La déception suscitée par le dénouement sous forme d'échec de la conférence pour le climat de Copenhague est à la mesure des espoirs qu'avait éveillés la tenue de ce sommet « historique ». Et certains, comme le Premier ministre Japonais Yukio Hatoyama, avaient prévenu : si aucun accord, aussi imparfait soit-il, n'était adopté au terme des négociations, cela aurait relevé du « déshonneur ». Afin de sauver l'honneur et de ne pas perdre la face aux yeux de l'humanité, braqués sur la capitale danoise, les chefs d'Etat ont accouché, au forceps, d'un accord « a minima ». Les différents comptes rendus établis en temps réels par les correspondants de presse ou par les émissaires des ONG présents sont on ne peut plus clairs. La dernière journée, la plus importante, a vu le Bella Center, qui a abrité l'événement, se transformer en champ de bataille où le chaos, l'incertitude, les atermoiements, les tergiversations et le désordre ont prévalu. Tout au long de la journée et au fur et à mesure que les négociations et les apartés se déroulaient, des brouillons de l'accord de Copenhague circulaient et étaient largement commentés. De même, des « fuites » ont permis que des documents internes et « confidentiels » de l'ONU soient publiés, donnant un tant soit peu le la quant aux profondes divergences opposant les différentes parties. Et les analyses, plus alarmistes les unes que les autres, prédisaient unanimement ce fiasco annoncé. La confusion et la tension croissaient avec le prolongement, jusqu'à tard dans la soirée, des tractations. Il a fallu attendre au-delà de 22h, hier, pour qu'une déclaration politique soit enfin rendue publique et qui n'avait d'ailleurs pas été signée par nombres de pays. Le texte de deux pages et demie n'a rien de révolutionnaire ni de contraignant. Bien au contraire. Ce qui est jugé « insuffisant mais significatif » par le président des Etats-Unis, Barack Obama, est décrété « un désastre » et « un recul » par rapport à Kyoto, avec un projet d'accord ayant « la substance d'une brochure touristique », dénonce Pascal Husting, directeur de Greenpeace France. Limitation à +2 degrés mais pas de réductions chiffrées Certes, dans le document politique négocié, les dirigeants prévoient de limiter le réchauffement planétaire à 2°C d'ici à 2050 par rapport aux niveaux pré-industriels, ce qui était l'objectif affiché. Mais cela reste bien en deçà de ce que réclament les petits Etats insulaires, représentés par Grenade et les Maldives, qui militaient avec les pays les moins avancés pour une hausse maximale de 1,5°C. La question épineuse sur laquelle butaient les négociations était la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et sur ce point-là, c'est le flou le plus compact, aucun objectif chiffré n'ayant été consigné à l'horizon 2050. Pour les pays industrialisés, les objectifs de réduction d'émissions de gaz polluants d'ici à 2020 ne seront fixés qu'en janvier, une fois que chacun de ces pays aura donné par écrit ses propres engagements. Mais cela aurait pu être pire, puisque, dans un premier temps, des réductions chiffrées ont bien été incluses dans l'une des premières versions de l'accord. Seulement, ces contraintes n'auraient abouti qu'à une limitation de +3 degrés de la hausse des températures globales. D'où la proposition, annexée à l'accord par les Nations unies, qui appelle la communauté internationale à conclure un traité contraignant d'ici la fin de l'année prochaine. L'autre volet de l'accord de Copenhague concerne l'aide financière allouée aux pays en développement et aux pays les plus vulnérables aux effets du changement climatique. Les chefs d'Etat ont ainsi accepté de leur consacrer 100 milliards de dollars par an à compter de 2020 et d'examiner pour ce faire des financements innovants. Les Etats-Unis, pour leur part, se sont engagés à verser 3,6 milliards de dollars d'aide aux pays les plus menacés d'ici 2012 afin de les aider à s'adapter aux impacts du réchauffement planétaire. Dans le texte de la déclaration, il est précisé que « l'engagement collectif des pays industrialisés est d'apporter des ressources nouvelles et supplémentaires (à l'aide au développement) d'un montant total de 30 milliards de dollars. L'Union européenne avait déjà promis de verser 10,6 milliards de dollars sur les années 2010, 2011 et 2012 et le Japon a annoncé à Copenhague 11 milliards de dollars sur les trois ans ». Rendez-vous à Bonn et à Mexico pour le reste Par ailleurs, un chapitre est consacré à la protection des forêts. Il est reconnu l'importance de réduire les émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts et la nécessité d'améliorer l'élimination des gaz à effet de serre par les forêts. L'accord prévoit des mesures « incitatives » pour financer la protection des forêts avec des fonds des pays développés. Et s'il est un pays épinglé en raison de son manque de coopération, c'est bien la Chine, qui n'a « lâché aucune concession ». Taux d'émission de gaz nocifs, réduction de son activité industrielle et polluante ou encore vérification internationale du respect des engagements pris. Aprement disputée, cette partie du texte, chapitre le plus long de l'accord, précise que les économies émergentes doivent faire le bilan de leurs efforts et en rapporter aux Nations unies tous les deux ans. Des contrôles internationaux sont prévus pour répondre aux exigences occidentales de transparence, mais le texte garantit le « respect de la souveraineté nationale ». Ce qui représente de ce fait une manière d'écarter tout contrôle contraignant. Ce qui induit aussi qu'il n'est pas prévu la création d'une organisation mondiale de l'environnement, qui aurait pu vérifier la mise en œuvre des engagements de chacun et aurait aussi le pouvoir de les contraindre légalement. Mais pour les plus optimistes, le volet juridique, absent de cette déclaration politique, sera à nouveau débattu lors de négociations que la chancelière allemande, Angela Merkel, organisera à Bonn « dans six mois ». Et qui prépareront le terrain à un autre « grand rendez-vous », la prochaine conférence sur le climat de Mexico, qui devrait se tenir fin 2010.