Photo : La Tribune De notre envoyée spéciale à Tamanrasset Mekioussa Chekir Le second Festival culturel national de la chanson et de la musique amazighes qui se tient depuis le 19 décembre dernier à Tamanrasset est une opportunité pour aborder les aspects académiques et scientifiques de ce pan du patrimoine algérien. Ainsi, lors de la matinée d'hier, il a été à nouveau question du patrimoine immatériel touareg et de l'origine du tifinagh, l'écriture commune à tous les Amazighs, dont les Touareg d'Algérie et d'ailleurs. Enseignant de tamazight à Tamanrasset, le professeur Hamza Mohamed a, d'emblée, expliqué dans sa contribution orale que le tifinagh est plus qu'une langue, c'est aussi «un symbole, une identité. L'écriture est une force car, grâce à celle-ci, l'homme a pu établir des lois et les fixer». L'écriture constituant un des maillons de la culture, elle contribue de ce fait à la pérennisation des idées et à la conservation du savoir, estime l'intervenant. Et de citer quelques concepts qui se rapportent à cette culture comme «timaslak», en targui l'accent propre à chaque région parlant tamazight (Mali, Niger, Algérie, Libye). Les «tinaqass, signifiant les légendes, ont tenté d'expliquer l'origine du tifinagh chez les Touareg. La plus répandue, rappelle le conférencier, reste celle d'Amamelan», ce targui ayant inventé cette écriture en voulant transmettre un message d'amour à son épouse que les autres ne pouvaient comprendre. Ce faisant, il donna une voix à chaque signe, d'où la naissance de cette langue adoptée par la suite par le reste de la population. D'autres spécialistes, informe encore M. Hamza Mohamed, font remonter cette écriture à l'ère de la Mésopotamie qui a vu naître l'écriture sumérienne au moment où d'autres indices la rapportent aux caractères libyques, en précisant qu'à l'époque elle s'écrivait dans les deux sens (de gauche à droite et inversement). «Ce qui est certain, c'est que, même pendant la période romaine, le tifinagh a continué à exister dans des villes comme Alger, Oran, Tripoli et Tabarka.» Nouredine Benabdallah, enseignant de tamazight à Tamanrasset, a choisi, quant à lui, une approche académique pour cerner le concept du patrimoine oral ou immatériel, en axant sur l'instrument de l'imzad qu'il place au rang de «rite» et pas seulement de chant. Celui-ci, explique-t-il, s'adresse au cœur avant l'ouie et s'exécute occasionnellement, d'où la fonction hautement sociale qu'il occupe. L'imzad, informe l'intervenant, veut dire en targui cheveu, cette matière puisée de la crinière du cheval, qui veut dire chaar en arabe, les Touareg ayant choisi un terme qui se rapporte à la poésie (chiir). Le cheveu, par ailleurs, est un des symboles de la féminité, rappelant, du coup, que c'est la femme targuie qui détient l'exclusivité de cet instrument ancestral. Toute poésie est une parole, ce qui suppose qu'il y a message entre l'émetteur et le réceptif, l'objectif de tout message oral étant de faire comprendre, ajoute l'intervenant. «L'imzad ne se joue pas pour le divertissement et le plaisir mais pour interpeller les sens. Lorsque l'imzad chante, tout le monde est tenu de se taire, disent les Touareg. Les suggestions corporelles qui accompagnent le chant de l'imzad sont elles-mêmes une expression artistique qui le complète», note-t-il. De même que les applaudissements sont une réaction à l'intensité du chant. Sur l'origine de l'imzad, un intervenant, universitaire à Béjaïa, a remis en cause cette version des faits. A noter enfin que, dans le cadre de l'animation artistique de la seconde édition de ce festival, la soirée de dimanche dernier a été marquée par le passage sur scène d'une jeune troupe targuie de danse originaire de Tamanrasset qui a exécuté une belle chorégraphie aux origines et aux symboliques typiques de la région. La plus connue étant la danse de takouba, qui raconte le rite guerrier qu'entretenaient les Touareg d'antan en faisant valoir leurs armes (épées et boucliers) et les gestes corporels expressifs des attitudes offensives et défensives. Cette troupe a été suivie de l'artiste Abdellah Mesbahi, originaire de Djanet, qui a mis le feu aux poudres en créant une ambiance déchaînée chez la jeune population locale, laquelle a répondu en dansant à en perdre le souffle. Issu de la même école que feu Athmane Bali, cet artiste est l'invité d'honneur de cette édition en sa qualité de lauréat du 1er prix de l'édition précédente.