Quelques poignés de femmes savent encore manier l'Imzad, cet instrument millénaire contre les solitudes. Elles sont Touaregue et ne sont plus nombreuses à pratiquer cette musique antique contre les angoisses et les chagrins. Patrimoine donc qu'est cet instrument qui ne se fabrique plus par quantité puisque la modernité l'a flagellé, les nomades se sont sédentarisés. Il fallait un moyen de le maintenir comme arche du passé. C'est ainsi que l'association de Tamanrasset, Sauver l'Imzad est née il y a quelques temps. Celle-ci compte bientôt construire une retraite pour cet instrument monocorde et qui s'appellera "Dar Imzad" (la maison de l'imzad). Coût du projet qui sera lancé "dans les tous prochains jours" sur un terrain de 10.000 m2 situé à 5 km de Tamanrasset, sur la route menant vers le site touristique de l'Assekrem : 125,8 millions de DA . Destinée à être un centre de rayonnement de la culture des régions du Sud, "Dar Imzad" se veut un point de rassemblement d'artistes et de passionnés des arts traditionnels des déserts et un moyen de préservation des biens immatériels menacés de disparition, a expliqué Mme Badia Benchareb, membre de l'association. Le projet attend la participation de sponsors et de donateurs pour entamer la phase de réalisation. L'entreprise Sonatrach vient de financer une partie du projet, à savoir l'école de formation. Instrument réservé exclusivement aux femmes dans ce désert mystérieux où évoluent, depuis des lustres les populations touarègues, l'Imzad est, avant tout, un symbole, un instrument de pouvoir et de puissance contre les silences. Cet instrument qui est, à l'heure actuelle, maîtrisé par une poignée de femmes, existe depuis la nuit des temps. Alors que la femme tient l'instrument, l'homme, quant à lui, chante sur les airs de l'imzad. Instrument unique sur une scène organisée et réglée tel du papier à musique, il serait blasphématoire d'intégrer un autre son qui se mêlera à celui de l'Imzad, hormis la voix rauque de l'homme. Les hommes du désert racontent, alors, leurs passions, leur vie et leurs souffrances sous des airs monocordes. Mode de transmission et pédagogie; le rôle de l'imzad dans le monde d'aujourd'hui en tant que référent identitaire chez les femmes et outil de lutte contre la pauvreté. L'Imzad se compose, selon la définition du père de Foucault "essentiellement d'une calebasse demi-sphérique appelée "ateklas" ou "elkas" qu'on munit d'un manche de bois "tabourit" bâton (manche du violon), sur lequel on tend une peau "élem" et à laquelle on ajuste une corde "aziou" faite de crins de cheval ; un chevalet, formé de deux petits bâtons croisés et liés ensemble, "tiziouin" (petites tiges = chevalet du violon), maintient la corde au-dessus de la peau du violon ; deux ouïes, dont chacune est appelée "tit" œil (ouïe du violon), sont pratiquées dans la peau, l'une à droite, l'autre à gauche du chevalet ; quelques rares imzad n'ont qu'une ouïe, placée soit à droite ou à gauche du chevalet; quelquefois les deux ouïes ou l'ouïe unique sont non pas à la hauteur du chevalet mais entre le chevalet et le manche ; dans ce cas, lorsqu'il n'y a qu'une ouïe, elle est habituellement sous la corde.L'imzad n'a pas de cheville". On joue l'Imzad assis, l'instrument sur le genou, la main gauche tenant le manche et pressant la corde,la main droite tenant l'archet. L'archet taganhé est une baguette recourbée en forme de demi-cercle entre les extrémités de laquelle est tendue une corde aziou faite en crins de cheval. La fabrication d'un Imzad nécessite environ 6 à 7 jours. Les matières utilisées pour la fabrication de l'instrument sont d'origine végétale, animale et minérale. La peau de gazelle était privilégiée jadis, actuellement on utilise plutôt celle des caprins. La calebasse : c'est une plante grimpante de la famille des cucurbitacées, dont le fruit creux (calebasse ou gourde) est cueilli vert. Vidé et séché, il sert de récipient, de bouteille ou de boîte ainsi que pour l'imzad. Le bois : le bois de figuier est apprécié pour la fabrication de l'instrument, à défaut on utilise le bois de laurier-rose ou d'acacia. Les couleurs utilisées se présentent sou forme de poudre que l'on dissout dans de l'eau chaude pour donner son éclat à la teinte par la suite. Les couleurs jaune et verte sont importées du Niger, l'ocre est extrait de carrières de Tamanrasset, et le noir est obtenu à partir de la macération de morceaux métalliques (fer, clous…) dans la première rincée du thé vert lors de sa préparation rituelle. La femme joue à l'Imzad. En plus de la voix de l'homme, l'Imzad peut être accompagné de battements de mains, exceptionnellement d'un duo. Il a une grande relation avec les pratiques guerrières de jadis. Il accompagne les femmes au cours de leurs transhumances… Le son de l'imzad, au pays des Touareg, enveloppe le corps et l'esprit dans une sorte d'espace infini. Sauver l'Imzad Il semblerait qu'il ne reste plus que 6 vieilles femmes qui savaient encore fabriquer et jouer de l'imzad. Avec leur disparition, c'est toute une identité culturelle qui disparaît. Et pourtant, grâce à cette culture millénaire, la femme targuie jouit de privilèges auxquels la femme moderne n'accède que depuis peu. L'association, " Sauver l'Imzad " s'attelle depuis longtemps à sensibiliser des parties concernées afin de faire connaître au niveau local et national cet art ancestral, faisant prendre conscience aux populations locales de la nécessité de se mobiliser pour préserver ce patrimoine. Une opération de recensement des artistes joueuses d'Imzad et poètes a été lancée dans toute la wilaya de Tamanrasset. C'est ainsi que 10 formateurs et formatrices ont été retenus pour la création d'une école d'Imzad à Tamanrasset. Près de 200 jeunes filles se sont inscrites à Tamanrasset. Une première promotion " Promotion Dassine " de 40 élèves a démarré le 2 Janvier 2004 au sein de l'Institut de la formation professionnelle.