiliser la population en réalisant notamment des pistes agricoles tout en lançant d'autres projets de développement local afin de rassurer davantage les citoyens.