Jamais rendez-vous n'avait suscité autant de passion et d'enthousiasme. Copenhague cristallisait tous les espoirs, la déception est immense: le Grand soir du climat attendra au mieux fin 2010 et la prochaine conférence de Mexico. Scène de théâtre pour les ONG, défilé de “people” verts, d'Al Gore à Wangari Maathai, rendez-vous altermondialiste: pendant deux semaines, du 7 au 18 décembre, Copenhague était “the place to be”, rehaussée en clôture par le sommet de plus de 120 chefs d'Etat et de gouvernement portant la lourde responsabilité de sceller un accord déterminant pour l'avenir de l'humanité. “J'espère que cela va donner quelque chose, parce que si cela ne donne rien du tout, moi, je sais qui sont les gens au pouvoir en ce moment, je ne risque pas d'oublier leurs têtes”, lançait à mi-parcours la chanteuse béninoise Angélique Kidjo. Au final, après deux semaines de négociations chaotiques mais un extraordinaire foisonnement, avec des délégations venues de 193 pays, l'amertume domine. Pour John Hay, du secrétariat général de la Convention climat de l'ONU (Cnucc), le rendez-vous danois restera comme “le plus grand sommet de chefs d'Etat et de gouvernement dans l'histoire des Nations unies et probablement dans l'histoire tout court”. Mais c'est un aussi un désenchantement, tant le résultat est loin des critères de réussite que les responsables de la Convention eux-mêmes avaient arrêté depuis de longs mois. L'accord de Copenhague ne répond ni aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés recommandés par la science (de -25 à -40% en 2020 par rapport à 1990), ni aux objectifs de long terme pour l'ensemble de la planète (-50% en 2050). Et surtout, il omet de fixer un calendrier jusqu'à la conclusion d'un traité contraignant, espéré courant ou fin 2010 dès lors qu'il était évident qu'un “Protocole de Copenhague” n'était plus à portée. Sa vertu tient essentiellement à son existence, à l'issue d'un processus de négociation mené à la cravache par une présidence danoise déterminée à aboutir, au risque d'afficher des positions très pro-américaines — pour s'assurer du retour des Etats-Unis dans le jeu climatique — et de violenter parfois les règles du multilatéralisme. Ejectée en fin de parcours par son Premier ministre, Connie Hedegaard, qui reconnaissait samedi sa déception, s'est attiré les foudres et même la hargne des pays en développement. Débordée par son succès, la petite capitale danoise, sur les dents à l'approche et pendant l'événement, a été contrainte d'envoyer certains de ses visiteurs à plus de 100 km, tandis que le Bella Center, site de la conférence des Nations unies sur le changement climatique, devenait l'épicentre du monde. La police danoise, qui avait affiché sa volonté de fermeté, a fait preuve d'un zèle peu commun, procédant à plusieurs centaines d'interpellations préventives lors des manifestations. Les militants de Climate Justice Action (CJA), qui fustigent une “diplomatie climat” inefficace, ont dénoncé une réaction policière “disproportionnée et arbitraire”. “C'est comme un match de football, nous écartons les hooligans pour ne pas troubler la fête”, ont répondu les forces de l'ordre. Et la diplomatie climat continue. Chacun a déjà les yeux rivés sur la prochaine grande conférence, à Mexico, fin novembre de l'an prochain. Samedi soir, dans le Bella Center déserté, la crainte des derniers délégués présents, à l'image de Dessima Williams, représentante de Grenade et des petites îles menacées par la montée des océans, était palpable. Tous espèrent un sursaut salutaire l'an prochain. En sachant déjà que la prochaine grand-messe du climat ne devrait pas susciter la même mobilisation à travers le monde, des citoyens aux chefs d'Etat.